D’Udaipur, il nous a fallu un bon 10 heures d’autobus pour rejoindre Jaipur, la capitale du Rajasthan. Autant dire que l’entreprise a demandé toute la journée (j’en ai passé une bonne partie à m’entretenir avec mon voisin de banc) et ce n’est que vers 22h30 que nous sommes finalement arrivés à l’hôtel pour la nuit. Le lendemain, nous avions rendez-vous en matinée à l’agence de location, donc pas le temps de faire les touristes; c’est au retour que nous comptions visiter Jaipur.
Nos deux motos en notre possession, des Bajaj CT100, nous n’avons pas quitté la ville immédiatement. Histoire de se refaire la main à la conduite de deux-roues motorisées, nous avons passé un moment à circuler dans les environs. Audrey était plutôt angoissée à l’idée de se lancer dans le traffic d’une ville majeure de l’Inde, c’est compréhensible. Une heure plus tard, elle avait suffisamment gagné en confiance pour entamer le trajet du jour. Pour ma part, il a fallu que je m’habitue à l’absence de démarreur électrique et au passage de vitesse non conventionnel (N1234) où il fallait pousser la pédale pour incrémenter. La seule connerie du départ, c’est moi qui l’ait commise en déposant la moto chargée sur sa béquille latérale. Cinq secondes plus tard, j’entend une femme indienne qui passait pousser un cri. Le poids des bagages sur la selle arrière a fait chuter la moto. Constat des dégâts: des égratignures et un clignotant décroché. Rien de grave.
La sortie de la ville a demandé un certain temps, mais heureusement, tout s’est bien passé. Aurions nous pu nous faire mal? Pas vraiment. Je le répète, les villes indiennes ont beau être chaotiques, les gens ne roulent pas vite. Le risque principal à mon avis était celui d’un accrochage mineur ou une chute. Bref, un quelconque événement qui aurait pu ébranler la confiance de ma compagnonne de route et mettre à mal le voyage à venir. Disons-le, j’ai beaucoup plus d’expérience qu’elle,qui doit encore passer son examen pratique de moto à la SAAQ. À la fin du voyage par contre, toutes ces heures de conduite (en Inde!) l’auront préparé comme jamais.
Nous comptions emprunter la route majeure vers Bikaner, mais une petite erreur de navigation nous a fait foncer droit vers la campagne. Tant pis et de toute manière, rouler sur ces routes allait être bien plus agréable que de suivre le gros du trafic sur une voie majeure. Au fil de l’après-midi donc, nous avons passés maints petits villages et forts perchés sur les collines, évité des vaches, des chiens, des cochons (tout nouveaux venus de la faune urbaine indienne), des chèvres et des humains. Évidemment, nous nous sommes faits arrêter pour quelques selfies. Le Rajasthan est aride, sablonneux et rocailleurs. Pourtant, on y retrouve quelques champs et donc de la petite paysannerie entre les villes. Autrement, la qualité de la route était généralement bonne et la conduite des plus agréables. Vers la fin de la journée, Audrey était au top et avait visiblement gagnée plusieurs crans d’assurance.
La nuit venait de tomber lorsque nous avons atteint Sikar, agglomération à mi-chemin entre Bikaner et Jaipur. Histoire de s’éviter tout le trouble d’entrer en ville de soir et d’y trouver un hôtel, nous nous sommes simplement arrêtés dans un établissement de bord d’autoroute (très communs en Inde). Là, nous avons pu y dîner et prendre quelques bières (récupérées au bar d’à côté, la plupart des restaurants en Inde ne servent pas d’alcool) afin de clôturer une journée pleine de défis, mais qui n’aurait pas pu mieux se passer.
Y’en a quand même marre à la fin du backpacking sur la route touristique. On voit des villes, oui, mais tout ce qui se situe entre, on le manque. Pour bien explorer un endroit, il faut ses propres roues. Ainsi, on se perd, on visite des coins inusités, on fait des belles rencontres, on voit du pays. Notre fantastique Golf a rempli ce rôle à merveille en Asie Centrale; après quelques mois de sac-à-dos, ça me démangeait de reprendre la route … et de faire vivre l’expérience à Audrey. Grand fan de moto et de road-trips, je tente de conjuguer ces deux passions dans tous mes voyages à long terme. En 2012, c’était l’Europe, en 2014, la Thaïlande et le Viet Nam, en 2015, la Grèce et aujourd’hui, le Rajasthan en Inde. Contrée des mille et une nuits, le Rajasthan est comparativement peu peuplé et recèle de nombreuses attractions. C’était donc un bon candidat pour un trip de moto, d’autant plus que nous allions y passer presque un mois en raison du coup de foudre qu’Audrey a eu pour cet état. En ce qui concerne la conduite, les Indiens sont évidemment complètement malades et c’est le chaos total dans les villes; nous en avions eu un avant goût à Pondichéry. Heureusement, ils ne roulent pas vite. Du reste, nous nous adapterons, quitte à subir un déluge de klaxons.
Idéalement, l’Inde se visite à moto. Les routes y sont en bon état, les motos peu chères et les barrières administrative inexistantes (le permis moto n’existe pas en Inde). La plupart des touristes choisissent de faire le périple en Royal Enfield, moto 350cc iconique de l’Inde. Sur le marché usagé, elles s’échangent entre étrangers pour environ 1000$. Vu que nous disposions d’environ deux semaines, tout le tracas de trouver des Enfields, de les acheter et de les revendre n’en valait pas la peine. Au niveau location, on parlait de minimum 15$ par jour. C’est donc vers le moins cher du moins cher que nous nous sommes tournés, deux Bajaj CT100. Pour 18 jours, il nous en coûté … 54$ de location. En plus, elles ne consomment que 78 km au litre; ça l’allait donc être léger sur les roupies. Avec ses 100cc, ses quatre vitesses et son prix à l’achat des plus modiques, la Bajaj CT100 est réellement la moto du peuple indien. Elle est livrée avec un porte bagage, un porte madame (une marche permettant aux dames en sari de s’asseoir de biais sur la moto) et un large siège pouvant loger quatre-indiens de manière très inconfortable. Question construction, il serait difficile de faire un produit de moindre qualité. Par chance, les nôtres sont quasiment neuves. Autrement, c’est une petite moto, légère, facile d’entretien. Bref, le deux roues parfait pour un petit tour en Inde.
Pourquoi Rajaride? Je donne toujours des titres à ce genre d’aventure. Cette fois, c’est la concaténation de Rajasthan et de ride (verbe anglais voulant dire promenade).
Le Rajasthan était autrefois morcelé en plusieurs petits états belliqueux à la tête desquels régnait un raj. Udaipur était la capitale de l’un d’entre eux. L’endroit était apparemment splendide, alors Audrey avait pris soin de réserver une auberge avec une terrasse de toit. Une fois sur place, la vue s’est avérée être encore plus spectaculaire que ce à quoi nous nous attendions. La ville (incidemment surnommée la ville blanche) se déployait jusqu’au berges d’un grand lac, lequel était flanqué de l’immense palais du raj et parsemé d’îles toutes aménagées. L’une d’elle, un hôtel de luxe, avait joué le repaire du vilain dans le James Bond Octopussy. Voilà qui expliquait pourquoi ce film était à l’affiche chaque soir dans presque tous les restaurants un tant soit peu touristiques. Après avoir profité de la vue, nous sommes redescendus de notre perchoir pour aller manger dans un endroit un peu plus austère. Nous en sommes quand même ressortis deux plus tard par force d’une discussion avec le cuisinier s’étant plutôt étirée.
Pour le lendemain, aucun autre plan que de nous installer sur la terrasse pour y travailler. Audrey avait accumulé bien du retard sur ses missives et moi sur d’autres projets, dont celui d’organiser un tour du Rajasthan en moto. Nous comptions en louer à Udaipur et avions visité quelques agences, mais un peu de recherches sur le web nous avait convaincu de plutôt le faire en ligne avec une compagnie et de ramasser nos machines à Jaipur, capitale de l’état. Or, pas moyen de faire fonctionner la carte de crédit sur leur système. Après plusieurs appels au service à la clientèle, je finis par abdiquer. En discutant avec les deux propriétaires de l’endroit avant de partir souper, ils m’apprennent qu’ils connaissent bien le propriétaire de la succursale de cette même compagnie à Udaipur, auquel ils demanderont d’appeler celui de Jaipur. 10 minutes plus tard et quelques appels, nos motos étaient réservées. Ce poids de moins sur les épaules, Audrey et moi sommes sortis dîner puis passer un petit moment à nous balader dans les ruelles piétonnes de la ville pour terminer la soirée en sirotant une bière au bord du lac.
Au lever, un peu la même histoire que la veille. Audrey à passé la journée à l’ordinateur et moi aussi en bonne partie. En fin d’après-midi par contre, je me suis éclipsé pour aller admirer le coucher de soleil au sommet d’une colline surplombant la ville. Au sommet se trouvait un temple hindou ainsi qu’une ancienne forteresse en décrépitude. Dans la continuité de cette dernière partait un mur d’enceinte par lequel il paraissait possible de monter et descendre, mais depuis la base je n’étais pas parvenu à en trouver le point de départ. Du sommet, la tâche à été beaucoup simple et après quelques dizaines de mètres dans la broussaille et un peu d’escalade je me suis retrouvé seul à marcher sur les fortifications. Moment qui n’a pas manqué de me rappeler la journée que j’avais passé à explorer la muraille de Chine seul grâce à un petit tour de passe passe similaire. Lorsque j’ai rejoint Audrey, elle était en pleine discussion avec une autre Québécoise. Plus tard, rejoint par un autre congénère de la même province et d’une hollandaise, nous sommes sortis souper puis sommes retournés à la terrasse pour fêter un peu en jouant à Jenga en compagnie de l’un des propriétaires. Il régnait dans cet auberge la bonne ambiance qui fait que l’on affectionne tant ces endroits.
Vu que nous n’allions pas revenir à Udaipur, nous avons décidé de prolonger notre séjour d’une nuit. Après tout ce temps passé sur la terrasse de toit, il fallait bien que nous visitions un peu l’endroit. La visite du palais, décidément beaucoup plus beau de l’extérieur a légèrement déçu, mais par la suite, j’ai pu ramener Audrey au sommet de la même colline explorée la veille pour un coup d’œil à 360 degrés sur la ville et ses alentours. Naturellement, nous sommes aussi redescendus en passant par les remparts en ruine. Audrey ne partageant pas la même propension que moi à entrer par effraction sur des lieux, je l’avais amplement préparée à l’excursion. En soirée, répétition du plan de la veille; peut-être avec davantage de raison, car il nous fallait partir en matinée pour Jaipur.
Audrey et moi sommes d’avis qu’Udaipur se mérite jusqu’à maintenant la place de coup de coeur indien. Splendide dans tous ses aspects, il nous a fait le plus grand bien de s’y arrêter pour quelques jours. Mis à part l’appel à la prière qui ne manque jamais de nous tirer momentanément du sommeil vers 5h30, il y règne une quiétude assez rarement retrouvée ici en Inde. Elle a beau être très touristique, les prix n’en sont pas pour autant gonflés et l’atmosphère y reste de qualité et authentique. Ses habitants y sont aussi bien plus agréables à côtoyer qu’ailleurs et l’on nous harcèle pas à chaque minute pour nous extorquer des roupies (et ce n’est pas parce que les opportunités de dépenser y sont moindres) . Est-ce c’est une particularité culturelle du Rajasthan? À mon avis non. C’est davantage attribuable au fait qu’après tant d’années sur les circuits de tourisme, les gens d’Udaipur ont compris que la meilleure publicité, c’est l’amabilité.
Il n’y a rien à faire à Ahmedabad, pourquoi y allez-vous? Cette question, on nous l’a posé maintes fois à Mumbai alors que les gens nous demandaient quelle était notre prochaine destination. C’était probablement vrai. La ville avait beau être la capitale de l’état du Gujarat et héberger 5 millions d’habitants (somme toute une petite bourgade en comparaison avec Mumbai), le guide n’en disait pas grand-chose et recommandait seulement quelques mosquées plutôt banales et des musées sans grand intérêt (le musée du textile, bof…) La plupart des voyageurs ne font qu’y passer en route vers le Rajasthan, l’un des états phares de l’Inde au niveau du tourisme. La nuit à bord de l’autobus ne s’est finalement pas si mal passée, mais il a tout de même fallu que nous la compensions avec quelques heures de sommeil supplémentaires une fois rendus à l’hôtel.
Sortis de notre torpeur, nous nous sommes premièrement engagés dans le dédale de ruelles du vieux Ahmedabad. Décidément, les riverains n’étaient pas habitués à voir des touristes, pour notre plus grand émoi car encore jamais à ce jour nous a-t-on autant salué et souri. Les vaches urbaines étaient aussi au rendez-vous. Presque totalement absentes de Mumbai, elles pâtissaient en grand nombre ici parmi les ordures.
Alors que nous prenions un café dans la rue, un groupe d’enfants s’est décidé à se lier d’amitié avec nous et à nous faire la conversation dans un anglais rudimentaire. Très gênée, la plus jeune d’entre eux nous offre de les suivre jusqu’à leur domicile. Nous avons accepté de les suivre et avons été accueillis par la famille entière pour de la petite causette, du chocolat et un Coca-Cola. Alors que nous quittions pour poursuivre notre journée, on nous a retenu pour … danser. Très touchant non? Pour le reste de la journée, les bonjours et les sourires ont continué pour ne s’amoindrir en fréquence que lorsque nous avons traversé la rivière pour aller explorer le nouvel Ahmedabad, secteur beaucoup moins charmant.
Le guide ne mentait pas, il n’y avait effectivement pas grand-chose à faire à Ahmedabad. La population y est cependant excessivement accueillante et Audrey et moi nous sommes faits la remarque à plusieurs reprises comme quoi nous avions bien fait de nous arrêter ici le temps d’une nuit. La ville nous a paru être bien plus proche de l’idée que nous nous faisions de l’Inde que tout autre lieu visité auparavant. Polluée, laide et sale, elle compensait ces défauts par son authenticité, son charme et l’accueil de ses habitants.
Après notre mésaventure au départ du Sri Lanka, nous n’étions pas fâchés d’arriver à Mumbai (Bombay), même si c’était avec un jour de retard. Tout de même, d’autres défis nous attendaient car en sortant de l’aéroport, il nous a fallu naviguer les transports en commun pour nous rendre au centre-ville et malheureusement Google Maps nous a grandement nuit plutôt que de nous aider, car les arrêts et horaires de bus ne correspondaient aucunement aux indications fournies par l’application. Débarqués à l’hôtel, nous nous sommes couchés sans demander notre reste. Heureusement que nous n’avions réservé qu’une nuit à cet endroit. Les hôtels bon marchés sont toujours plutôt glauques ici en Inde, nous le savions, mais celui-là était d’une classe à part. En réservant l’endroit le moins cher du centre-ville, il fallait s’y attendre… quand même, nous nous sommes résolus à changer d’endroit et payer les prix de Mumbai, c’est à dire autant que dans certaines villes d’Europe. L’autre établissement, un hostel qui avait l’air bien sur internet, était en rénovation et seulement les chambres était terminées. Pour nous qui voulions profiter d’une bonne ambiance et d’une aire commune pour nous poser, c’était l’échec.
L’Inde a quand même ceci de fâchant (et j’écris ces lignes coincé dans un autobus qu’on nous a vendu comme étant express … et qui ne l’est pas) que tout y est négligé, non-professionnel et qu’on essaie de nous avoir à tout bout de champ en gonflant les prix ou en nous mentant. Du coup, on est constamment sur nos gardes et par conséquent plutôt bêtes avec les Indiens, ce qui ne manque pas d’offusquer certains d’entre eux. C’est regrettable, mais ce sont les règles du jeu ici et je ne serais pas surpris que même les locaux tentent constamment de s’entuber les uns les autres. Seulement, il est beaucoup plus facile de se parer de ces situations lorsque l’on parle la langue et qu’on a la peau foncée. Nous, il nous faut toujours nous engueuler avec les gens spécialement les chauffeurs de tuk-tuks, qui a chaque coup ne manquent jamais de nous charger plus que le prix convenu. Il faut se le rappeler par contre, le quotidien de l’Indien moyen est une lutte incessante pour la survie. Les Indiens ont beau ne pas être productifs, ils sont dans les faits toujours en train de travailler à gagner quelques roupies.
Quand même, nous avons pu passer un agréable après-midi à nous promener dans le Mumbai sud afin d’admirer son architecture et ses monuments. Contrairement aux autres villes indiennes visitées jusqu’à présent, Mumbai est propre et relativement bien entretenue. On a même pu aller faire notre tour dans le port de pêche, très photogénique mais ô-combien malodorant. Au retour à l’hostel, j’ai passé un peu de temps à l’ordinateur puis nous sommes sortis avec un Indien et une autre Canadienne prendre une bière. Supposément, l’établissement nous offrait une pinte gratuite sous présentation d’un coupon. Lorsque est venu le temps de payer, évidemment, ils n’ont pas honoré leur promotion (qu’est-ce que je vous disais…) Sur le retour, nous sommes passés au liquor store pour continuer les festivités devant l’hostel. Peu après, une bande d’adolescents en vélo se sont mis à feindre de vouloir entrer en collision avec nous pour nous éviter à la dernière seconde, le tout en nous lançant ce qui était probablement des insultes. Le cirque s’est arrêté lorsque j’en ai foutu un à terre et l’ai engueulé dans un français très soigné.
Le lendemain, encore un changement d’auberge, cette fois-ci pour nous rendre beaucoup plus au nord de la ville. L’endroit était toujours décevant, mais au moins il y avait une aire commune où se poser. Après une séance de travail, nous sommes partis en balade vers un temple Hare Krishna, une secte hindouiste connue pour ses rites très animés. La visite n’a pas déçue; nous avons pu assister à la cérémonie de 19h00, toute en chants et en danses ferventes. Par la suite, nous nous sommes dirigés vers la plage, non pas pour nous s’y tremper (peu recommandable aux abords de n’importe quelle ville d’Inde, encore moins Mumbai) mais pour profiter des nombreux stands de bouffe. Audrey et moi adorons la cuisine de rue en général et encore plus celle indienne: diverse, omniprésente et si peu cher. Avec un moyenne de trois arrêts à chaque sortie en exploration urbaine, on en vient à se totaliser des repas entiers, souvent pour moins d’un dollar chaque. Normalement, il est véhément recommandé aux touristes de se tenir loin de ce genre d’expériences culinaires, car la salubrité y est aux standards indiens. Pour notre part, je crois que nous nous y sommes habitués.
Mumbai est immense. D’un bout à l’autre, c’est à dire de l’extrémité sud de la péninsule jusqu’aux banlieues nord, la ville doit bien faire un 50 kilomètres de long. Grands amateurs de marches urbaines, nous nous étions donnés comme défi pour pousser l’activité dans ses retranchements plus extrêmes de marcher depuis le sud jusqu’à notre auberge : un bon 30 kilomètres. En sautant d’un monument à l’autre ou en se limitant à certains quartiers, on ne visite pas une ville, on en voit que la façade touristique. En la traversant à pied, on en prend vraiment le pouls. Nous nous sommes donc rendus à notre point de départ en train, une expérience en soi. Le wagon était plein à craquer et il nous a fallu pousser fort pour y monter. Une station avant la nôtre, tout son contenu s’est vidé en l’espace d’une minute et c’est en nous accrochant à la structure que nous ne nous sommes pas faits emporter la marée humaine.
Au fil des kilomètres, nous sommes passés au travers de maints quartiers, certains plus populaires et d’autres plus huppés. En visitant un marché au fleurs, on nous a invité à prendre le thé et des selfies (les Indiens sont très [parfois trop] chaleureux et curieux). On a même traversé le bidonville de Derhavi, un endroit plutôt chouette (et propre) fourmillant d’activité et de sourires. Les zones les moins intéressantes sont décidément celles où sont situées le plus de hautes tours. Toutes emmurées et protégées par du personnel de sécurité, on ne trouve entre-elles que des petits commerces, des abris de fortune et de la pauvreté. On aurait pensé que c’était dans le bidonville qu’allait se concentrer la misère, mais ce n’est pas le cas. Les habitants du bidonville ont tous un toit et un travail. Pour les plus miséreux, il est plus logique d’aller s’installer là où il y a de la richesse.
Partis à 12h30, ce n’est que vers 20h00 que nous sommes revenus à notre gîte. La moyenne au kilomètre est basse, mais par endroit, marcher dans la ville relève de la course à obstacle voir du labyrinthe, spécialement lorsqu’on nous bloque le chemin par un échangeur autoroutier. Nous voyants un peu perdus, des Indiens arrivent à notre secours. Or, impossible de leur faire comprendre que nous ne voulons pas prendre de tuk-tuk et que nous désirons marcher. En même-temps, il est entièrement compréhensible que l’expérience de la marche en ville n’ait rien d’attrayant pour eux.
Après une telle journée, nous n’avons pas trop bougé le jour suivant et avons passé nos derniers moments à Mumbai dans l’air commune de l’auberge. Depuis quelques semaines, mon ordinateur s’était mis à surchauffer et planter de manière intempestive; je soupçonnais un système de refroidissement bouché par la poussière. Avec le jeu de tournevis que j’avais acheté la veille, je me suis mis à la besogne et une heure plus tard, ma théorie avait été vérifiée et le problème réglé. Pour le reste de la journée, je me suis affairé à organiser un éventuel voyage au Turkménistan. Audrey a quant à elle envoyé une plainte au service à la clientèle de Sri Lankan, dans l’espoir qu’ils nous remboursent les frais de changements de vol.
Il a fallu un bon deux heures de trafic pour quitter la ville en bus de nuit. Autour de nous, du béton à perte de vue et panneau publicitaire après panneau publicitaire vantant la proximité d’un nouveau développement avec l’autoroute. L’autoroute même sur laquelle nous nous trouvions, complètement bouchée encore à 21h00; preuve irréfutable de la non durabilité de la dichotomie banlieue/centre-ville. Même si au niveau urbanisation, Mumbai est essentiellement une catastrophe, elle reste tout de même un centre économique et culturel majeur de notre monde et l’une sinon la (tout dépend comment un compte) ville la plus peuplée d’Inde. Ces raisons à elles-seules valaient la peine que l’on fasse l’effort d’un passer quelques jours et pour être francs, nous nous y sommes quand même plus.