Varanasi est un passage obligé pour tout voyageur en Inde et tout hindou désireux d’un bain purificateur dans les eaux du Gange ou de mettre une fin expéditive à son cycle de réincarnation en y faisant brûler son corps (la crémation à Varanasi donne un passe droit direct vers le Nirvana, [à gros frais]). Conséquemment, Varanasi est un haut lieu de la spiritualité hindoue et le rendez-vous par excellence pour les occidentaux curieux ou friands de spiritualisme.
Le trajet de nuit dans un autobus dépourvu de suspensions s’étant étiré de quelques heures, l’après-midi était déjà entamé lorsque nous sommes finalement sortis marcher sur les ghats, ces escaliers bordant la rivière en permettant aux croyants un accès facile au Gange peu importe son niveau. Question beauté, Varanasi n’a pas déçu. Sur plusieurs kilomètres, un bord de rive fourmillant d’activité et dominé par d’anciens palais, des temples et plus. Deux ghats sont d’ailleurs affectés à la crémation 24h sur 24; sans répit. Il paraît que la flamme, transférée d’un bûcher à l’autre, est multicentenaire. La ville bordant les ghats est aussi des plus intéressantes. Toute faite de petites allées serpentant parmisde hauts bâtiments, elle recèle de petits temples, de mosquées, de commerces, de vaches et de gens. En soirée, resto de touristes et grosse galère pour nous trouver de la bière à prix acceptable (c’est à dire, sans trop de taxe touriste). Arrivés sur le toit de l’hostel, il était tard, mais l’ambiance était au rendez-vous, alors c’est jusqu’aux petites heures que nous avons fêté et discuté avec d’autres voyageurs. Autour de nous, une vue splendide agrémentée de la lueur des bûchers et l’odeur âcre de corps transformés en fumée.
Au réveil, problème. Deux joueurs de l’équipe se sentent plutôt mal au point où leur dîner ne rentre même pas. Espérant quelque chose de passager, nous partons tout de même en direction du campus universitaire de Varanasi où paraît-il se trouvent de beaux temples. Arrivés sur place de peine et de misère, nous avons été contraints de couper court à la visite et revenir au gîte. Quand même, l’un des malades à trouvé assez de forces pour ressortir faire un tour de bateau sur la rivière afin d’avoir une autre perspective sur les ghats. Des centaines d’autres embarcations étaient au rendez-vous, toutes débordant de touristes indiens venus observer le magnifique spectacle qu’est Varanasi et s’imprégner de toute la spiritualité qui en émane. Pour le reste de la soirée, moi et l’autre survivant sommes allés écouter un peu de musique traditionnelle puis je suis remonté seul sur la terrasse de l’hostel converser avec d’autres voyageurs.
Après une nuit, nette amélioration de l’état gasto-intestinal de nos deux victimes, mais on était encore loin d’un rétablissement complet. Quand même, il nous a été possible de nous rendre jusqu’à Sarnath, lieu où le Bouddha aurait donné son premier enseignement. Content de pouvoir montrer un site bouddhiste à nos amis dans un pays autrement principalement hindou et musulman, l’endroit n’avait rien de comparable avec des lieux similaires visités au Népal ou au Sri Lanka. Vers minuit, nous devions prendre un train de nuit pour Lucknow, alors pendant que les autres relaxaient dans l’auberge, Audrey et moi sommes partis faire une dernière petite marche sur les ghats, nous disant à quel point nous aurions aimés rester davantage à Varanasi.
À la gare, belle expérience indienne pour tous. Non seulement c’était notre premier train de nuit, mais la gare débordait de pèlerins couchés partout en attente du leur. Naturellement, le nôtre a eu une bonne heure de retard et il a fallu confirmer plus d’une fois que c’était le bon, car le système ferroviaire ici est d’une complexité qui dépasse même les Indiens.
Agra n’est vraiment pas si loin de ça de New Delhi et plusieurs choisissent de faire l’aller retour en une journée pour ne visiter que le Taj Mahal. Nous avons plutôt pris la décision d’y passer deux journées afin d’en faire un bon tour, mais aussi de peut-être entrevoir de la vie indienne. Avant tout par contre, passage obligé par le monument le plus célèbre de l’Inde. Arrivés tôt en gare, nous avons pu faire un détour à l’hostel prendre possession de notre dortoir de 4 (donc notre chambre), manger et nous présenter à temps à l’entrée du site afin de disposer d’amplement de temps pour le visiter.
Le Taj Mahal est de loin l’attraction la plus populaire de l’Inde et ça se voit. Les alentours ont été aseptisés à un niveau jamais vu jusqu’à maintenant et tout commerce tourne autour du célèbre monument. On s’attend même à être un peu déçu. Et pourtant, à peine engagés au travers du portail d’entrée principal, c’est l’émerveillement instantané. De symétrie et de proportion parfaite, le Taj Mahal est un monument d’une rare grandeur et mérite à très juste titre d’être qualifié de merveille. Ses lignes épurées, ses courbes, mais aussi ses rectitudes évoquent un contraste sans équivoque avec l’architecture surchargée des Hindous; il faut le dire, en frais d’esthétique, l’Islam n’a pas son égal. Jusqu’au coucher du soleil, nous nous sommes donc baladés autour et dans le Taj Mahal, prenant maintes pauses pour l’admirer sous des angles différents. Afin d’en profiter jusqu’aux toutes dernières lueurs, nous sommes même allés nous poster sur une terrasse non loin pour observer son dôme disparaître dans l’obscurité.
Il n’y a pas que le Taj Mahal à Agra. La ville est de surcroît connue pour son fort, mais aussi comme endroit plutôt inintéressant hormis les deux attractions sus-mentionnées. Or, inintéressant selon le guide ne veut pas forcément dire qu’il ne vaut pas la peine de s’y aventurer. Agra est une ville d’importance et pour sûr il y avait moyen d’aller y observer de la vie locale, chose que nous voulions absolument montrer à Hélène et Hugo, nos deux amis tout récemment atterris en Inde depuis le Québec. Après avoir traversé une bonne partie de la ville et affronté les assauts infructueux des chauffeurs de tuk tuks, nous avons pu rejoindre la mosquée principale. Ayant complètement omis le fait que nous étions vendredi (jour saint pour les musulmans), j’avais pensé à tort que nous pourrions la visiter sans trop d’entraves. Sur place, l’espace était déjà remplis de dévots et le sermon bel et bien commencé si bien qu’Audrey et Hélène n’ont pu entrer sur le site. Hugo et moi nous y sommes quand mêmes aventurés pour y être suivis tout le long par plus de vingts enfants et finalement forcés de rebrousser chemin sous les conseils d’un homme venu pour la prière.
Après un repas dans un restaurant voisin à la mosquée, nous nous sommes réengagés dans le chaos d’Agra pour explorer son bazar et ses ruelles pendant un petit deux heures. Ceci fait, nous sommes passés à la visite du fort, qui je dois l’avouer était intéressante, mais faisait pâle figure face à ceux qu’il nous avait été donné de visiter au Rajasthan. Ses palais bien restaurés avaient bonne mine, mais le lieu avait été beaucoup trop aseptisé pour qu’on puisse réellement l’apprécier. C’est mon opinion du moins; je crois que nos deux compagnons en ont bien plus profité que moi (et Audrey je présume).
Il y a déjà plusieurs semaines, Audrey avait identifié à présence d’un café communautaire à Agra dont la mission était de venir en mission aux femmes victimes d’attaques à l’acide. Malgré un horaire plutôt chargé, nous sommes tout de même parvenus à aménager notre journée de manière à y passer pour aller profiter d’un breuvage, mais aussi laisser un don en personne. Sur place, nombre de bénévoles portaient sans gène les cicatrices de leur passé. Pressés par le temps, nous avons tous regretté ne pas pouvoir nous prélasser davantage dans cet endroit exceptionnel; il nous fallait retourner en vitesse à l’hostel chercher nos sacs pour ensuite attraper notre bus de nuit, lequel est parti avec plus d’une heure de retard…
Premier passage de potentiellement plusieurs dans la capitale de l’Inde, New Delhi. Deux missions nous y avaient été imparties: faire la demande de notre visa bengali et récupérer nos amis à l’aéroport. Pour l’histoire du visa, comme j’en ai marre de déblatérer sur ce genre de calvaires administratifs, je serai bref. Le haut consulat du Bangladesh était loin, il nous a fallu faire beaucoup de transport pour nous y rendre, nous y sommes allés trois fois et en raison d’un problème technique, n’avons pas pu récupérer notre passeport au terme du processus. À suivre donc…
Après avoir visité pour la première fois l’ambassade, j’ai décidé de parcourir les quelques 20+ kilomètres qui nous séparaient de l’hostel. Audrey n’était pas de la partie, car elle désirait retourner travailler. Suivant ma carte et mon guide, j’ai donc traversé la zone des ambassades, le Jardin de Lodi et ses mausolées à la mémoire d’anciens souverains d’empires passés puis suis débouché dans le fascinant quartier de Nizamuddin, un petit dédale de rues et de commerces construit autour du mausolée d’un sage de l’islam éponyme.
Dans l’enceinte de ce lieu saint, j’ai été contraint d’acheter des offrandes qu’il m’a fallu aller déposer en procession sur la tombe centrale. De peur d’offusquer, j’ai obtempéré. Tout de même, j’ai trouvé fascinant de côtoyer autant de ferveur en un même endroit. Il faut le dire, c’est un haut lieu de pèlerinage et à en juger par tous les cars de touristes arrêtés non-loins, des gens affluaient de partout en Inde pour s’y recueillir. Les musulmans indiens étant bien moins végétariens que leurs compatriotes hindous, j’ai pu me régaler de bons kebabs avant d’entamer les 10 kilomètres du retour. Comme dessert, un pan; cette concoction de noix de betel et d’une bonne dizaine d’autres ingrédients enroulé dans une feuille et que l’on loge dans une joue pour qu’elle se dissolve, libérant ce faisant de bonnes saveurs et de l’énergie à la manière d’un café. Deux heures plus tard, j’avais retrouvé Audrey à l’auberge. Pensée par les anglais et relativement bien entretenu car la capitale, Delhi se marche bien. Autant de distance à Mumbai ou Chennai m’aurait demandé bien plus de temps.
Lever tôt le lendemain matin et direction l’ambassade pour y déposer nos documents, processus qui a lui seul nous a mangé une bonne partie de la journée. De retour à l’hostel en milieu d’après-midi, j’en ai profité pour siester et reposer mon corps encore endolori de la veille. En soirée, nous allions chercher nos amis à l’aéroport, arrivant tous deux du Québec sur le même vol. Quel bonheur de retrouver des visages familiers après tout ces mois de voyage. Nous avions tant de choses à nous dire, mais étions aussi excités de partager l’Inde avec eux. Il était tard lorsque nous sommes revenus à l’auberge en leur compagnie, mais qu’importe le sommeil pouvait attendre, les longues discussions de retrouvailles avaient priorité.
Nous n’avions en compagnie de nous nouveaux arrivants qu’une journée à Delhi et en plus nous devions retourner à l’ambassade. J’ai donc choisi de ramener le groupe sur mes pas de l’avant veille. Au préalable par contre et dans l’optique de leur donner une petite introduction à la culture hindoue, nous sommes allés visiter le deuxième plus gros temple au monde (premier jusqu’à récemment). Espérant un lieu de la magnificence de Thanjavur, c’est plutôt dans un énorme Disneyland de la foi hindoue bâti par un secte à grands frais. Intéressant et plutôt drôle, mais ce n’était pas tout à fait ce à quoi je m’attendais. Malheureusement, pas photos permises à l’intérieur. Heureusement, plus de succès dans la deuxième phase de la journée. La tombe d’Humayun, dont les plans auraient inspiré le Taj Mahal, s’est montrée bien à la hauteur de nos attentes.
Après un repassage infructueux à l’ambassade du Bangladesh (qui devaient nous remettre nos passeports…), retour au Jardin Lodi et puis dans le quartier de Nizamuddin où j’ai pu faire revivre à tous mon expérience d’il y a deux jours, soit mausolée, kebabs et petite balade dans le secteur. La marche du retour, on se l’est évité en prenant un tuk tuk. Il ne fallait pas trop tarder, car à l’hostel nous attendaient fromage, saucisson et vin rapportés du Canada. De plus, il allait falloir se lever de bonne heure pour prendre le train vers Agra, afin de visiter son fameux Taj Mahal.
Jaipur est la capitale du Rajasthan et c’est de là que nous avions entamé notre aventure à moto. De retour au point de départ, nous disposions maintenant de quelques jours pour la visiter. Nos motos rendues et une fois nos affaires déposées à l’auberge, nous nous sommes aussitôt dirigés vers … McDonald’s histoire de se récompenser un peu. Il faut dire aussi que j’avais encore l’estomac à l’envers de la veille et ne me sentais pas trop d’attaque pour du gros curry gras accompagné de pain ou de riz. En soirée, nous sommes sortis dans un club de Jaipur avec les gens de l’hostel. N’ayant jusqu’à maintenant pas encore fait l’expérience du nightlife indien, c’était l’occasion. Pas trop de choc culturel cependant: ambiance superficielle, prix exorbitant, alcools de piètre qualité. Heureusement, le liey disposait d’un grand espace extérieur, alors c’est là que nous avons passé le plus clair de la soirée à converser avec un architecte indien. Derrière nous, de jeunes filles complètement ivres (lady’s night) se baignaient toutes habillées dans la piscine.
Il y a de ces journées où l’Inde ne fait à personne. Même pas sorti de l’auberge, tu te fais assaillir par des vagues de chauffeurs de tuk-tuk qui ne comprennent pas le mot “non” et continuent d’insister malgré nos multiples refus. Le trafic est plus infernal qu’à l’habitude, ça pue, les yeux te piquent à cause de la poussière, les enfants ne sont pas à l’école … bref, l’Inde te rentre dedans en force. L’alcool consommé la veille avait peu être un peu à voir, mais il était davantage plausible que ce soit le dur retour à la réalité urbaine indienne après autant de temps passé dans de plus petits endroits. Ce jour là, l’Inde ne nous revenais pas. Après s’être rendus dans la vielle ville et constaté qu’aucun de ses monuments ne semblait intéressant, nous avons piqué droit vers le fort en surplomb de la ville. Là, nous avons pu y trouver un peu de quiétude et de beaux panoramas.
Le lendemain, travail toute la journée. Nous ne sommes aventurés dehors que pour aller nous restaurer. Des journées comme ça, il en faut, mais j’aurais bien aimé donner une autre chance à Jaipur avant de la quitter pour Delhi. Or, plus de temps, il nous fallait régler quelques bricoles de visa et y rencontrer deux amis qui venaient nous visiter du Québec.
Voilà la conclusion de cette cinquième aventure sur deux roues motorisées et contrairement aux autres effectuées en solitudes, j’étais pour celle-ci accompagné d’Audrey. Verdict? Pas vraiment de meilleure manière d’explorer l’Inde que de se balader entre vaches et villages sur de petites routes. Entre ses mégapoles modernes, le pays est d’une ruralité surprenante et l’on s’y sent souvent transporté (en arrière) dans le temps. Contrée désertique à l’image de l’Asie Centrale, le Rajasthan ne nous a donc pas offert de paysages bien nouveaux, mais par endroit, il était d’une rare beauté, surtout en fin de journée. Ses forts et ses petits lieux sacrés laissés à l’abandon avaient certainement de quoi à contribuer à l’atmosphère aussi. Contrairement à nos attentes, les routes indiennes sont généralement de très bonnes qualité et vides, le défi de conduite reste gérable. Oui, les villes sont chaotiques à l’extrême, mais vu la lenteur du trafic, il y a de la marge d’erreur (une chance pour les Indiens!) Audrey quant à elle, anxieuse à l’idée de conduire deux roues en Inde, s’en est sortie comme une chef et peut se considérer maintenant largement plus aguerrie que la moyenne du motard canadien, qui dans toute sa carrière n’aura probablement pas à faire face à la moitié de ce à quoi les routes indiennes nous ont confronté.
Au total, c’est approximativement 2500 kilomètres que nous avons parcouru dans le seul état du Rajasthan. En 17 jours, la moyenne a été plutôt basse, mais ayant pris le loisir passer plus de temps dans les endroits qui nous plaisaient, de petites motos et la difficulté des routes, c’était amplement suffisant. Concernant nos Bajaj CT100B, rien de négatif à dire. Elles étaient neuves (une chance!), relativement confortables, faciles à manœuvrer et fournissaient amplement d’espace de stockage. Autrement, c’était des motos très bon marché, très économes et je n’hésiterai pas à en louer à nouveau advenant l’opportunité. L’opportunité il y aura probablement, car nous nous dirigerons vers l’est du pays pour aller visiter le Sikkim, le Darjeeling et les états enclavés entre le Bangladesh et le Myanmar.