Vieste, Les Pouilles
Finalement, nous nous étions plutôt écartés de notre chemin en montant vers San Marino. La journée aura donc été passée en majeure partie du l’autostrade à pleine vitesse vers le sud. Suffisamment avancés, nous sommes sortis pour reprendre le chemin en bordure de mer Adriatique. C’était dimanche et il y avait passablement de la population sur la côte. Ce ne semblait pas être des vacanciers par contre, mais plutôt des Italiens des terres venus profiter de l’air frais marin. Frais je dis, car la température avoisinait les 15 degrés et le temps nuageux. La haute saison n’était définitivement pas débutée. La côté, saturée d’espaces de camping, d’hôtels et de condominiums, jouissait d’un calme relatif avant la tempête estivale, où près de la moitié de l’Europe allait se retrouver aux abords de la Méditerranée.
Audrey et moi nous sommes remémorés avec sourire cette nuit passée en Croatie à Sibenik il y a près de 6 ans en pleine saison haute, encastrés entre trois caravanes, tentés sur un misérable et coûteux espace de camping.
Parlant de Croatie, il paraît que la petite bourgade où nous allions passer la nuit, Vieste, avait des airs de Dubrovnik. Pas fâchés d’y être arrivés car même si les derniers kilomètres à slalomer dans la forêt n’avaient pas été désagréables, les heures passées à conduire dans les villes balnéaires et leurs routes rectilignes commençaient à devenir monotones…
Vieste n’a finalement pas déçu. On explore rapidement son coquet petit centre historique, mais l’endroit est charmant et il a fait bon y déguster un Apérol Spritz après autant de route.
Lecce, Les Pouilles
Il paraît que le sud de l’Italie est plus pauvre que le nord. À en juger par le délabrement des infrastructure, les ordures et la prostitution de bord de chemin, ça semble définitivement être le cas. La pluie était au rendez-vous en plus. On a donc tracé vers Lecce, ville majeure de la région des Pouilles (le talon de la botte) et valant le détour à ce qu’il parait. Par chance, Lecce semblait épargnée par la mauvaise météo qui régnait partout ailleurs au pays. Comme précédemment, la routine s’est mise en marche dès l’arrivée. On laisse les sacs, on explore autant que possible avant la tombée du jour, on mange et puis on explore encore plus.
Le centre historique de Lecce, quand même imposant et tout de pierre beige avec un style baroque plutôt particulier est fort intéressant à arpenter. Dommage que je n’aie pratiquement aucune photo présentable de l’endroit. En bonus, un bon restaurant déniché par Audrey qui se spécialise dans la cuisine locale. Moins sophistiquée que celle du nord car issue d’une Italie historiquement plus pauvre, elle est largement à base de féculents et d’ingrédients modestes.
Sortis plutôt tard de notre festin, nous nous sommes assis dans un parc avec une bière achetée au kebab du coin. La discussion de la prochaine heure allait être animée. Le temps avec la voiture file, l’Italie est en fait plus grande que ce qu’il n’y paraît (lisez : on veut en faire trop) et la température joue contre nous. L’organisation du voyage devait être changée.
Le plan en quittant Rome était de profiter de la voiture 5 jours, de la laisser à Reggio, puis de passer 3-4 nuits en Sicile, de prendre le traversier de nuit pour se rendre à Naples et puis de là aller sur la côte amalfitaine. C’était trop. La décision fut prise de laisser tomber la Sicile afin de relâcher la pression un peu.
Matera, Basilicate
Matera est un must de la province de Basilicate. Ville inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, des millénaires d’occupation humaine on laissé dans les parois rocheuses du canyon où la ville se situe un impressionnant réseau de ruelles et d’habitations taillées à même le roc.
Avant d’y arriver cependant, nous avons effectué deux petits arrêts dans la vallée d’Istrie avec ses plantations verdoyantes, ses maisons particulières et ses villages perchés sur le dessus des collines. Alberobello aura retenu notre attention pour sa vielle ville totalement bâtie de Trulli, ces petites structures côniques qui parsèment le paysage de la vallée.
À Matera, la décision a été prise de casser la tirelire pour se payer un hôtel avec un minimum de vue sur la vielle ville. À en juger par les photos, vous constaterez que nous avons pas été déçus. Le coup d’oeil était splendide, tout comme les plusieurs heures de balades dans les deux Sassi, noms donnés aux quartiers à flanc de roc (et dont nous n’en voyons qu’un seul sur la photo).
Tel a été notre enchantement d’ailleurs que nous avons prolongé notre séjour d’une nuit (devant au passage passer d’une chambre normale à une suite) et avons reporté la date de retour de la voiture de deux jours.
La journée a été passée à marcher de l’autre côté du canyon et à s’imprégner de l’endroit tout en sirotant cafés et spritz sur ses petites places. Tant qu’à se gâter, on est même y allés à fond pour le souper avec une étoile Michelin chez Vitantonio Lombardo en mode cuisine locale réinventée sur 7 services. Les gastronomes en nous furent comblés. On adore la haute cuisine. Là c’était une coche supplémentaire à ce à quoi nous sommes habitués.
Cosenza, Calabre
Après deux jours de luxure à Matera, il était temps de reprendre la route vers le sud. Avec deux jours supplémentaires de locations de voiture, les options étaient nombreuses. Le centre de l’Italie est riche en relief et en route intéressantes alors c’est la direction que nous avons prise.
Encore une fois, la météo n’était pas de notre côté. Il faisait froid et le ciel était plutôt variale. Cela ne nous a pas empêcher de profiter d’un paysage fort montagneux et de faire un petit arrêt pour une marche dans le village de Castelmezzano. Les villages italiens ont tendance à être construit en hauteur. Logiquement, on s’installe dans les vallées pour avoir accès à l’eau, mais j’imagine que la protection offerte par le relief était plus importante à une époque où le pays était constitué de petits royaumes belliqueux. Fait particulier, Castelmezzano est relié à sa voisine sur l’autre pic par une tyrolienne de plus de un kilomètre. Malheureusement, l’attraction n’était pas ouverte lors de notre passage.
Après plusieurs heures de chemins tortueux, nous avons aboutis à Cosenza, ville d’importance régionale de Calabre. Apparemment, son vieux quartier possédait un certain charme propre au sud de l’Italie évoquant la dolce vita. L’expérience fut tout autre. Peut-être jadis pittoresque, c’est aujourd’hui un lieu malaisant de bâtiments à moitié en ruine et de ruelles jonchées de gravats et d’ordures. Pourtant, la majeure partie des édifices semblent encore habités et il était fréquent de croiser des immeubles dont plusieurs étages étaient délabrés tandis que certains autres illuminés. L’ambiance était d’un glauque que nous nous attendions pas à croiser dans un pays du G7.
Bova, Calabre
L’objectif de la journée n’était pas différent de celui de la veille, continuer à descendre et explorer la région. Audrey en avait quand même sa dose des routes tortueuses alors nous avons plutôt choisis d’emprunter le bord de mer. Pour ma part, j’avais un objectif cette journée là. Il existait selon le guide un village entièrement abandonné au détour d’une route mineure tout au sud du pays. Est-ce qu’on aurait pu trouver quelque chose de plus édifiant à visiter? La Calabre, région quand même pauvre du pays, n’offre à ce qu’il paraît pas grande attraction outre des plages et du soleil que les gens du nord viennent fréquenter lors de leurs vacances.
La route en bordure d’océan n’avait rien d’intéressant, mais les choses on commencer à prendre une tout autre tournure une fois que nous avions bifurqué dans les montagnes. Le terrain est tout de suite devenu très accidenté et escarpé et le chemin que nous suivions s’est rétréci pour ne devenir qu’une voie en lacets serrés, jonchée de pierre et de débris avec certaines sections carrément effondrées.
Nous avons passés deux petites localités encore occupées (mais manifestement en déclin) avant d’arriver à Roghudi. Bâti sur un éperon rocheux, le village était autrefois habité par des centaines de personnes. Suite aux inondations de 1971, l’endroit est devenu inhabitable et sa population a été relocalisée sur la côte. Il ne reste aujourd’hui que des maisons en ruine avec de vieux volets claquant au rythme de la brise montagnarde. À l’entrée de la ville, un appartement apparaît encore logé et l’église est manifestement entretenue.
Les lieux abandonnés ont un je ne sais quoi de mystérieux et d’unique. Au fil du temps, leurs formes s’effritent à mesure que la nature exerce à nouveau son influence sur les créations de l’homme. L’atmosphère qui s’en dégage me remplit d’humilité à tout coup. Ces maisons, autrefois la fierté de leurs propriétaires, s’écrouleront une à une pour qu’éventuellement, toute trace de vie ici soit effacée par l’irrémédiable effet du temps. Il se dégage de ce mandala de mortier et de brique une importante vérité : tout est temporaire et dans l’absolu, rien n’a d’importance.
Notre destination pour la nuit était la ville de Reggio Calabria, l’endroit où nous devions retourner la voiture et une grosse agglomération sans grand intérêt. En redescendant vers la côte par cette route qui n’aura pas manqué de nous donner de l’adrénaline, nous avons passé un autre de ces pittoresques villages perchés sur un sommet. Quelques kilomètres passés, je m’arrête et lance l’idée de voir s’il n’y a pas un bed & breakfast dans les environs car de toute évidence ni moi ni Audrey n’étions motivés à passer la nuit à Reggio.
Avoir l’internet dans sa poche à l’étranger enlève définitivement une part d’aventure et d’inconnu lorsqu’on voyage mais pour certaines occasions, c’est fort pratique. En quelques secondes j’avais trouvé un endroit où passer la nuit à Bova, nom de la ville que nous venions de passer. Son propriétaire, tout à fait accueillante, nous expliquera qu’en réalité, les habitants de la région parlent grec et son issus d’une immigration qui devance l’existence de l’empire Romain. Quelle excellente idée que de s’être arrêté passer la nuit ici. L’ambiance était tout autre et les gens charmants. La ville est en fait constituée de ruelles et d’escaliers pavés inaccessibles aux voitures. Après un copieux repas dans un fantastique petit restaurant de cuisine locale où tout était concocté avec les ingrédients de l’endroit, nous avons passés quelques temps à discuter avec un couple britannique qui possède une maison et une oliveraie dans Bova. Arrivés ici pour la première fois il y a plus de 20 ans, le coup de foudre a été tel qu’il sont venus y installer leur résidence secondaire.
Une fois sortis du restaurant, il nous a pris l’envie de braver le vent qui se levait pour monter jusqu’au belvédère qui surplombe le village. Un chient errant prénommé pour l’occasion Umberto et au bon tempérament nous a servi de guide jusqu’au sommet et de retour jusqu’à notre chambre (on a au passage eu une petite pensée pour Ramon, cette chienne avec qui nous avons passé une soirée aux abords d’un lac au Tadjikistan).
La journée avait commencé un peu mollement il faut dire, mais s’était terminée par une escapade dans un lieu inusité et une nuit impromptue dans un endroit dans les plus charmants croisés jusqu’alors.
Le lendemain, la météo était des plus désagréables et ces forts vents qui nous avaient empêcher de dormir avait semés un certain chaos dans les routes de la région. Malgré tout, nous avons été en mesure de rendre la voiture sans trop de difficultés et de prendre le train vers notre prochaine destination.
Maratea, Basilicate
Maratea est une collection de petits villages coincés dans une vallée entre montagne et mer. À ce qu’il paraît, elle a des airs de côte amalfitaine. Le but était de s’y poser un peu pour décompresser et prendre le temps. L’endroit était quand même très beau et notre hôtel des mieux situés. Bâti dans un ancien couvent avec une vue sur le centre historique et la vallée, on était loin des bons vieux dortoirs d’auberge (quoique je m’ennuie de ces derniers). La météo, encore à jouer contre nous, nous aura forcé à relaxer et ralentir le rythme. Les tenanciers de l’établissement étaient eux-mêmes étonnés par température qu’il faisait, mai étant normalement un mois de baignade et de plage, pas de manteaux et de grisaille.
Bref, il ne s’est pas passé grand chose. En analysant nos options pour la suite, nous avons finalement constatés que la côte Amalfitaine qu’Audrey avait suggérée comme destination en début de voyage était devenue hors de prix et que la température n’allait pas y être beaucoup plus clémente. Nous avons donc opté pour le choix logique dans la région : Naples.
Naples, Campanie
On nous avait déconseillé Naples. En fait, je crois que c’était nos amis de Rome qui rapportaient les suggestions que des Italiens leur avaient fait. Pourtant, Naples nous a vraiment plu. Oui, son centre-ville est plutôt fréquenté par les visiteurs (italiens et étrangers), mais pour autant qu’on en sorte un peu, on tombe sur une ambiance de quartier qui à certains moments rappelait l’Inde. Le trafic de motos, les commences empiétant sur les trottoirs, les odeurs, la foule, bref … le chaos urbain. Les musées semblent légions à Naples, mais à part une petite visite de catacombes, notre séjour a été principalement voué à l’exploration de la ville à pied ainsi qu’à la consommation de cafés, de pizza, d’apérols et de bonnes séances de people watching en bordure de mer.
Naples est aussi tout en colline alors pour peu que l’on s’éloigne de la côte, le relief nous récompense de jolis panoramas entre les bâtiments colorés de cette ville frénétique, le bleu de la Méditerranée et le sommet du Vésuve non loin. Nous aurions pu aller y faire tour et visiter Pompéi, mais ce sera pour une autre fois car ce coup-ci nous nous sentions plus en mode exploration urbaine.
Fin
De retour à Rome, la dernière soirée aura été passée à faire un autre barbecue à l’ambassade. Que dire de ce voyage? Classique mais rafraîchissant? Avec une meilleure météo on en aurait possiblement profité davantage, mais nous n’avions aucun contrôle sur cet aspect. Ne l’oublions pas aussi, l’objectif était également d’aller voir nos amis à Rome. Après 3 ans de pandémie, une résidence en médecine et une sérieuse maladie pour Audrey, je vois l’expérience comme une remise en forme. Une petite escapade qui nous aura permis je crois de renouer avec notre esprit d’aventure et l’audace.