Ce voyage à Rome que nous devions faire l’été dernier Rome (mais qui a été déplacé à Aruba) et bien il avait été reporté à ce moment-ci. Seulement, nous allions disposer d’une semaine supplémentaire, d’un peu plus de fraîcheur au niveau de la température ainsi que possiblement moins de fréquentation. Audrey pour sa part avait choisi de partir une semaine avant moi pour aller visiter l’Autriche en solo. Comble de chance, un autre ami du Canada allait se joindre à nous pour la première semaine. Le couple que nous allions visiter cependant quittait bientôt Rome pour revenir au Canada et auraient probablement davantage apprécié notre visite il y a quelques mois mais bon … mieux vaut tard que jamais comme on dit.
Disons que la saison touristique était bel et bien entamée…
J’avais déjà vu Rome en fait en 2012 et bien honnêtement j’avais eu ma dose de monuments et de musées à ce moment. Les églises se ressemblent toutes et une ruine romaine c’est une ruine. Certains me trouveront hérétique, mais après en avoir vu des masses, l’art ancien finit par se ressembler; une autre peinture du Christ n’ira pas ajouter grand chose à ma culture. Qui plus est, Rome est en fait un musée en soit, alors c’était un peu aberrant d’aller s’enfermer entre 4 murs ou dans un parcs de vieux cailloux et passer à côté d’un paysage urbain si unique
Les ruines du Forum vues du Palatin avec le Colisée en arrière planMalgré tout, on aura fait beaucoup de cette activité
Heureusement, mes deux compagnons de visite partageaient un avis similaire. Nicholas avait raté quelques endroits lors de sa précédente visite et tenaient à les voir ou revoir (comme le Panthéon) mais c’est tout. Audrey, fidèle à elle-même, préférait s’en tenir aux incontournables et investir son temps dans l’errance urbaine et la bonne nourriture.
L’intérieur du Vatican. Il faut dire que parmi tous les lieux de cultes, celui-là ne laisse pas sa place en terme de faste et de grandiose.
Alors voilà, on a (re)vu le Colisée, le Palatin, le Forum, la Fontaine de Trévi, le Panthéon, la voie appienne, les diverses places. On est rentré dans quelques églises pour la forme et j’ai tenu à revisiter le macabre monastère des Capucins avais ses cryptes décorées d’ossements humains.
Dans le dôme de Saint-Pierre, il ne fallait pas être claustrophobe
Le Vatican aura eu sa journée presque entière car St-Pierre de Rome mérite définitivement qu’on s’y arrête. Le niveau de grandeur et d’opulence n’a pas son égal dans le monde occidental. Financé à coup d’indulgences à même les coffres d’une église catholique avare comme pas deux, on comprend sans difficulté le grand schisme vers le protestantisme. Malgré tout, le bâtiment impressionne. Ce coup-ci, j’ai tordu les pieds de mes compagnons pour que l’on monte dans le dôme pour aller profiter de la vue au sommet. Je dois avouer, ça donne parfois le vertige, mais le coup d’oeil 360 degrés sur le Vatican et Rome vaut l’effort. Redescendus au sol les jambes un peu molles, on a sauté la chapelle Sistine (décevante à mon sens [j’ai déjà dit ça un ami féru d’histoire et d’art pour ensuite me faire immoler]) pour marcher jusqu’à chez notre hôte.
La vue depuis le haut de la basilique Saint-Pierre
Beaucoup de soirs dans cette semaine ont été passés à déguster de la bonne cuisine (amenez-en des pâtes maisons) en bonne compagnie. Pour le dernier souper, c’était un BBQ à l’ambassade canadienne, invités par ce couple que nous étions venus visiter. Sécurité oblige, aucune photo de l’événement n’a été prise. Sans réel plan pour la suite de notre voyage (seulement une direction, le sud), on a passé le reste de la soirée à discuter de nos options avec nos amis, forts de leur expérience de 2 ans de séjour en Italie. Au programme donc, location de voiture pour quelques jours et direction le talon de la botte.
La reprise des voyage semble être une bonne raison pour renouer avec ce blogue qui je dois l’avouer, a été un peu négligé ces dernières années. La Covid en est la raison principale, mais une résidence en médecine de famille et la maladie de ma conjointe ont contribués à l’abandon temporaire de ce petit espace du web où sont racontés mes aventures qui sortent un peu de l’ordinaire. Les deux dernières années n’ont pas tout à fait été exempte de périples par contre, mais une petite semaine à Vancouver ou quelques jours à Boston ne font pas des récits très palpitants ni inspirants.
Voilà donc un court résumé d’une semaine passée fin août – début septembre à Aruba, une petite île des Caraïbes au large du Venezuela peu connue des Canadiens, mais très populaire chez nos voisins du Sud et leurs comparses des Pays Bas.
Commençons par le début donc car en fait nous n’étions pas supposés aller à Aruba. Nous devions aller en Italie. La botte n’est pas un pays que j’affectionne particulièrement, mais la présence à Rome d’un bon ami et le besoin d’y aller un peu doucement pour Audrey qui récupère de graves ennuis de santé justifiait l’endroit. Après quelques jours dans la capitale, elle voulait faire la côte Amalfitaine à pied. Rien de trop extravagant mais cela s’annonçait fort agréable.
Le centre-ville
Malheureusement à la mi-juillet, Audrey s’est cassée la cheville. Un bête accident qui n’impliquait aucun autre sport extrême que celui de descendre une marche de patio. La cassure de sa malléole externe était franche et non déplacée. Deux semaines d’immobilisation puis quatre semaines d’une attelle avec marche selon tolérance allait suffire à guérir la fracture. Guérir certes, mais avant qu’elle ne retrouve sont niveau de fonctionnement antérieur, il allait falloir des mois. On ne passe pas d’une cheville cassée à trente kilomètres de marche quotidienne en six semaines.
Il allait donc falloir changer les plans. Voilà que nous est venue l’idée de reporter notre voyage en Italie et plutôt d’y aller en mode hôtel tout inclus. Une jambe en convalescence, c’est une bonne raison d’aller asseoir son cul sur une plage et tendre le bras pour attraper son pina colada. J’allais même pouvoir inviter ma belle-mère pour fêter sa retraite et ses soixante ans.
Panorama de l’île depuis le HooidbergDescente des escaliers menant au sommet du Hooidberg
Si l’on avait été en hiver, l’offre aurait abondé, mais une fois toutes les destinations soleil passées au travers de nos critères, soit l’exotisme (donc pas Cuba, pas le Mexique, …), la belle température (on est en début de saison des ouragans), les prix raisonnables (Fidji ou les Maldives, c’est cher) il ne restait que … Aruba.
Ancienne colonie hollandaise, Aruba ainsi que ses deux copines (Curaçao et Bonaire) jouissent encore de liens serrés avec les Pays-Bas. À un jet de Pierre du Venezuela, le climat de ces îles n’est pas celui des Caraïbes où la jungle règne en maître. Sur Aruba, ce sont les cactus (et les resorts) qui dominent un paysage tout à fait désertique. Conséquemment, l’endroit est épargné par les pluies de la saison des ouragans et reste ensoleillé pour le plus clair de l’année.
Comme de fait, la météo était bien pourrie partout ailleurs dans la région. Vu le prix que nous a coûté nos billets, nous n’étions manifestement pas les seuls à s’être jetés sur l’endroit. C’est dommage pour la belle-mère d’ailleurs, mais à trois fois le prix d’un typique voyage dans le sud, on allait la gâter autrement.
Aruba, île la plus riche de cette partie du globe, jouit d’un niveau de vie assez élevé. Considérant que les prix sur place dépassaient ceux du Canada pour approximer ceux du vieux continent, nous avons été rapidement confortés dans l’argent que nous avions déboursés pour nous y rendre. La nourriture est bonne, le service est excellent, la relation avec les habitants n’est pas uniquement mercantile, l’environnement est étonnamment propre et les infrastructures de plutôt bonne qualité.
Auparavant Aruba tirait principalement ses revenus du pétrole
La dernière fois que j’avais mis les pieds dans un tout-inclus, c’était à Cuba il y a 11 ans. L’expérience fut somme toute assez similaire. Vu le prix, la qualité des individus qui fréquentent l’île semblait être légèrement supérieure, mais tout comme ailleurs dans les destinations soleil, la majorité des touristes sont largement au dessus de leur poids santé, viennent en petites bandes pour ne rien faire d’autre que boire, se goinfrer et se dorer la pilule. Pour cette fois, nous étions des leurs.
Avec une chambre donnant directement sur la mer, Audrey s’est largement exposée aux rayons UV, au sable et à l’eau salée. Pour ma part, j’en ai profité pour aller plonger. Les récifs étaient moyens, mais la visite d’un cargo coulé lors de la deuxième guerre et de deux épaves d’avions ont largement valu le voyage.
Un après-midi, je suis monté vers le nord avec comme objectif de marcher l’entièreté de l’imposante succession d’hôtels et de resorts jusqu’à sa fin. Le surlendemain, j’ai marché jusqu’à la capitale Orangestad, pour tenter de prendre le pouls d’une île qui ne vit que pour le tourisme. Ce que l’on pourrait appeler un centre-ville est entièrement occupé par des commerces dédiés aux multiples bateaux de croisière qui font escale plusieurs fois par semaine. En périphérie, il semblait y avoir un peu de vie authentique.
L’est de l’île est beaucoup plus rocailleux
Il a fallu louer une voiture pour aller voir la vraie Aruba. Malgré tout, c’est petit. À peine longue de vingt kilomètres, on la parcours du nord au sud en une petite journée. Sa côte est, beaucoup plus accidentée et moins développée, se visite en Jeep. Oui, il a fallu allonger beaucoup de dollars, mais je dois avouer que j’ai eu un bon plaisir à me promener en gros pneus dans les roches et les chemins défoncés.
Bref, mes journées étaient souvent occupées par la plongée et la marche et j’allais rejoindre Audrey plus tard en fin d’après-midi pour me refroidir dans la mer un verre à la main. Nos repas du soir étaient pris dans les similis restaurants offerts par notre resort (et celui voisin auquel nous avions 100% accès). Bien repus, la journée était conclue dans les divers bars de l’endroit.
Rien de très palpitant, mais quand même relaxant je dois avouer. La vie devient pour une semaine toute simple. Pas de cassage de tête, chacun fait ce qu’il veut et il y a à portée pour satisfaire toutes les envies et les appétits.
Le centre de l’île. Effectivement, c’est désertique.
J’avais également oublié à quel point les opportunités de « people watching abondaient en ces murs. Les gens y sont caricaturaux et tout particulièrement nos amis américains. Le spécimen du cinquantenaire bedonnant arborant un t-shirt à l’effigie du drapeau de son pays est fréquemment rencontré. Tout comme la madame banlieusarde au visage botoxé, tartinée de maquillage et bardée de breloques. Mention spéciale à un monsieur moustachu avec des tresses dans les cheveux, une manucure française que l’on croisait fréquemment. Fine bouche comme il est, ses repas du midi consistaient en un gros morceau de rôti maigre avec pour l’accompagner deux hot-dogs nature (pain, saucisse et ah oui, du sel et du poivre).
Adieu donc, Aruba. Nous sommes très heureux de t’avoir rencontrée en ces temps d’ouragans et de cheville cassée, mais je ne pense pas que l’on se recroise à nouveau.
Un chott est une étendue salée et aride la majeure partie de l’année, mais qui se transforme temporairement en lac avec les quelques précipitations apportées par l’hiver. Ce processus suffit à niveler le paysage en une étendue parfaitement plane et uniforme. À perte de vue il n’y a que sel et sable. Naturellement, toute structure qui sort du décor ambiant attire l’oeil. Trouvant qu’il y a quelque chose de réellement contemplatif dans l’abandon, j’ai marché plusieurs centaines de mètres pour aller capturer cette photo d’une carcasse d’autobus. Au fil des saisons et des inondations, balayé par les vents arides du désert Tunisien, la corrosion consommera irrémédiablement ce chef d’oeuvre de technologie humaine. Rien n’est permanent, tout finit par disparaître.
Cette photo, l’une de mes préférés de mon récent voyage en Tunisie (pré-pandémie), a été soumis au concours de photo du Bureau International de l’UL. Je n’ai pas remporté de prix, mais la photo vaut quand même la peine d’être partagée ici.
Ce petite commerce n’a de prime abord rien d’intéressant. Il est situé sur une artère de Tunis dans un quartier populaire ou guère étranger ne mets les pieds. Pourtant, à ce moment, j’étais de l’autre côté de la rue. Devant ce jeu de couleur entre les fruits, la pénombre et l’éclairage artificiel, j’ai trouvé la lumière magnifique et suis parvenu à capturer un moment de beauté dans la désolation urbaine. Je suis possiblement allé m’acheter quelques mandarines par la suite. Les fruits tunisiens étaient toujours excellents quoique très coûteux. Devant la demande européenne pour ces produits, les maraîchers du pays avaient tout avantage à faire de l’export. Conséquemment, le kilo se vendait aussi cher ici qu’à Paris.
Cette photo, l’une de mes préférés de mon récent voyage en Tunisie (pré-pandémie), a été soumis au concours de photo du Bureau International de l’UL. Je n’ai pas remporté de prix, mais la photo vaut quand même la peine d’être partagée ici.
Note: cette publication relate un séjour fait entre août et novembre 2019.
En apprenant que le programme de médecine offrant la possibilité d’aller passer trois mois à l’étranger pour y faire des stages, je n’ai pas pu m’empêcher de postuler. Après tout, quel meilleur moyen de voyager que de travailler et vivre ailleurs? Certes, vagabonder en voiture/sac à dos offre son lot de découvertes et de défis, mais deux jours par ville ne laissent guère le temps de découvrir une société dans toute sa profondeur et sa complexité.
Le profil international me donnait l’option entre divers pays européens (d’emblée éliminés car potentiellement trop similaires au Canada dans leurs standards de pratiques) le Pérou, la Tunisie et Madagascar. Mon premier choix a été le Pérou histoire de redonner un coup de poli sur un espagnol terni par les années, le deuxième, la Tunisie. J’appris que les deux places au Pérou avaient été d’office données à deux étudiants s’étant fortement impliqués dans le profil international. Ce fut donc l’Afrique du Nord.
Au programme, un stage à l’urgence, en chirurgie générale et finalement la médecine interne.
Tunis
Arrivée
Histoire de faire un peu de tourisme avant de commencer les stages, j’ai choisi de m’installer dans la médina de Tunis. Ayant pu l’arpenter de long en large à toutes heures du jour et du soir, je dois avouer qu’elle mérite toutes les louanges du Guide du Routard, du patrimoine mondial de l’UNESCO et même plus. Quelques allées ont définitivement une saveur boutique de souvenir, mais la plus grande superficie de cette incroyable dédale de rue a tout d’un authentique lieu de vie, et il a fait bon s’y perdre.
Depuis le Canada, j’avais pendant quelques heures tenté de me trouver un appartement sur les internets histoire de me sécuriser un lieu de vie avant mon arrivée, mais sans succès. On allait voir une fois sur place. Comme de fait, en cherchant non loin de l’hôpital un lieu où passer les prochains mois, une tunisienne m’arrête et me questionne sur la raison de ma présence dans ce quartier. Je lui déballe mon histoire et sans me demander d’autres informations elle m’offre aussitôt son appartement. Elle vit en Suisse et s’apprête à y retourner; lorsqu’elle s’absente, son appartement est vacant. Il se situe à environ 40 minutes de marche de l’hôpital, ce qui était dans le rayon que je m’étais donné. Elle m’y amène et au terme de la visite me demande combien je veux payer. 500 dinars (~230$) par mois dis-je un peu au hasard et à ma grande surprise elle accepte. J’apprendrai plus tard que l’endroit valait au bas mot deux fois plus…
La vue de mon appartementEt au coucher du soleil…
Le tout petit hic, c’est que j’allais devoir vivre pendant deux petites semaines dans sa villa … en rénovation. Bof, l’endroit était à deux pas et j’allais avoir une chambre fermée à clé. De plus, les lieux étaient habités en quasi permanence par Ali, son gardien de chantier et un homme des plus pieux à en juger par radio-Coran qui jouait à tue tête en permanence.
Installé
Content d’avoir bouclé la question du logement en quelques jours, j’ai pu profiter de mes journées de congé pour visiter Tunis. Avide marcheur, j’ai parcouru à pied une énorme portion de la ville. Le centre ville colonial a une saveur définitivement française (en un peu plus délabré), les quartiers populaires sont décidément arabes et les quartiers riches … sont riches.
Prendre le café, un sport national
En somme, c’est vraiment la médina qui vaut le détour. Du reste, ce sont principalement des dédales de rues ceinturées de grands boulevards. Les commerces se ressemblent tous (cafés, sandwicheries/pizzerias) et il y a une quasi absence de vie de trottoir. En la parcourant, l’on réalise rapidement que la Tunis moderne n’a guère plus d’attraits qu’une banlieue occidentale: aseptisée et uniformisée.
Pas surprenant donc qu’on suggère aux touristes de ne pas trop s’y attarder. En ce qui me concerne, j’y ai passé suffisamment de temps pour m’approprier l’endroit et me construire un réseau de petites places que j’aimait visiter régulièrement pour un café, un verre ou un moment de balade. J’ai pour dire que lorsque plusieurs millions d’être humains se regroupent dans une zone pour y vivre (sur une base permanente…), il doit bien y avoir quelques trucs à faire.
Le reste de la Tunisie
J’aurais somme toute peu vu de la Tunisie pour y avoir passé trois mois; de lourdes semaines de travail avec parfois pour seul congé le dimanche m’ont lassé peu de temps pour aller explorer le territoire.
Tout de même, j’ai été en mesure d’aller passer une petite fin de semaine à Tabarka, ville de l’ouest non loin de la frontière algérienne connue pour sa charmante côte et son ambiance de villégiature. Le tourisme ayant pris la plonge depuis la révolution, Tabarka ne semble plus être aussi active qu’elle n’a pu l’être dans le passé. N’empêche, j’aurais pu y faire un peu de plongée et me prélasser un brin dans un quatre-étoiles qui ne m’aura côté qu’un petit 50$ par nuit.
Également, j’ai pu aller visiter Sousse pour un accès plus direct au bord de mer et une belle balade dans sa médina. Sousse semblait avoir été avant l’effondrement du tourisme européen une destination très prisée. Aujourd’hui, la moitié des hotels sont abandonnés et le reste d’entre eux sont fréquentés par des cars entiers de russes. Là encore, j’ai pu aller plonger dans la ville d’à côté. L’équipage du bateau a été fort sympathique, mais les plongées tout à fait pourries du fait de clients trop débutants. Sorti de l’eau, je suis passé par le mausolée d’Habib Bourguiba, richement décoré et aux allures de mosquée puis ait regagné Tunis par un louage, sorte de minibus bon marché peu confortable mais peu onéreux également.
J’ai aussi pu mettre les pieds à Bizerte, car seulement à 1h de louage de Tunis. Dernier bastion français post révolution, l’envahisseur européen l’a désertée aux prix de combats qui encore aujourd’hui font la fierté du peuple tunisien. Ils n’auront laissé qu’une belle architecture, un sympathique port et une ambiance qui a tout pour plaire et faire oublier la frénésie de la capitale.
Vers la fin du séjour, mes parents et ma copine sont venu me rejoindre. Eux s’étaient donnés deux bonnes semaines et je me suis arrangé pour faire concorder un stage à Tozeur dans le sud pays avec leur trajet. Ce stage n’était pas officiel, mais un chirurgien avec qui je me suis lié d’amitié m’y a invité pour aller opérer. L’hôpital régional de cette petite ville aux abord du désert est en découverture de spécialistes, alors le ministère de la santé y envoie des médecins de la capitale en rotations d’une semaine. Tozeur est connue pour son oasis de dattiers et Tatooine. En effet, c’est là que plusieurs scènes des films Star Wars ont été tournées. Du reste, mes parents, ma copine et moi nous sommes baladés dans le paysage, profitant des dunes, des palmiers et du chott, grande étendue de sel qui quelques semaines par année se remplie d’eau. Aux abords de la route le traversant, nous avons remarqué que certaines dépressions étaient encore bien submergées. Je ne me suis pas fait prier pour enfiler mon maillot de bain et y sauter pour un effet des plus satisfaisants (comme dans la mer morte). Saturée de sel, l’eau est si dense qu’il est possible sans efforts de flotter les bras et les jambes au sec.
Question chirurgie, l’équipe de l’hôpital a été dans plus accueillante, enchantée de rencontrer un visiteur étranger dans leur petit coin de pays. Sur deux jours, j’ai pu être premier assistant durant de belles procédures.
Les stages et le système de santé tunisien
Sans grande surprise, le système de santé tunisien est calqué sur le système français, tant dans sa gestion que dans la formation de son personnel. Le rôle des étudiants en médecine y est notamment très effacé et académique, contrairement au Canada, où nous sommes largement intégrés aux équipes. Un externe en médecine n’a certes pas le même niveau de responsabilité qu’un résident ou patron, mais ceci en retour nous libère temps et énergie pour être à l’écoute des patients qui nous sont attitrés, nous adonner à des tâches plus administratives et finalement jouer un rôle de surveillance auprès des malades. À ce titre, nombre de mes patients auront cru jusqu’à leur congé que j’étais en fait leur médecin (mon âge contribuant à cette impression il faut dire…), car parmi l’équipe médicale, j’étais le visage qui passait une heure chaque jour pour prêter oreille à leurs plaintes, leurs doléances, répondre à leurs interrogations concernant leur soucis de santé et les tenant informé de ce que l’équipe décidait pour eux.
En Tunisie, les étudiants passent la matinée dans la spécialité qu’ils étudient l’après-midi à l’université, ce qui au mois a comme effet de donner une touche concrète au théorique. La tournée du matin est dirigée par le grand professeur, qui passe chaque patient du service en revue et en profite pour questionner à outrance ses résidents et ses étudiants, usant souvent de cette fameuse pédagogie par l’humiliation lorsque les réponses données ne lui conviennent pas. Le pauvre patient affaissé dans sont lit doit bien se sentir comme un cobaye. On le manipule et le pointe du doigt et de surcroît la tournée est faite en français, langue de la classe éduquée tunisienne, mais qui n’est que très superficiellement comprise par la population générale. Cette entreprise prendra le plus clair de la matinée, ce qui ne laissera aux pauvres étudiants guère l’occasion d’aller écouter et examiner un malade pour réfléchir sur la meilleure manière de le soigner.
L’éducation académique tunisienne est excellente et j’ai été plus d’une fois impressionné à quel point mes collèges étaient savants et me déclassaient complètement au plan théorique. Quand venait le temps d’examiner et agir par contre, j’étais d’un niveau largement supérieur. Ainsi, les médecins du service s’en sont rapidement rendu compte et m’ont laissé me distancer du rôle d’étudiant pour prendre davantage part aux activités cliniques du service. Ils étaient pour la majorité bien au courant des ratées du système français, qui sert plus des objectifs académiques que les patients. Plusieurs d’entre eux d’évertuaient d’ailleurs à faire évoluer la manière dont la médecine s’enseigne dans leur pays.
Or des forces traditionalistes s’opposent au changement, provenant principalement du corps professoral et des hautes instances académiques. Grands professeurs qui d’ailleurs semblaient très peu impliqués sur le terrain et qui aux dires de beaucoup passaient la majeure partie de la semaine en clinique privée, où leurs grands titres académiques leur apporte prestige et clientèle.
Car le succès comme médecin tunisien passe maintenant par la pratique privée. Autrefois le meilleur système de santé publique de l’Afrique, la chute de la dictature, l’écroulement de l’économie qui a suivit et un syndicalisme abusif ont eu raison de la qualité des soins de santé dans le pays. Le matériel manque, les infrastructures tombent en ruine et le personnel infirmier, largement dépassé et en manque d’effectif, semble avoir jeté l’éponge et ne s’en tient qu’au minimum exigé par leur convention collective (1 infirmière pour 10 lits de soins intensifs de nuit… par exemple)
La plupart des médecins choisissent donc de quitter le système public pour aller pratiquer au privé ou carrément émigrer vers l’Europe. La vaste majorité de mes collègues avaient d’ailleurs comme objectif la France ou l’Allemagne. Aller chercher équivalences et permis avait tout l’air du parcours du combattant. Les opportunités dans les pays du Golfe foisonnaient, mais cette opportunité était moins populaire, car les Tunisiens affectionnent quand même leur culture plus libérale. Bref, ceux qui avaient choisis de rester le faisaient principalement par conviction et service. Je suis fiers d’avoir pu côtoyer certains d’entre eux, qui malgré les difficiles conditions, le salaire dérisoire, le manque de ressources, restent en poste pour soigner la population.
En conclusion
Je suis non seulement venu en Tunisie pour m’exposer à une manière différente de pratiquer la médecine mais surtout pour y travailler mes mécanismes d’adaptation. N’ayant pas suivi un parcours académique classique, je n’avais pas eu l’occasion d’aller vivre l’expérience de l’échange international. Je comptais donc sur ce voyage pour combler ce manque. Trois mois dans le système de santé tunisien n’auront eu rien de reposant et foncièrement festif, mais en frais d’expériences et de rencontres, le séjour fut riche. De repassage dans la région, il me fera le plus grand plaisir d’aller saluer de bon amis et profiter de bonnes adresses dans ce fantastique pays que je considère désormais comme étant un peu chez moi.