Journée plutôt relax : lever tard, travail puis sortie en milieu d’après-midi. Contrairement à nos attentes, il y avait beaucoup plus à faire au Mont Abu que nous pensions, mais tout de même, l’endroit se prêtait bien à la balade. En priorité, il fallait toutefois que nous allions jeter un œil au temple Delwara, décrit par un guide rencontré la veille comme plus beau que Taj Mahal. N’ayant pas visité ce dernier, il serait difficile de nous prononcer sur la question. Une fois sur place par contre, nous avons réalisé que le guide n’exagérait probablement pas. De l’extérieur, rien d’autre que des structures abîmées par les éléments. En leur intérieur par contre, un travail de sculpture de marbre blanc comme nous n’en avions encore jamais vu en Inde (et dans le monde). Le complexe de temples étant un haut lieu sacré du jaïnisme, les appareils photos et cellulaires y étaient interdits d’entrée (tout comme les femmes menstruées [non, je ne rigole pas]). Dommage, j’aurais bien aimé vous partager quelques photos.
Avec le quelque peu de lumière qu’il restait à la journée, nous avons repris le chemin du centre-ville, faits quelques arrêts bouffe de rue puis sommes partis marcher le tour du petit lac local. Au bout de ce dernier, nous avons croisé une procession d’Indiens tous habillés de blanc (des Jaïns) descendant d’une colline rocheuse. Comprenant qu’ils venaient d’assister au coucher du soleil, Audrey et moi nous sommes remontés sur leur pas pour découvrir à notre tour un splendide panorama de couchant. Profitant des dernières lueurs et de la présence de Mercure et Vénus (difficiles à observer en temps normal), nous avons passé ce qui restait du crépuscule à profiter du paysage. Au retour à l’hôtel, petit arrêt bouffe de rue (à nouveau!) et ça en était terminé de notre journée peu productive au Mont Abu.
Aujourd’hui, direction Mont Abu, la ville la plus en altitude du Rajasthan (1100m quand même!) et destination prisée des familles indiennes de la classe moyenne pour s’évader de la chaleur torride des mois d’été. L’endroit est définitivement touristique et ne s’en cache pas. Cependant, il est peu visité par les étrangers et conserve donc un semblant d’authenticité culturelle.
Ce n’est qu’un peu avant notre arrivée au pied de la montagne que la route est devenue un peu intéressante. Du reste, ça n’a été que du 4 voies pendant de longues heures. Sur notre trajet se situait un temple hindou érigé non pas en l’honneur d’une divinité, mais pour commémorer un indien mort dans un accident de moto sur les lieux il y a bien des années. Apparemment, la moto, une fois retirée de l’endroit de la collision, y serait revenue de par elle-même. La visite de ce temple pour le moins hétéroclite nous a permis de nous occuper le temps d’une pause. Digne de mention aussi un camion s’étant renversé sur l’autoroute et y ayant répandu son chargement de … poisson.
Il faisait encore jour lorsque nous sommes arrivés à destination et il était moins une, car par force d’exposition au soleil et au vent, les yeux me piquaient sérieusement. Aussitôt entrés en ville, un Indien nous aborde et nous propose un chambre à 300 roupies (6$) la nuit. Ce n’est pas dans nos habitudes de céder à ce genre de solicitation, mais considérant les prix élevés du Mont Abu, nous n’avons pas été trop difficiles à convaincre. Par principe et pour faire un peu de reconnaissance, j’ai tout de même insisté d’aller faire un petit tour du centre-ville en moto pour bien me rendre compte que nous avions fait le bon choix. Après un verre bien mérité pris sur le toit de notre établissement, nous sommes sortis faire un tour en ville pour nous imprégner un peu de l’atmosphère. Évidemment, c’était plutôt vide, car nous étions en plein milieu de la semaine.
Après la Ville Blanche, la Ville Dorée, voici la Ville Bleue. À ce qu’il parait, de nombreuses maisons de sa vielle ville sont peintes en bleu ciel, une manière d’éloigner les mouches (dit-on). Bien plus grosse qu’Udaipur ou Jaisalmer, il régnait à Jodhpur l’atmosphère classique d’une grosse ville indienne: sale, bruyant et pollué. Nous n’allions donc pas nous y éterniser, une journée allait suffire à la visiter.
Debouts de bonne heure, nous avons dédié une partie de la matinée aux tâches d’écriture et administratives, puis sommes sortis pour notre visite. Premier arrêt, un cénotaphe (à l’image de celui-ci) tout de marbre et de pierre surplombant la ville. À l’inverse de bien d’autres monuments en Inde, l’entretien de celui-ci était irréprochable, probablement car encore utilisé par la famille royale locale. Deuxième arrêt, le fort de Mehrangarh, imposant palais dominant la ville depuis le haut d’un énorme rocher. L’endroit est à ce point fantastique qu’il s’y tourne des films sur une base régulière (comme le dernier Batman). D’ailleurs, une partie du fort était occupée par un plateau au moment où nous y étions. Il était également possible de visiter l’intérieur du palais, converti en musée, mais compte-tenu du prix, nous nous sommes limités à l’extérieur.
Redescendus dans la vielle ville, nous nous étions donnés comme défi de rejoindre le marché principal sans carte. Si ce n’était pas du fait que l’endroit était particulièrement sale (les toilettes se vidaient à même la rue par endroit), la vielle Jodhpur aurait pu plaire bien davantage. Néanmoins, la balade a été fort agréable. Je comptais terminer la visite par l’escalade d’une section des ramparts qui ceinturaient anciennement la ville, mais face à l’assaut incessant des enfants et notre incapacité à faire comprendre aux adultes que nous ne voulions pas aller au fort, mais bien aux murs, il nous a fallu abdiquer. En fait, si ce n’était pas de ces premiers, nous aurions pu nous débrouiller, mais là c’était difficilement gérable. Cette autre confrontation à des vagues de hello et de what is your name nous aura tout même poussés à la réalisation qu’il faut éviter de se promener dans les quartiers populaires en soirée … car on apprend aux enfants à parler anglais.
Mis à part la première centaine de kilomètre parmi les éoliennes et les villages perdus dans le désert, la route de cette journée n’a pas eu grand chose d’agréable. Nous avons circulé un bon moment sur une chaussée défoncée, puis par la suite sur l’autoroute. Bref, rien de trop plaisant.
Aux abords de Jodhpur, la circulation s’est densifiée et les directions à prendre se sont complexifiées, il nous a donc fallu faire de multiples arrêts pour regarder la carte. Or, s’immobiliser en bord de route en Inde attire dangereusement l’attention. Curieux et voulant bien faire, plusieurs Indiens vous aborderons invariablement pour vous demander le lot de questions classique (pays, nom, état marital, etc.), prendre un ou deux selfies et pour tenter de vous aider (sans même savoir ou vous allez précisément). C’est marrant, mais ça l’use la patience à la longue.
Arrivé dans Jodhpur, c’était l’heure de pointe et probablement la plus grande densité de trafic auquel Audrey et moi avons été exposés jusqu’à maintenant. Heureusement qu’il y a eu une progression, car en tout début de voyage, elle aurait peiné un peu. Plus de 1000 kilomètres à moto plus tard, cela s’est fait dans aucune difficulté.
Jaisalmer, surnommée la Golden city (ville dorée, vous le constaterez sur les photos) est un incontournable du Rajasthan. Réputée pour son magnifique fort et ses balades à dos de chameaux dans le désert, nous comptions définitivement passer notre tour pour cette deuxième activité. Disons que notre petit tour de la veille, parmi les dunes avait achevé le peu d’intérêt que nous avions envers l’expérience. Si un jour j’ai à me rendre à quelque part et que le moyen le plus pratique d’y aller est le chameau, j’en chevaucherai un avec toute l’excitation du monde. Débourser des roupies pour peser sur le dos d’une pauvre bête traînée de force par un chamelier, le tout dans un environnement complètement factice, bof. Je n’ai pas de difficulté à me justifier moralement l’exploitation du chameau comme moyen de transport ou comme bête de somme; comme manège, si. De cette manière ou d’une autre, ils assistent quand même leur propriétaire à gagner sa vie et ainsi à pourvoir à ses besoins, mais le hic, c’est qu’il existe d’autres alternatives économiques. D’autant plus qu’un chameau de transport appartenant à une petite famille paysanne a bien plus de chances d’être correctement traité qu’un propriété d’un opérateur de tourisme et destiné à promener des badauds et générer du revenu.
Le lendemain de notre arrivée à Jaisalmer tombait sur la fameuse fête de Holi, célébration nationale de la venue du printemps, du renouveau et de l’amitié. La veille, des feux de joie sont allumés et le jour même, toute la population se retrouve dans la rue armée de sacs pigments de couleurs pour un grand rassemblement dont le concept est de se badigeonner mutuellement de ces couleurs tout en se faisant des accolades et en se souhaitant joyeuse Holi. Pour cette raison, Holi est plus connue dans l’Occident comme la fête des couleurs. Ce jour là donc aucun moyen de sortir de chez soi sans s’y coller. Pour les demoiselles, c’est un peu embêtant, car les Indiens, déjà souvent trop avenants avec les dames, ont la réputation d’y aller encore plus fort dans les attouchements lors du Holi (alcool aidant). Il se donne d’énormes fêtes à plusieurs milliers dans certaines villes indiennes, celle de Jaisalmer allait être plus tranquille et pour cette raison, c’était tant mieux. D’ailleurs, le fait que nous n’avons croisé pratiquement aucune indienne en dit long…
Nos deux amis sont venus nous rejoindre à notre auberge (déjà pleins de couleurs) et aussitôt sortis, il n’a pas fallu deux minutes qu’un groupe d’Indiens nous ont abordé les mains chargées de pigments. Du rouge, du vert, du rose, du bleu, du jaune, au fil de l’après-midi nous avons serrées d’innombrables mains, embrassés nombre de gens et nous sommes prêtés à maints selfies. Niveau attouchements, le niveau est resté relativement acceptable (selon les deux filles du groupe) Les rues du vieux Jaisalmer, d’habitude très fréquentées par les étrangers, avaient été rendues aux indiens pour l’occasion; quasiment aucun touriste sauf nous. La ville dorée avait définitivement prise des teintes arc-en-ciel. Lors de notre passage dans le fort, les résidents étaient même déjà affairés à nettoyer les environs de leurs entrées. Pour notre part, il nous a fallu à tous au bas mot une demi-heure de douche pour laver nos corps et vêtements. J’avais porté de vieux vêtements pour l’occasion afin de me prêter au jeu le plus possible. Pour être franc, j’ai quand même apprécié le moment.
En soirée, nous nous sommes tous retrouvés pour le repas. Après le restaurant, l’une de nos amis n’était pas partante pour aller prendre un verre à l’auberge et nous a faussé compagnie pour rejoindre son hôtel, situé à une vingtaine de minutes de marche. Un peu moins d’une demi-heure plus tard, nous la revoyons monter les marches menant au toit de notre auberge, les yeux en larmes et le tremolo dans la voix. Audrey, la questionne aussitôt sur sa présence et celle-ci répond qu’elle s’est fait mordre par un chien. Elle me montre les dégâts, mais heureusement la morsure est généralement superficielle, sauf un croc qui est parvenu à percer la chair. Là n’était pas le principal problème par contre, ce qu’il fallait redouter, c’était la rage. J’ai donc instruit Audrey d’aller aider la victime à nettoyer sa plaie avec du savon, puis suis aller voir le gérant de l’auberge afin qu’il nous dirige vers un hôpital, car le premier vaccin devait être donné aussitôt que possible.
À cet heure, seul l’hôpital gouvernemental était encore ouvert et le gérant s’est généreusement offert de nous y conduire. La procédure d’enregistrement consistait à se présenter à une guérite, payer 10 roupies, recevoir un papier (en Hindi) puis aller faire la queue devant le bureau du médecin. À cette heure et considérant la fête de Holi, je me serais attendu à une longue attente, mais il n’a fallu que quelques minutes avant que nous soyons vus par le médecin. Sans poser de questions, il a regardé le site de la morsure et rédigé une prescription. Malheureusement, la pharmacie était fermée alors il allait falloir qu’elle repasse demain matin pour sa première injection. Cependant, elle allait pouvoir recevoir ses antibiotiques, sa crème anti-septique et son vaccin contre le tétanos (gratuit!). La salle où étaient dispensées les injections avait peu à envier aux pires films d’horreur. Les lits étaient explosés, les murs en ruine, un mec (l’infirmier) sale bidouillait sur son téléphone et dans un coin, quelques poubelles débordant de seringues et de compresses usagées. Heureusement, la seringue était stérile; la technique d’injection, pas trop mais bon… En allant reconduire la victime à son hôtel, j’ai tout de même pris le temps de poser le questions que le médecin n’a pas daigné de lui demander: quels médicaments prenait-elle? avait-elle des allergies? des conditions médicales existantes? En fin de compte, elle était allergique à la pénicilline, alors je l’ai instruire de ne pas prendre son anti-biotique sans que j’aie au préalable confirmé avec des sources compétentes si elle pouvait le faire. Cette visite dans un hôpital indien avait tout même été intéressante. J’ai été content de voir que les soins y étaient complètement gratuits, mais la qualité du service et la salubrité de l’endroit a suffit a expliquer pourquoi l’Inde possède un système a deux vitesses.
Initialement, nous comptions ne passer que deux nuits à Jaisalmer, mais en raison de la fête de Holi, nous n’avions pas pu visiter quoi que ce soit. Nous avons donc rallongé notre séjour pour mieux explorer la ville dorée. En débutant par le fort et en terminant pas les petites rues à l’extérieur de son enceinte, nous avons pu constater à quel point Jaisalmer était une ville élégante avec toutes ses maisons de pierre travaillée, ses ruelles, ses petites scènes quotidiennes et sont caractère bien Rajasthanien. Cette soirée là, nous l’avons passé devant nos ordinateurs. En sortant dehors vers minuit, c’est la pluie qui nous a surpris (en cette saison [et en plein désert]). Et dire que nos deux amis québécois était en ce moment en train de dormir à la belle étoile après leur journée de chameau…