Aralsk, petite ville de 30000 habitants, jadis un important centre de pêcheries et de commerce sur la mer éponyme, mais aujourd’hui trop loin de son rivage pour pouvoir se prétendre portuaire. Vu que notre voiture est maintenant officiellement en panne mécanique, nous y voilà coincé pour un laps de temps indéterminé. Heureusement, les mécaniciens Kazakhes semblaient avoir les choses bien en main alors espérons-le, ils allaient trouver un moyen de nous remettre sur nos quatre roues.
Après avoir passé une nuit à l’hôtel donc, je me lève et tout de suite après le dîner, je me rend à la voiture pour voir l’avancement des travaux. Personne en vue, mais tout le système de courroie d’entraînement a été démonté, c’est donc du progrès. Je ramasse quelques affaires, notamment des vêtements propres pour moi et Audrey en vue d’une autre nuit à Aral et reprend le chemin de l’hôte. Vers la fin de l’après-midi, on vient cogner à la porte de l’hôtel, j’ouvre et c’est l’un des mécanos. Apparemment, il n’ont pu dénicher un tensionneur de courroie de remplacement dans la ville et ses environs. Bon, c’est compréhensible vu la spécificité du truc et la petitesse de l’endroit. À l’aide de Google Translate, je communique tant bien que mal avec le type. Selon lui, il y en aurait un à Aktobe (650km) et deux à Taraz (1075km), il faudra donc le commander et il viendra par train (de ce que j’ai compris), logique. Je l’instruit donc de faire ce qu’il faut pour réparer la voiture et il repart. Nous allions donc passer au moins une journée de plus à Aral. Histoire de meubler notre temps avec des activités touristiques pertinentes, nous sommes tous les trois allés visiter le vieux port d’Aral, aujourd’hui un champ de bâtiments désaffectés et de grues rouillées. Devant ce qui devait être les quais, des fonds de coques rouillent dans une large mare d’eau stagnante et huileuse. Avec le coucher du soleil en arrière-plan, l’endroit s’est prêté à de magnifiques photos. En soirée, profitant de notre dernier moment en compagnie d’Aurélien, on a récidivé avec les bières de parc et la discussion jusqu’à très tard.
Le lendemain, on retourne à la voiture: rien n’a changé sur l’état du véhicule. Je retourne voir les mécanos, ils ne sont pas trouvables. On passe la soirée à regarder des épisodes Game of Thrones. Le surlendemain, de nouveau nous nous rendons auprès de la Golf. On tombe sur un mécano et celui-ci semble nous demander où se trouve la nouvelle pièce (???) et nous dit qu’il n’y en avait pas à Aktobe. Était-ce à nous d’aller la chercher? On se comprend tellement mal avec Google Translate, c’était entièrement possible. En ce qui me concerne, je commence réellement à frustrer. J’avais remarqué une voiture plaquée Angleterre au garage, il y avait donc d’autres touristes ici. Ensuite arrive une camionnette elle aussi du même pays. Je discute avec les propriétaires des véhicules et passe un bon moment à communiquer ma peine à gens en mesure de me comprendre.
Bien qu’ils étaient aussi là pour des soucis mécaniques, ils étaient loin d’être du même ordre que le nôtre. De manière à gagner du temps, Audrey était partie aller voir les horaires de train et de bus au cas-où nous allions devoir aller chercher la foutue pièce nous-mêmes. De toute évidence par contre, nous n’allions pas partir ce soir, alors j’ai convenu avec les autres touristes de nous rencontrer dans un restaurant afin de faire passer notre mal d’Aral. Frappé de plein fouet par la barrière de la langue, je m’étais finalement résolu à contacter Aurélien et lui demander si l’un de ses contacts kazakhes n’était pas prêt à nous sortir du pétrin. Celui-ci m’a aussitôt envoyé le numéro de Saltanat. De nouveau seul au garage et voyant que rien ne se passait, je l’ai appelé et lui ai poliment expliqué la situation. À bien y repenser, c’est ce que j’aurais dû faire dès le premier jour. Aussitôt après que mon sauveur kazakhe eu parlé au mécanos, les choses se sont débloquées à vitesse grand V. Ils allaient faire des appels le lendemain pour commander la pièce de Taraz puis communiquer avec Saltanat pour qu’elle nous relaye l’information. Enfin! Ce qui me sidérait toujours par contre, c’est de ne pas comprendre ce que les mécanos foutaient ces derniers jours après ne pas avoir trouvé la pièce à Aralsk. Est-ce que l’échange d’information leur avait laissé entendre que j’allais me débrouiller moi-même? Ou est-ce qu’ils étaient tous idiots? Tout ça m’agaçait vraiment. Attendre après une pièce, OK. Attendre après de l’incompétence (de ma part peut-être…), ça m’enrage. L’heure du repas venu, Audrey et moi avons retrouvé nos copains d’un soir: un couple en road-trip jusqu’en Asie du sud-est et deux amis (prenant une pause d’études de médecine) en route vers la Mongolie. Le bon repas qui a suivit et les plusieurs pintes subséquentes ont eu tôt fait de nous faire oublier la situation.
Au restaurant pour le dîner, Saltanat nous rappelle. La pièce a finalement été tracée à Taraz pour 10000 Tengues. Elle me demande si on la commande, je répond tout de suite par l’affirmative. Selon elle et les mécanos, il faudra une journée pour qu’elle se rende, il est donc probable que nous récupérions la voiture demain soir. Dans tous les cas, les mécanos devraient la contacter et elle nous relayera l’information. Excellent! J’ai aussitôt senti la tension retomber. Audrey et moi sommes retournés à l’hôtel pour travailler un peu puis sommes partis nous promener dans la ville d’Aral pour la dernière-fois espérons-le, car nous commencions réellement à devenir des familiers du coin. Premièrement, nous sommes allés visiter le cimetière de la ville, apparemment en désaffection, car la majorité de sépultures avaient été excavées. De cette longue marche, nous sommes revenus en passant par les rues sableuses des petits quartiers de la ville d’Aral. Au moins, les locaux sont gentils et ouverts. Les enfants, qui apprennent maintenant l’Anglais plutôt que le Russe à l’école ne manquent jamais ne nous lâcher des “Hello” et “What is your name”, les adultes nous klaxonnent, nous envoient des signes de la main ou prennent la peine de venir nous la serrer en nous demande d’où nous venons.
Naturellement, il nous a fallu attendre un journée de plus, car le lendemain, elle n’était toujours pas arrivée et encore moins installée. Cependant, le mécanicien avait reçu la confirmation qu’elle était bien à bord du train et qu’elle allait arriver dans la nuit. Encore fallu-t-il que ce soit effectivement la bonne pièce, mais là-dessus, nous avions confiance en notre mécano kazakhe.Tant pis, j’ai au moins pu travailler toute la journée et la soirée. Cette nuit devait être notre 6e et espérons-le la dernière.
Leçon de l’histoire lorsqu’on subit une panne dans des pays moins développés:
- s’armer de patience
- ne pas sous estimer la barrière de la langue
- se munir d’un interprète dès le début