México, llegamos!

México, el país : arrivée le 30 juillet

J’en appelle aux grands voyageurs parmi les lecteurs, qui savent ce que passer une frontière terrestre peut signifier. Ou même se remémorent certaines frontières passées en autobus, ou par avion dans certains endroits, où la complexité définit le processus en lui-même. Pourquoi faire simple et optimiser quand on peut en faire un jeu et par la même occasion, créer de l’emploi. Et puis… la performance est-elle toujours nécessaire, hum? C’est une vraie question à se poser.

Cette fois-ci, nous avons été servis d’une façon que nous n’avions pas imaginée… Nous avons passé la frontière en, tenez-vous bien… 13 secondes top chrono. Oui, des secondes, pas des heures, ni même des minutes…. Sans montrer un passeport, ni notre assurance voiture, ni même nos multiples documents gouvernementaux produits à la sueur de notre front (j’exagère légèrement pour l’effet théâtral, puisque tout avait été complété diligemment la veille au soir et la matinée du même jour, avec une relative facilité). Donc, zéro intervention d’un garde frontière, alors encore moins une question sur nos intentions, notre destination, ce que l’on importe, niet, nada, ardjien. Nous avons simplement conduit sur l’autoroute, qui se déversait de l’autre côté du pont enjambant le Rio Grande faisant office de frontière, directement dans la ville mexicaine nous accueillant.

Là où le bât blesse, c’est que nous savions pertinemment que nous avions besoin d’une étampe sur deux-trois papiers. En voyageurs aguerris, nous étions donc conscients que prendre la voie de la facilité et simplement continuer notre chemin vers notre destination de Monterrey, pourrait être une erreur couteuse en temps et en argent plus tard. C’est là qu’a débuté la valse que notre automobile exerçait gracieusement avec les rues mexicaines, qui sont toutes organisées selon des sens uniques, cul-de-sacs et absences de stationnement. J’ai eu une douce pensée pour mon Montréal chéri à ce moment. Nous avons même, par erreur de bonne foi, entamé une intrusion à même l’une des sorties de la « douane », plaçant immanquablement notre fidèle Pontiac face à une horde de véhicules souhaitant sortir, sous les yeux oh combien non préoccupés d’un agent de sécurité de l’endroit. Une telle manœuvre en sol américain ou canadien aurait fait brandir des armes et résonné des cordes vocales ! Mais après quelques tours, nous avons finalement trouvé l’endroit recherché. Et comme à chaque fois que l’on voyage, rien ne se fait tout au même lieu. Il faut aller étamper un papel à un bureau, puis aller faire copier ledit papel à un autre bureau, pour ensuite aller le porter dans un autre bureau, pour se faire souligner le besoin d’avoir une copie des passeports, action qui ne peut se faire qu’à un énième bureau de copie (et pas le même que celui proposé à la 2e étape énumérée). M’enfin, 13 secondes pour passer la frontière, 2 cerveaux pour solutionner l’énigme, 2 heures pour régler l’administration. Ça prend des gens dégourdis !

Arrivée à Monterrey

De la frontière, tout au plus trois heures d’autoroute nous ont permis d’atteindre la ville des montagnes, comme elle est à juste titre surnommée. Elle est très belle et s’offre à nous dans la lumière orangée du coucher de soleil. De notre chambre d’hôtel, nous avons la vue sur la ville et les montagnes, et nous ne pouvons qu’être conquis.

Monterrey
Monterrey vue de notre chambre, au crépuscule

Si le Texas avait une saveur certainement mexicaine, le Nuevo León, état dans lequel nous sommes entrés et dans lequel se trouve Monterrey, a à contrario une certaine saveur texane. Simple question de perspective, il faut croire. Un peu de grill texan ici, un peu de chapeau de cowboy par-là… deux grands frères qui se confrontent mais qui se colorent l’un l’autre depuis des décennies, même des siècles. L’histoire respective des Mexicains et des Américains et de tous les peuples qui les ont construits sont indubitablement tressées, parfois avec une maille plus lousse par ci par là. Mais ce délicat travail laisse un tronc commun sur lequel chacun aura fait fleurir son avenir et son identité.

En arrivant dans la ville, nous avons fait un peu de travail/écriture/organisation, puis nous avons filé vers le centre-ville pour un petit repas. Nous nous sommes donc régalés, sur une terrasse de toit, de grillades avec petites salsas. « Attention, la verte est piquante », nous prévient le brave serveur, attentif à notre accent certain qui laissait présager une capacité limitée à encaisser le piment. Un petit Québécois averti en vaut deux, mais la viande elle-même a réussi à nous surprendre. Les deux gringos, le visage en sueurs, ont tout de même réussi à terminé leurs repas avec délectation. Les papilles, c’est comme un muscle, ça s’entraine; ça ira mieux au prochain repas. Et puis il y a la bière pour faire descendre le tout.

Au travers des rues, nous croisons beaucoup de gens qui se promènent, se rejoignent, vont discuter sur un banc. En tant que Canadiens nous avons peut-être un peu intégré un mode de vie où l’on mange et dort tôt, vu notamment notre hauteur dans les parallèles, mais le Mexique semble savoir profiter de ses soirées.

Au matin, nous avons rapidement pris le petit déjeuner dans les salles de l’hôtel bondées de travailleurs masculins. Monterrey est un centre industriel important du Mexique et je ne peux qu’imaginer que plusieurs industries assurent le logis à des gens qui viennent de régions plus éloignées.

L’entre-deux villes au Nuevo León

Alors là, j’ai été saisie. Un peu de temps avant Monterrey, nous délaissons les grands espaces plus plats et arides et l’autoroute se prolonge dans des plaines et des vallées, toujours entourées de magnifique relief. On se fait envelopper par les montagnes et les nuages cotonneux, qui nous accompagnent vers quelques centaines de mètres de plus dans les hauteurs du Mexique. À quelques occasions, une coulée de maisonnées vient lécher le pied des montagnes, comme une rivière qui prend l’espace qu’elle peut. Une coquette étendue blanche, parsemée de petits points colorés indiquant un arbuste, un bougainvillier, une fenêtre. Hormis certains quartiers, dont celui ayant attiré mon attention, qui était coloré de maisons bleu vif, vert croquant ou rose étincelant, le blanc ayant perdu tout ancrage. Ce dernier village s’accrochait au pan d’une montagne, comme on accrocherait une dentelle finement tissée à une fenêtre, ne serait-ce que pour la rendre plus chaleureuse. La Ville des montagnes sait présenter ses jolis atours, où les détails viennent combler le regard du visiteur.

Monterrey
Au départ de Monterrey, des villages colorés s’affichent au loin

Monterrey

Nous délaissons tranquillement derrière nous l’urbanité de Monterrey pour laisser de plus en plus de place au paysage. Le poids des millénaires a formé les montagnes, laissant au passage de majestueuses marques dans celles-ci, témoignant de chaque époque et chaque effort terrestre. La présence de seuls très courts bosquets, palmiers éparses et bas cactus nous permet de voir le sol pâle comme le cuir chevelu de l’horizon. Le relief est d’autant plus impressionnant, tangible, brut. Une fois de temps en temps, nous croisons une immense usine d’une industrie X, telle la cimenterie ou la métallurgie, ou un tout aussi immense centre de distribution. La combinaison du paysage sublime et de l’empreinte humaine est saisissante. Comme si Amazon et Shell avaient entrepris la Lune.

Bizarrement, la combinaison est belle… belle peut-être par sa laideur et sa contradiction, mais belle tout de même. Car bien que nous soyons sensibles à la protection de l’environnent et à la surconsommation, je demeure lucide : je consomme, et de lever le nez sur ce mélange usino-paysagesque manquerait de cohérence.

Monterrey
En quittant Monterrey, les montagnes dominent un lit de rivière asséché

(Des photos d’un cellulaire daté, en roulant, parfois au travers d’un denêtre… je ne gagnerai pas de prix pour ce résultat. Elles ne rendent pas grâce à la majestuosité de l’endroit, mais vous donne peut-être une idée)

Le Nuevo Léon, bien que non recommandé par le Canada, le considérant comme dangereux (guerres de gang, trafic de drogues et de personnes), aurait très bien pu être une destination de randonnée. À certains moments, nous avions l’œil sur plus de sommets que l’on peut en compter. Et parlant de la réputation non sécuritaire de l’état, au fil de l’autoroute, nous sommes arrêtés à quelques reprises à des barrages policiers, simplement parce que nous n’avons pas de plaque devant la voiture. Normal. Les policiers sont d’un, lourdement armés, et de deux, parfois à visage couvert. Pas exactement la même ambiance que chez nous. Toutefois, tous ont été très accueillants et gentils. Et savez-vous ce qu’ils nous demandent à CHAQUE fois : le petit torbinouche de papel étampé que nous avons passé 2 heures à essayer d’obtenir à la frontière. Et voilà, effort et détermination d’un couple de voyageurs, récompensé dans les heures suivant son entrée au pays.

De mon côté, j’ai choppé depuis plusieurs jours une affliction que l’on pourrait qualifier de… gossante (c’est le terme scientifique médical recommandé, j’ai vérifié). Probablement attrapée aux alentours d’Austin, nous soupçonnons que j’ai touché à un vilain végétal que je n’aurais peut-être pas dû. Dans sa grande autoprotection, il m’a généreusement affublée de mignonne petite cloques, majoritairement sur les bras, le cou. C’est aussi ça voyager : se retrouver avec un bobo dont on ne comprend pas trop l’origine, où que l’on ne peut qu’au mieux associer à un parc, un moustique, un lit ou un taco. Oh well, comme disent les Anglais, ça ne sera sûrement pas la dernière ! En attendant, patience et antihistaminiques.

Depuis notre arrivée au Mexique, tranquillement, les réflexes de voyageurs commencent à refaire surface. Comme traiter l’eau que l’on boit, ou amener du papier de toilette et quelques pesos lors d’un passage aux baños. C’est ce que les États-Unis n’avaient pas pu nous offrir, soit l’obligation de forcer une modification à nos actions instinctives. C’est ce qui me fait sourire lorsque l’on voyage, cet état quasi constant de surprise, du moins d’attention. On remarque des détails que l’on ne voit même plus chez nous, parfois parce que l’on a juste arrêté de s’émerveiller devant ce que nos propres villes ont à nous proposer. Lorsque nous partons, nous réussissons habituellement à ramener avec nous cette façon d’observer, qui reste quelques semaines voire mois. Une simple attention aux détails, à l’architecture des maisons, à ce qui garnit un terre-plein, à ce qu’un groupe de jeunes fait en riant franchement dans un parc, sans se préoccuper des gens qui sont autour. C’est quand ces détails ne s’accrochent plus à nous qu’il est alors signe de repartir en voyage.

Nous sommes actuellement à México pour quelques jours, nous vous en parlerons prochainement. Avec beaucoup de passion, je vous avertis, préparez-vous à recevoir odeurs, saveurs et couleurs!

Texas, ya’ll

Arrivée le 25 juillet – Départ le 30 juillet

Je n’ai jamais vraiment eu l’occasion d’aller au Texas. Pas que c’était un lointain rêve inatteignable, mais plutôt que je n’avais jamais placé le Texas sur la liste de mes envies ou sur ma ligne de temps. L’État existe indépendamment de ma propre existence, et j’étais bien à l’aise avec cet état de fait. Puis, notre roadtrip nous y a naturellement amené. C’est par ailleurs l’État américain dans lequel nous aurons passé le plus de temps : deux nuits à Dallas l’Opulente, deux nuits à Austin la Singulière, une nuit à Laredo la Frontalière.

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Le Texas: notre départ, notre arrivée, et nos deux arrêts

Dallas

Dès notre entrée par l’Oklahoma, j’ai senti un changement de ton, d’ambiance. À la brunante, sur la route, dès les premiers kilomètres dans l’État, nous pouvions constater au loin que des puits de pétrole étaient disposés sur les grandes terres cumulant les acres, partageant parfois l’espace avec quelques bêtes. Une des industries phare de l’endroit annonçait déjà ses couleurs. Et puis, l’approche de Dallas est peu subtile, bien que progressive. Nous avons pu voir se défiler les banlieues, qui se présentent souvent d’une façon similaire à bien des endroits : il y a une couronne pour les habitations plus campagnardes, qui se traduisent ici par des ranchs particulièrement imposants et luxueux. Puis les banlieues encore un peu éloignées afin d’éviter le tumulte de la ville, mais suffisamment proches pour y travailler, qui rivalisent entre elles à coup d’architecture romane, de sculptures chevaline ou de décor paysager. Et bien sûr, on trouve les couronnes des quartiers dont le quadrillé est plus serré, accueillant des maisons alignées permettant aux familles des classes moyennes de posséder leur petit lopin dont ils prendront soin. Après notre passage dans les derniers états, j’ai eu le sentiment que la présence de la richesse était bien plus proéminente ici. Et je crois que je peux avancer sans trop me tromper que c’est plus qu’une impression, puisque le Texas a des moyens que l’Arkansas n’a clairement pas, tant au regard du poids de sa population que de ses finances. Le PIB total du Texas est environ une dizaine de fois celui de l’Oklahoma, et le PIB per capita ou le revenu moyen demeurent plus élevés de quelques dizaines de milliers (selon mes recherches sur le site du Bureau of Economic Analysis – U.S Department of Commerce : https://www.bea.gov).

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Downtown Dallas
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Slow Bone BBQ

Nous avons pu, comme à notre habitude, aller marcher dans la ville pour en découvrir ses petites particularités. Elle est agréable à traverser, de quartiers en quartiers, souvent différents les uns des autres. Parfois pour plaire aux avocats et banquiers du centre, parfois pour plaire aux jeunes professionnels à la recherche d’un petit café-marché bio, mais bien souvent vivants et invitants. Mais en conservant toujours cette saveur texane difficile à décrire, peut-être simplement du soleil, de l’amabilité et de la fumée. Une chose que nous aurons trouvé pour faire fondre notre cœur, c’était le meilleur barbecue de la ville, tout près de notre hôtel en plus.

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Brisket et Root beer, un excellent brunch!

Entre les grandes villes, on croise (rapidement) plein de petites bourgades, dont certaines ont un réel aspect texan, avec ses façade allignées comme on se les imagine d’un film western, les drapeaux et chapeaux de cowboy mis en valeur.

Austin

L’aura de cette ville s’est créée autour de l’accueil qu’elle aura faite aux hippies, musiciens et nomades des années 70, dont le porte-étendard Willie Nelson. La devise non-officielle d’Austin résume bien ses intentions : « Keep Austin weird ». Je ne la qualifierais pourtant pas de bizarre, bien que je crois qu’elle puisse être « finie gros grain ». Elle m’a surtout semblé être la Nashville du Texas, en fait, remplie de bars où les chanteurs viennent tenter leur chance ou du moins payer leur loyer, et où les fêtards viennent se permettre tout ce qu’ils ne se permettraient pas dans leur coin. Je pense que c’est peut-être cet aspect qui lui vaut ce qualificatif de « Weird » : comme si la ville et sa jeunesse souhaitait clamer fièrement son indépendance d’esprit, et de style. Ici, on fait comme on veut. Alors tous y trouvera son compte selon son souhait, que ce soit pour faire la fête dans la musique sur la 6e Avenue bondée, ou pour jaser et prendre un verre dans l’un des multiples jardins de food-truck et minis-bars. La ville réussit à être très charmante par sa diversité, notamment de ses gens et de sa scène culinaire.

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6e avenue, Austin : pleine de food trucks, de lumières et de musique, avec des allées suffisament larges pour permettre aux gens de tituber

Nous avons bien apprécié le Campus de l’Université du Texas à Austin, qui est parsemé d’immeubles de briques, d’artères piétonnes et de sculptures.

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Chambre des Représentants

Lors de la visite du Capitole, le guide nous demande d’où nous venons. Le mot Canada l’aura mis mal à l’aise quelques nanosecondes, puis il a continué en répondant sur un ton bienveillant : « Oh, well, that’s ok, there’s nothing wrong with that, we accept everyone here… ». J’étais un peu incertaine de la réaction diplomatique à fournir, dans ce type de situation. J’avoue lui avoir servi un sourire que mes proches n’auraient peut-être pas perçu comme complètement sincère, mais bon. Je souhaitais tout de même saluer cette branche d’olivier tendue et remercier ces efforts de générosité malgré tout. Dans l’enceinte de la démocratie texane, il faut se serrer la main..!

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Dôme du Capitole

Une expérience toute américaine

En quittant Austin, une opportunité s’offrait à nous. Celle d’aller « tirer du gun » et d’exercer les parcelles disponibles en nous qui nous donneraient l’élan de s’harmoniser le temps d’une petite heure au 2e amendement des États-Unis, cher à beaucoup de citoyens américains. Ces petites parcelles en moi correspondaient surtout à la curiosité, la volonté de m’y confronter un peu, de peut-être mieux (ou simplement plus) comprendre. Pas nécessairement d’y adhérer, mais de comprendre. Car j’ai certainement considéré avec sérieux une première éventualité, soit le simple refus d’aller dans un centre de tir, par principe. Je suis bien consciente que ce boycott personnel et totalement incognito n’aurait occasionné aucun plis sur la lisse croyance des texans à leur port d’arme. En y allant, toutefois, je courrais la chance de rencontrer des gens, peut-être de discuter, et ultimement bien sûr, de tenir une arme dans mes mains et de tirer. Une première pour moi, au contraire d’Antoine qui transporte avec lui son bagage d’ancien militaire.

Donc, la décision : nous y sommes allés. Vous n’aurez pas de photo, et ça, pour des raisons de principe. Parce que de produire et publier une moue semi agressive et semi suffisante en tenant un AK-47, je trouve que ça manque de tact, voire indécent. Cette arme, qui apparemment selon ma source bien informée (Antoine) est celle qui aura tué le plus d’humains sur terre, ne mérite pas que je me pose avec fierté et satisfaction. Elle exige, par contre, que je la traite avec respect, sérieux et décorum. Par principe, encore une fois. Et c’est ce que j’ai retrouvé au centre de tir : un certain décorum, des façons de faire, des précautions, du personnel relativement présent. Jusqu’à une certaine limite toutefois. Car on nous demande de répondre à un petit questionnaire sur un Ipad en fond de boutique, où l’on nous demande si nous avons des idées suicidaires ou homicidaires. Cliquez ici, puis là, faites dérouler l’engament numérique, puis acceptez en bas. Voilà, vous êtes prêts, nous sommes suffisamment rassurés. Même qu’Antoine, puisqu’il se disait connaissant du tir, aurait pu simplement prendre les armes qu’il souhaitait et aller tirer. Mais jamais seul, si je n’avais pas été là, il aurait dû être accompagné d’un employé. Donc, seul, n’y vas pas, mais amène ta femme… ce paradoxe m’a rendue pour le moins dubitative. Avons-nous dû fournir une carte d’identité ? Nope. Est-ce que les portes étaient barrées pour ne pas se sauver avec le matériel ? Nope. Tout cela, je l’ai réalisé lorsque j’étais dans les box de tir. Avec d’autres tireurs. Et je me suis dit qu’il y avait un petit quelque chose qui ne me revenait pas…. Aux USA, je me suis faite carter à une multitude d’occasions pour un verre d’alcool, même une vulgaire ‘tite bière à 4 %, mais par pour louer des armes (il est d’ailleurs possible pour les mineurs de tirer). Comme si permettre à une personne de moins de 21 ans de potentiellement se causer du tort avec de l’alcool était plus grave que de se causer du tort avec une arme. Je trouve ce constant… troublant. Mais bon ! À Rome, on fait comme les romains.

Après mon petit cour avec un homme peu loquace, mais qui avait la chaleur d’un vieux bonhomme barbu et portant ses Bud au ventre, ainsi que des petits yeux attentifs et souriants malgré tout, nous nous sommes dirigés au box. Honnêtement, je sentais un petit stress, un peu comme avant de sauter en parachute. Pas aussi fort bien sûr, mais je me demandais certainement « quessé que j’fais icitte ». Alors, je saute et émets mes premiers tirs. Ça se passe bien, je passe par quelques sentiments et états, notamment la surprise, la douleur et la concentration. Mes sens sont en alerte, le bruit (même avec bouchons et coquilles), l’odeur, la force du coup sur mes membres, la chaleur du canon… je suis tout de même contente de l’avoir fait, pour nourrir ma curiosité, saisir peut-être un peu mieux ce que cela signifier d’avoir un objet tellement puissant et destructeur entre les mains. Mais mon constat demeure : l’accès facilité à des armes automatiques, par exemple, me semble complètement incongru. Et c’est coché, c’est une activité que je ne risque pas de refaire.

Et après les constats, il y a les résultats cumulés au fil des trois armes que j’ai utilisées et des quelques 90 balles que j’ai tirées. Mon instructeur a résumé : « She’s a natural ». Peut-être que j’irai mettre à profit ce nouveau talent à la chasse, avec mon père et mon frère. Peut-être.

(P.S. pour mes collèuges RH, ils offrent des activités de Team building… vous l’aviez pas vue venir, celle-là, hein!)

Laredo

Notre dernier arrêt avant ce que nous considérions comme le début du « vrai » voyage. Car les États-Unis ont beaucoup à offrir, tant en culture qu’en beauté, mais des ponts sont clairement bien établis entre nos réalités. À Laredo, c’est tout de même assez particulier de se trouver dans une ville qui trouve sa sœur de l’autre côté du Rio Grande faisant office de frontière, soit la ville mexicaine de Nuevo Laredo. Les deux se font face, une poignée de ponts les relient, et le flux y est donc continuel. Et de part et d’autre, des restaurants, des hôtels, des habitations, la vie quoi. Nous en avons donc profité pour manger un steak, le premier depuis le début de notre voyage, à notre propre étonnement. Et pour le reste, nous nous sommes nourris de l’excitation de changer de pays le lendemain. Hasta pronto, México !

Nashville, Tenesse – Little Rock, Akansas – Oklahoma City, Okhlahoma (et des ennuis mécaniques)

Est-ce que Audrey va me voler la vedette ? C’est rafraîchissant d’avoir son aide dans la rédaction de nos mémoires de voyage.

Je n’ai pas grand chose à rajouter à ses impressions. Elles sont miennes aussi. Une chose par contre qui m’a frappé dans la visite de ces villes un peu hors des sentiers battus (sauf peut être Nashville), c’est à quel point elles peuvent devenir vides et fantomatiques.

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Les centre-villes américains sont réputés pour être à usage unique. Lorsque les travailleurs quittent leurs bureaux pour la banlieue, il ne s’y passe plus grand chose. Sauf que là, sous le soleil tombant et la chaleur accablante (avec des températures avoisinant les 40), le son des véhicules avait laissé place aux grillons. Les grands boulevards étaient déserts et les seuls humains arpentant les trottoirs et les parcs s’averaient souvent être des sans-abris qui n’avaient pas le luxe de se réfugier à la climatisation.

En observant ce vide urbain, j’ai parfois eu l’impression d’être de retour au Turkménistan ou en Corée du Nord.

Nashville fut intéressante. L’ambiance qui règnait sur Broadway n’était pas sans rapeler Las Vegas. En raison de nos ennuis mécaniques, Nous avons peu visité Little Rock mais du peu que nous en avons vu, c’était l’archétype de la ville américaine. Okhlahoma City nous a agréablement surprise contre toute attente. Oui, on y retrouve le même plan carré et les même grands boulevards vides, mais il existe en son sein des ilots d’activité et de culture.

Entre ces centres urbains, nous aurions bien aimé emprunté un peu plus les petites routes de campagne. Pour le peu que nous avons parcouru, les villages semblaient à demi-déserts et en état de décrépitude avancés. Beaucoup de maisons abandonnées et de commerces fermés leur donnaient un air post-apocalyptique.

2, 4, R c’est mieux que 1, 3, 5

On s’attendait bien sûr à des bris mécaniques, mais bien franchement, je n’avais pas anticipé celui-là. J’avais encore moins anticipé à quel point la pièce qu’il fallait pour le réparer allait être difficile à trouver.

Quand au départ d’une lumière j’ai senti le bras de vitesse devenir mou j’ai tout de suite compris que câble qui le reliait à la transmission avait lâché.  Croyant initialement à un petit pépin vite réglé, ,os visites infructueuses dans plusieurs garages de Little Rock (dont le dernier nous a inqué qu’il leur fallait une semaine pour réparer le problème) et de multiples tentatives de trouver la pièce nécessaire m’ont fait comprendre qu’il allait falloir que je prenne la situation en main.

Le cable avait cassé à l’endroit où il s’insérait à serre dans une bras qui actionne un levier sur la transmission. Si je trouvais un moyen de le rattacher, nous avions des chances de pouvoir reprendre la route. Le cerveau s’est mis en marche et rapidement j’ai pu concocter une solution à base de fil métalique tressé et de clampes.

De retour à l’hôtel, j’ai mis mon plan à exécution et en peu de temps nous avions retrouvé l’usage d’une partie de nos vitesses, soit la 2, la 4 et le reculons. Un court moment de réflexion nous a convaincu que c’était le combo idéal. 2 en ville avec des départs un peu lent impliquant un habile jeu d’embrayage. 4 sur la grand route à une vitesse maximale de 90-05 km/h. Finalement le reculons, qui n’a pas à justifier son utilité.

J’avais peu confiance en ma réparation, mais tant qu’elle tenait un moment, j’allais pouvoir la refaire sans grande difficulté. Comme de fait, mis à part une petite avarie en chemin que j’ai pu arranger en quelques minutes, nous avons réussi à parcourir les 500 km qui séparent Little Rock d’Okhlahoma City. Mon espoir était que là-bas nous parvenions à trouver le cable dans une cour à scrap.

J’ai été rapidement déçu. Les carcasses de Pontiac Vibe et de Toyota Matrix sont abondantes, mais toutes sont automatiques. Au Québec ou au Mexique, j’aurais déniché le morceau sans difficultés. C’est d’autant plus décevant que j’ai choisi ce véhicule pour être capable de le réparer facilement. Ça l’aurait été le cas pour tout autre bris mais comble de malchance, les Américains ont délaissés les voitures manuelles depuis très lontemps.

Nous nous sommes donc résignés à faire réparer la voiture chez Toyota. Même là, c’était loin d’être garanti car il n’existait dans le système qu’un seul exemplaire de ce câble et il se trouvait à Houston. Selon le préposé aux pièces, il était possible qu’il n’en existe en fait plus du tout que l’on se retrouve à attendre bien plus longtemps.

Fort heureusement, la pièce s’est rendue jusqu’à nous et au moment où j’écris ces lignes nous attendons patiamment que le technicien finisse son installation. Installation qui n’aurait pas été sans difficulté à cause de la rouille (ils sont peut habitués ici, même les voitures de plusieurs décennies sont exemptes de corrosion). La pièce seule nous a coûté quelques 650$ US. J’anticipe une facture de main d’oeuvre plutôt salée mais bon, c’était la chose à faire dans les circonstances.

 

Le Country, la Bible Belt et le Midwest

Lorsque nous avons débuté à tricoter nos plans de voyage, ils s’amorçaient avec une courte-pointe colorées intégrant différents états américains. Car notre disponibilité étant d’un an, nous nous étions dit que d’en utiliser plusieurs semaines pour voir ce que l’on ne voit pas souvent au milieu de cet immense pays, valait la peine. Nous avons plutôt choisi d’établir notre objectif de complétion de nos péripéties au travers du trio d’Amériques d’ici février, et donc de passer rapidement aux États-Unis, soit tout au plus deux semaines. Nous avons une vie de résidence au Canada pour visiter nos chers voisins du Sud, alors le Grand Canyon de l’Arizona, les ranchs du Wyoming et les montagnes du Colorado nous attendront quelques années.

Ceci étant dit, il faut bien le traverser, ce pays, si on veut passer à une autre Amérique et l’itinéraire sur lequel nous nous sommes arrêtés visait des territoires qui sont normalement moins invitants aux touristes. Notamment certains coins de la Bible Belt, reconnue pour la présence importante de nombreuses églises de confession protestante et évangélique, et du Midwest. Pas parce que les gens ne le sont pas, invitants, mais simplement parce qu’en comparaison avec tout ce que les États-Unis ont à offrir, leur étoile brille moins… C’est donc pour cette raison qu’après les États du Nord que nous connaissons mieux, nous avons traversé la Virginie occidentale, qui se présente verte et quasi vierge, avec de magnifiques vallées baignées de nuages, qui viennent s’accrocher aux montagnes tel une décoration. Puis le Kentucky et le Tennessee, où le Country, les BBQ et le Bourbon commencent à montrer fièrement leur présence. Le corn bread et les pommes de terre fromagées ne sont jamais bien loin.

Après avoir célébrer à Nashville, nous avions mis le cap vers Little Rock en Arkansas.

Little Rock, Arkansas

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Nashville-Little Rock
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Une autoroute bien gardée par le chaud soleil de l’Arkansas, à défaut d’être très utilisée

Bien qu’elle soit la capitale de son État, la ville demeure humble dans sa présentation. Quelques maisons de riches propriétaires de la fin du 19e siècles, mais qui me rappellent un peut les maisons qu’un riche couple de Montréalais pourrait s’acheter à Ahuntsic ou Outremont, ou à Sillery pour les Québécois. Les gens des « southern states » m’ont toujours parus comme très fiers de leur culture propre qui se distingue de plusieurs autres endroits du même pays. La nourriture, déjà, qui est chaleureuse, gouteuse, grillée et grasse, ne le cachons pas. Mais toujours tournée vers le partage et la famille, probablement lié également aux valeurs communes de piété, de foi et de communauté.

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La fameuse petite roche
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Sentez-vous la chaleur?

En quittant Little Rock, par ailleurs, la réparation temporaire d’Antoine que j’avais évoqué dans ma dernière publication a nécessité un petit ajustement et nous nous sommes retrouvés sur une route de campagne dans une région plutôt pauvre, incapables d’avancer. Durant la légère manipulation nécessitant deux minutes, en prenant son temps, 80 % des pick-ups se sont tout de même arrêtés. Simplement pour aider, offrir, proposer. « Hello there, bubba, looks like you’re in a pinch, need some help » ? Notez l’amicalité du terme Bubba, qui est utilisés entre hommes dans le Sud des États-Unis pour un ami, un membre de la famille ou un garçon. On nous a proposé de tirer la voiture pour la mettre dans un endroit sécuritaire, un lift pour aller ailleurs, de l’eau vu les huit cent mille degrés à l’ombre. Honnêtement, cela a pris plus de temps pour répondre à tous ceux qui faisaient un gracieux U-turn pour venir nous aider, qu’à procéder à la fameuse manipulation nécessaire. Comme quoi l’hospitalité du Sud n’est pas une rumeur. Ce moment m’a beaucoup fait pensé à l’Asie centrale où l’on s’arrêtait régulièrement pour nous offrir toutes sortes d’aides diverses quand nous prenions une pause : bras ? Pommes ? Lift ? Eau ? Bah si vous ne prenez rien, voici au moins 4 pains ! Dans mon expérience, c’est souvent les régions qui sont les moins nanties qui nous sont les plus accueillantes. Lorsque la précarité du quotidien pèse sur tous et chacun, l’entraide devient naturelle, intégrée à l’ADN d’un peuple, j’imagine. Note à moi-même : ne pas me laisser prendre trop de distance avec cette valeur… elle est importante partout, après tout.

Parlant donc de la raison pour laquelle nous étions arrêtés… je vous avais laissé avec une petite photo de notre motel de Little Rock, où Antoine s’affairait à une pièce bien précise : le câble qui lit le bras de vitesse (nous avons une manuelle) à la transmission en tant que tel. Et bien, alors que nous allions visiter et souper en ville, il a simplement décidé de se sectionner et, par défaut, d’abandonner la tâche qui lui incombait, soit de nous permettre de passer les vitesses et, ultimement… de se rendre en Patagonie. Donc, pas une mince affaire, bien que la pièce soit simple. Notez, nous étions chanceux parce que le câble, dans sa grande générosité, a tout de même choisi de nous accorder une position en 2e. Bon, tu ne te rendras pas vite, mais tu peux te rendre où tu veux, plutôt que de rester coincé en plein milieu d’une rue. Il est possible de la changement manuellement, littéralement, mais il faut le faire le capot ouvert.

Après avoir fait quelques démarches dans les garages autour, avec quelques appels nous confirmant l’indisponibilité du remplaçant de notre pièce chérie, nous avons donc pu nous rendre au Motel vers 21h, sur notre fidèle 2e vitesse. Pour ceux qui connaissent Antoine, il ne pouvait laisser ce casse-tête sans solution. À l’aide d’un petit coffre à outils à 50$ acheté en quincaillerie avant de partir, et à l’aide d’un pied de câble métallique tressé et 2-3 pièces de quincaillerie que l’ont s’était procurés, nous nous sommes donc attelés à trouver une solution. Vous savez, le type de situation ou « patenter » prend tout son sens québécois. Ainsi, arrache un bout de caoutchouc qui pendouille et n’a plus l’air utile, plie un bout de câble coupé, serre une attache à câble métallique, installe une 2e au cas, rajoute un collet de plomberie comme filet de sécurité… et voilà!

Puzzle
Casse-tête réuss

Le truc, c’est que dans une transmission manuelle qui fonctionne de façon bancale et raboutée, une vitesse sur 2 fonctionnera. Alors je vous pose la question : si vous deviez en choisir 3, lesquelles vous prendriez? Certains nous ont déjà répondu 1-3-5… ou 2-4-6… et bien, erreur ! Parce que le petit R sur le bras de vitesse, il est sous-estimé ! Donc, après cette réparation, nous avions la 2, la 4 et le reculons. Alléluia ! Nous pouvions avancer, faire de l’autoroute, et reculer si on se stationnait ou nous retrouvions dans un cul-de-sac. L’autonomie, ça n’a pas de prix.

Ainsi, nous avons pu quitter Little Rock et nous rendre à Oklahoma City.

Okhlahoma City

Little-Rock-Oklahoma City
Little-Rock-Oklahoma City

Dans les deux villes et entre les deux, nous avons eu le plaisir de visiter les « Pick-a-part » et « Auto salvage Yards » qui se présentaient à nous, que je connais chez nous comme les « cours à scrap ». Une expérience hors du commun, quand il fait 39 degrés Celsius et gros soleil. Surtout quand on se rencontre qu’après 4-5 endroits différents… des manuelles, il n’y en a pas tant que ça, ici !

Pull-a-part
Servez-vous

Alors, après avoir fait l’effort de chercher des pièces de remplacement pas trop chères et de tenter la réutilisation (nous avons une veille minoune de 2005, après tout), nous avons dû nous rabattre sur le dernier plan, que nous avions identifié au début comme outrageux. L’achat d’une pièce NEUVE chez Toyota, qui est vendue, vue sa rareté, au prix d’une pièce d’art contemporain que les connaisseurs de Soho s’arrachent : près de 700$, US par dessus le marché. Plus les frais de l’installation parce que bon, rendus là, aussi bien s’assurer que ce soit bien fait et qu’on puisse repartir aujourd’hui pour notre prochaine destination au Texas. Dans les voyages comme dans la vie, faut savoir s’adapter aux imprévus et aux impondérables, et nous avons avalé notre pilule, qui a fini par bien descendre avec notre café en attendant dans la salle climatisée de Toyota. Les solutions ne sont pas tout le temps celles que l’on visait mais, tant qu’il y a une solution ! On pensait quand même rencontrer notre premier enjeu mécanique ailleurs que dans notre premier pays visité.

Je tiens à préciser que bien que ma nature humaine me pousse à préférer la facilité, l’absence d’embûche et la sécurité, c’est le type d’événement que je trouve stimulant. Comprenez-moi bien, en l’absence d’Antoine, ma carence en connaissances mécaniques me rendent complètement dépourvue. Mais j’admire sa curiosité et sa ténacité, qui m’accompagnent dans ma propre démarche d’apprentissage. Je prends plaisir à réfléchir avec lui sur comment nous pourrions trouver la pièce manquante à notre casse-tête, ou comment construire une pièce automobile transitoire avec les moyens du bord, ou à aller suer dans un champs de carcasses de métal pour ne pas trouver ce qui nous est nécessaire, ou à simplement mieux comprendre comment la voiture fonctionne. Dans mon monde de facilité qui me fait appeler un garagiste quand j’ai un problème de char, le défi et la réussite actuels sont intellectuellement satisfaisants. Parce que si onous avons visité cinq cours à pièces automobiles (parce que les quinze autres appelées n’avaient pas la voiture cherchée), c’est parce que c’est la réalité de bien des gens. Je vois donc comme un avantage d’ajouter cette corde à mon arc, même si la corde n’est pas attachée bien solidement… !

Et puis notre séjour en Oklahoma, malgré tout, aura été très apprécié. L’Arkansas avait revêtu à mes yeux un aspect un peu plus… terne et morose, peut-être, à défaut de meilleur qualificatif. Je trouve par ailleurs peu à dire de ce que que nous y avons vu, outre ce que j’ai déjà mentionné sur la chaleur de ses gens. Mais en traversant en Oklahoma, on sent le petit côté Ranch qui vient de s’ajouter : les pick-ups servent, ici, et de la boue aux ailes, ils en ont. Même un policier à qui nous avons rapporté des cartes d’identités trouvées par terre portait des bottes de Cowboy… le pittoresque se trouve parfois dans les détails…

En traversant la ville via ses petits parcs ombragés longeant des canaux et ses grandes artères bordées d’immeubles, nous avons trouvé quelques petits endroits qui méritaient un regard ou un arrêt. Notamment, le mémorial à l’attentat de 1995, où deux américains en colère contre l’appareil fédéral, avait coûté la vie à 168 personnes (peut-être 169, selon les recherches). Il s’agit encore, à ce jour, de l’attentat domestique le plus meurtrier de l’histoire des États-Unis.

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Chaque chaise représente l’une des 168 personnes tuées dans l’attentat
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9:01, soit une minute avant l’attentat. Face à cette porte, il y en a une identique indiquant 9:03, soit la minute suivant l’attentat, où tout a changé pour Oklahoma City

OKC

Aussi, en fin de soirée hier, alors que nous avions terminé une bière avant d’aller nous coucher en prévision de notre rendez-vous matinal au garage, Nous avons entamé une discussion avec un américain accoudé au bar. Un chouette mec, volubile et de passage venant du Michigan, avec qui nous avons échangé sur nos vies et nos vues. Nous n’avions certainement pas les mêmes opinions, et il y avait de la place pour qu’une belle chicane s’installe, si l’une des parties l’avait souhaité. Mais non, nous avons échangé, tranquillement, passant de nos situations maritales respectives à la politique américaine et canadienne, saupoudré de sujets comme les chiens, l’armée, les espoirs, les camioneurs d’Ottawa, la neige, l’Irak… C’est ce qui est beau dans ce type de rencontre : sur les médias sociaux, chacun aurait levé les yeux au ciel face aux commentaires de l’autre, mais face à face, il y a un partage honnête et véritable, même sans changement d’adhésion. Santé Eddy !

Bon, la voiture sera prête bientôt, on se prépare à aller voir le Texas.

Audrey, live from Oklahoma City

P.S. Les produits d’Unibroue sont disponibles à quelques endroits dans le coin… Un serveuse qui ne savait pas d’où l’on venait nous a même dit que la « End of the world is the best Triple EVER » !

Les premières impressions de voyage

Comment débuter une année sabbatique ? Tout d’abord, la mettre à l’horaire et partager la bonne nouvelle à notre entourage. Une façon efficace pour ancrer le projet dans le concret et réduire les chances de reculer ou de remettre jusqu’à l’année où on ne le fera pas. Deuxièmement, cesser de travailler, puis partir en voyage. Bon, je passe quelques étapes intermédiaires, comme rêver, espérer, s’imaginer… car entre ces deux dates, le voyage débute tout de même.

J’ai donc travaillé ma dernière journée le vendredi 4 juillet. Ça, c’est l’étape marquante, celle qui enclanche un nouveau quotidien. Car nous avions à ce moment déjà laissé le chalet à des proches, puis les motos, chez des amis. L’une après l’autre, les tâches se cochaient sur la liste des impératifs et notre quotidien glissait tranquillement vers le vaporeux.

Lors de notre dernier voyage d’un an, nous avions grandement travaillé notre excitation, notre anticipation. Grâce à une plus grande disponibilité de temps, et un éventail réduit de possessions, d’engagements et d’obligations. Le sentiment brut d’une liberté complète, cristalline, était palpable. J’avais quitté mon emploi, Antoine avait terminé une étape importante de son programme d’études et allait revenir à autre chose, tout avait été vendu, incluant les voitures ou les meubles surnuméraires, les appartements avaient été laissés à d’autres locataires… Nous faisions donc un saut dans le vide, sans attache, dans l’aventure. Et même notre retour allait en être une. Nous allions revenir dans un nouvel appartement, une nouvelle ville et un nouvel emploi pour ma part, et aucun de ces paramètres n’était connu à l’époque. Il est donc naturel que le processus cognitif baigné d’exultation fut… distinctif, disons ! L’aventure revêtait également un aspect transitoire. Et nous l’avons chérie des années durant, par la suite, et le chérissons encore, par ailleurs. Ce type d’événement de longue durée crée des souvenirs, certes, mais forge, construit, sculpte l’esprit d’une façon qu’il est difficile de mettre en mots. Nos besoins ne sont plus jamais les mêmes après, nos a priori non plus, nos référents font même l’objet d’une certaine translation, parfois imperceptible mais bien présente. Comme si nos trajets venaient se tracer dans notre peau, et que les chemins parcourus coulent dans notre sang, se confondant à même nos veines. Et le simple rappel de ce que nous avons fait se traduit en sourire, de façon perpétuelle, comme un remède dans lequel nous pouvons puiser à volonté. Et c’est ce sentiment qui est inestimable.

Cette fois-ci, nous avons « simplement » mis sur pause la totalité de notre quotidien et de notre réalité. Et le fait d’écrire que nous l’avons simplement fait ne réfère qu’au résultat final, puisque le parcours aura été complexe et ardu, notamment au regard de nos charges professionnelles respectives ainsi qu’à tous ces petits et gros aspects dont la responsabilité nous incombe. L’esprit tente alors de se faire graduellement plus léger, malgré les pépins qui se dessinent avant même le début officiel du voyage. J’en entend déjà d’ici certains d’entre vous sortant leur violon pour nous, pauvres voyageurs privilégiés… et vous auriez raison, nous ne sommes pas à plaindre, d’aucune façon. C’est justement à cela aussi que le voyage sert : prendre conscience du manque de perspective que l’on se permet nous-même d’avoir et de développer. Dans toutes sortes de contextes, pour toutes sortes de raisons, bonnes ou mauvaises, peu importe. Mais le voyage, c’est la réflexion. Celle qui permet de comprendre ce qui importe, de s’élever au-dessus de ce qui n’importe pas, et de connecter à ce qui jusqu’à maintenant, importait trop peu.

En quittant le Canada le 17 juillet, nous avions été cadrés jusqu’alors par nos tâches, nos impératifs, nos responsabilités. Auto-imposées, quand même, ne l’oublions pas. Et puis il y avait mon anniversaire, un tournant vers ma quarantaine, qui était un moment que je souhaitais passer avec mon chum, dans une ville que nous marcherions jusqu’à épuisement. C’est d’ailleurs ce que nous avons fait à Nashville, ou Music City pour les musicophiles, d’abord réchauffés (ou surchauffés) par le joli soleil du Tennessee, puis rafraichis par une bière fraiche du même coin de pays et posant un regard amusé sur les fêtards, du haut de notre terrasse princière.

Nashville vue d’une terrasse
Nashville vue d’une terrasse

Maintenant cette journée charnière passée et l’exercice d’écriture actuel me permettant de m’imprégner de notre réalité ajustée, je sens raisonner l’écho des jours, des semaines et des mois à venir. Le temps passera une journée à la fois, une destination à la fois, et chaque expérience sera goulûment intégrée.

En terminant, je réalise que l’on ne devrait peut-être pas utiliser cette expression de « tournant » de la quarantaine. Parce que je n’ai pas le souhait de revenir en arrière, ou de changer de direction. Je souhaite maintenir le cap, fière de ce que j’ai déjà fait, et excitée de ce qu’il me reste à découvrir et à faire maintenant. Car ne rien regretter, ça se travaille au présent.

Audrey, live from Little Rock, Arkansas

Addendum : Dans les trentes minutes maximum suivant l’écriture de la présente publication, une tuile automobile nous est tombée sur la tête… Antoine “McGyver” Mercier-Linteau a usé de ses talents et de sa créativité… restez connectés, la suite dans sa prochaine publication!

Oh Ooohhh…!
Oh Ooohhh…!