J’avais des documents à renvoyer au Canada, donc debout de bonne heure, nous sommes arrêtés à un bureau de poste Russe recommandé par le personnel de l’hôtel. Après avoir parlé à trois préposés différents, j’ai finalement été dirigé au bon comptoir. De là, il a fallu une bonne demi-heure supplémentaire pour que le colis soit correctement timbré (430 roubles à coup de 25, ça en fait du timbre) et adressé. À savoir s’il se rendra à bon port, c’est une autre question…
Une fois la voiture rejointe, nous avons réglé le GPS sur une ville à la sortie de Moscou pour s’aiguiller dans la bonne direction avant de tomber en mode carte papier. Une chance que nous sortions de la ville, car le trafic pour y rentrer était infernal. Originalement, nous avions choisi comme troisième destination Volgograd, mais nos analyses cartographiques des jours précédents nous ont fait modifier nos plans pour éviter la portion ouest du Kazakhstan, car les routes semblaient y être de piètre qualité; Google maps nous donnait un 12 heures supplémentaires si nous tenions à passer par là. Au lieu de Volgograd, nous avons donc choisi Kazan, capitale du Tatarstan, une république autonome de la Russie. Vu que je tenais tout de même à visiter l’ouest du Kazakhstan et camper dans la région, nous avons tout de même coupé la poire en deux en décidant de piquer au sud à partir de Kazan.
Notre situation est un peu compliquée par notre visa russe qui se termine le 1er septembre, la complexité frontalière de la région et une vielle voiture plus ou moins fiable. Nous ne pouvons pas sortir de la Russie le jour où notre visa se termine, car un pépin mécanique, une frontière fermée ou des problèmes de douanes signifierait de solides emmerdes avec la police Russe. En cas de gros problèmes administratifs lors du passage, il nous faut pouvoir aller à Moscou ou au pis aller retourner en Europe occidental avant que notre visa arrive à échéance, mais pour cela, il nous faut être à une distance raisonnable que nous pourrions couvrir en voiture avec le temps qu’il nous reste. Bref, c’est un peu un casse tête, mais c’était aussi la raison de rentrer au Kazakhstan le plus rapidement possible plutôt que de prendre le chemin le plus rapide, car une fois là, plus de soucis de visa. De toute manière, nous sommes en road-trip pour voir du pays.
La route jusqu’à Kazan s’est avéré être sans grand intérêt. Il n’y avait pas grand-chose à voir autre que des arbres et des paysages rappelant le Québec. Occasionnellement, un village aux maisons très austères. Au moins, la chaussée, quoi que double, était de relativement bonne qualité. Une chance, car nous la partagions avec une bonne proportion de camion.
Vers les 20h, l’appel du repas se faisait sentir alors Audrey et moi sommes arrêtés dans un restaurant/café au personnel très sympathique, il y avait même une map monde avec des punaises aux endroits d’où provenaient les visiteurs. Évidemment, personne de Montréal, alors il nous a fait plaisir de l’indiquer sur la carte. Nous avons choisi deux soupes et deux patisseries histoire de manger rapidement. Pour celle sélectionnée par Audrey, elle s’est fait présenter deux options, kéfir ou kvac. Connaissant déjà le kéfir (un yogourt liquide), elle s’est sentie aventureuse et a indiqué comme préférence le kvac. La pauvre, sa commande s’est avérée être une soupe froide, avec des cubes de jambon et de concombre, de l’aneth et comme bouillon, une boisson fermentée s’apparentant à du pepsi. C’était réellement infecte et à ses dires l’une des pires choses qui lui ait été donné de manger. De manière à ne pas offusquer le personnel, je l’ai aidé à la finir. N’étant pas difficile de nature, je suis capable de manger pas mal n’importe quoi (comme de la méduse), mais à la fin du bol, une cuillerée de plus et c’était la nausée.
À Kazan, nous avons été accueillis par une vue resplendissante de son Kremlin tout illuminé. Par chance, l’hostel que nous avions choisi avait deux lits pour nous en dépit de notre heure d’arrivée tardive (23h) et du fait de ne pas avoir réservé. Nos affaires déposés, nous sommes ressortis prendre une bière dans un parc non-loin.
1500 roubles, donc 35$ pour un Saint-Pétersbourg-Moscou, c’était peu cher payé, mais nos sièges se situaient contre les toilettes. Donc une heure avant l’arrivée, la procession de passagers pour la miction matinale s’est enclenchée si bien que notre nuit a été un peu écourtée. Tout de même reposés, nous avons engloutis notre petit déjeuner (Audrey une pâtisserie et moi un kebab [c’est permis]), sommes retournés par métro à la voiture pour y délester nos sacs en vue de la visite du jour : le fameux Kremlin.
Nous avions de l’avance, ce dernier n’ouvrait qu’à dix heures, alors nous en avons profiter pour reprendre un café, aller chercher de l’argent (à la bonne banque, car la plupart son bloquées par le Canada) et acheter un atlas routier de la Russie. Une fois sur la place rouge, nous nous sommes rendus compte que le mausolée de Lénine était ouvert, contrairement à ce que notre guide (de 2009) suggérait. Moi content de pouvoir aller rendre hommage au père du communisme soviétique et Audrey indifférente, nous avons tout de même attendu près d’une heure avant que notre tour vienne. Après avoir passé un contrôle de sécurité, nous avons été admis en petits groupes et pressés dans le mausolée où, à la file indienne et en silence, nous sommes passés devant la dépouille de Lénine pendant que des soldats veillaient au bon déroulement de la procession. J’adore visiter les dépouilles de grands leaders. En Corée du Nord, il m’avait été donné de défiler dvant Kim Jong-Il et Kim Il-Sung, son père. Ici par contre, à la différence des chefs Nord-Coréens, qui étaient exposés dans un somptueux palais, le mausolée de Lénine était beaucoup plus austère, mais l’expérience n’en était pas le mois solennelle et intimidante (Je viens tous juste de demander à Audrey ce qu’elle a pensé de la visite, et elle m’a répondu : « Je mets ça dans la catégorie expérience bizarres de ma vie. »)
Sortis du mausolée, nous nous sommes dirigés vers le Kremlin, dont la file à l’entrée était finalement très gérable. Le Kremlin est en fait une forteresse, à la fois le siège du gouvernement Russe, de son assemblée et de l’Église Orthodoxe. Il recèle donc de nombreux bâtiments à fonctions publique au look plus austère, mais aussi des palais et des cathédrales. Notre billet nous donnait principalement accès à ces dernières. Beaucoup plus vielles que leurs congénères de l’extérieur, elles étaient donc moins impressionnantes. Normal, elles ont pu survivre aux purges du communisme, qui ne s’est pas gêné pour démolir tout ce qui avait à voir avec la religion ailleurs sur le territoire. Conséquemment, les églises russes ont tendance à être de manufacture récente et donc construites avec des moyens modernes. Autres objets d’intérêt, le canon du Tsar, le plus gros calibre au monde, mais tellement gros et volumineux qu’il n’a jamais tiré. Tout aussi gargantuesque, la plus grosse cloche du monde, qui n’a elle aussi jamais sonnée, car durant son refroidissement après sa fonte, un contact prématuré avec de l’eau l’a fait fendre. Tout ça est visible sur l’image ci-bas :)
Après avoir parcouru l’intérieur du Kremlin, nous sommes retournés à la voiture consommer un lunch d’épicerie et ramasser le nécessaire pour la nuit. L’auberge ou nous étions n’avait plus de lits, alors nous avions étés référés à un autre endroit non-loin dans la ville. Le plan de la soirée était d’aller rejoindre Ferenc, cet ange-gardien hongrois qui nous avait solidement sorti de l’embarras à la frontière Russe. Auparavant par contre, une sieste et un peu de travail s’imposait. Vers 20h00 donc, nous avons rencontré notre ami et sa copine russe pour un souper à la gastronomie azérie. Ferenc est un type dont les histoires ne cessent d’étonner. Il parle 6 langues, travaille dans la spéculation immobilière en Hongrie et en Russie, importe des voitures allemandes en Slovakie et de la machinerie agricole en Ukraine. Sa mère est Russe et son père un diplomate Hongrois, il a étudié les relations internationales à Moscou en 1991 car son père y était en poste. 1991, c’était tout juste après la chute du bloc. La soirée a donc été hautement divertissante, mais aussi mutuellement enrichissante, car tant lui que sa copine n’étaient pas familiers avec le type de personnages qui eux aussi font de l’export de véhicule allemand, mais cette fois de la France jusqu’au Kyrgyzstan (en l’occurrence, nous).
À notre sortie du restaurant, l’averse avait débutée. À la sortie du métro, la pluie était torrentielle et l’entrée de la station était littéralement inondée, tout comme les rues. Courant vers l’auberge, mais désireux de prolonger la soirée un peu, nous sommes tombés par chance sur un bar de bières de microbrasserie (tout comme chez nous, le concept est populaire en Russie) ou nous avons conversé avec un autre Canadien qui venait de débarquer à Moscou en provenance d’Ukraine et de Géorgie. Il travaillait à Houston au Texas, alors imaginez la réaction de ses collègues de travail quand il leur a parlé de ses prochaines vacances. Qui plus est, il était d’origine africaine. Dans un pays qui s’est construit une bonne réputation de xénophobie, Audrey et moi n’avions que de l’admiration pour lui. Nous aurions volontiers prolongé la soirée, mais les bars ferment tôt (12h00) sur semaine à Moscou et nous devions partir de bonne heure le lendemain.
Arrivés vers 9h30 et relativement frais après une nuit de train, nous avons déjeuné aux pâtisseries russes (les slaves en général sont d’aptes pâtissiers) puis sauté dans le métro pour attaquer l’Hermitage, ce fameux musée de Saint-Pétersbourg qui n’a de supérieur en taille et en variété que le Louvre à Paris. Nous avaient damés le pion de nombreux tours organisés de diverses nationalités, mais au moins nous sommes entrés sans trop d’attente. Dans certaines salles, nous étions virtuellement seuls, mais dans certaines autres, c’était la cohue et il fallait presque jouer du coude parmi d’énormes groupes de Chinois, tous cellulaires et caméras à la main, qui croyaient bon de prendre en photo chaque pièce et œuvre du musée. Imaginez leurs pauvres amis qui se verront infliger lors d’un souper une visite vidéo complète de l’Hermitage filmée par de total amateurs…
L’Hermitage étant situé dans le palais de l’impératrice Catherine II, les salles et leur mobilier valent quasiment plus le coup d’oeil que les œuvres qu’elles contiennent. Soyons honnêtes, les vases grecs finissent pas tous se ressembler, idem pour les statues romaines ou l’art religieux du moyen-âge. Audrey et moi avons donc opté pour une revue rapide de l’art de chaque collection afin d’avoir le temps de parcourir l’entièreté du palais. Chose qui nous a pris un bon six heures sans pauses.
Enfin sortis du musée, nous avons marché dans les rues grandioses de Saint-Pétersbourg pour nous rendre à notre gîte des trois prochains jours. La ville est absolument splendide, un croisement entre Venise et Budapest pour reprendre les mots d’Audrey. Toute faite de canaux et d’anciens palais, elle est un pur plaisir pour les yeux. Toutefois, cette grandeur est une lame à double tranchant : la taille de ses artères la rend un peu pénible à parcourir à pied contrairement à Moscou, qui elle est beaucoup plus dense. Cette soirée là, nous avons dîné au bœuf Stroganoff (il le fallait…) dans un restaurant bon mais beau coup trop cher pour nos moyens. Fatigués, nous sommes passés chercher de quoi boire un verre à l’hôtel dans un magasin d’alcool combiné à un bar 24h. À la caisse, un fois nos boissons payés, la préposée s’est soudainement mise à les ouvrir. Étonnés, nous avons gesticulé pour lui faire comprendre que nous ne voulions pas les consommer sur place. Entendant de loin la scène, une jeune Russe s’est interposée pour nous expliquer en anglais qu’il est interdit de vendre de l’alcool passé 22 heures, mais que vu que le magasin s’affichait comme bar, nous pouvions sortir avec des contenants ouverts. Alcool en main donc, nous sommes rentrés profiter notre de hôtel quatre étoiles (payé 40$ la nuit pour une chambre avec salle de bain commune, tout de même pas si mal).
Manifestement, nos corps avaient besoin de repos, car nous n’avons ouvert l’oeil que passé onze heures. L’après-midi durant, j’ai travaillé sur mon article de Moscou et réglé d’autres bricoles pour finalement n’émerger que vers cinq heures. Saint-Pétersbourg regorge de musées de toutes sortes, mais il était définitivement trop tard pour espérer en visiter un. Nous nous sommes donc contentés de marcher la rive sud de la ville, passant par la synagogue, longeant des canaux, admirant les splendides cathédrales orthodoxe et terminant par le jardin d’été. La nuit tombée, nous avons dîné dans une cantine où il se sert de la bouffe russe à bon prix puis j’ai profité de l’internet pour un bon deux heures supplémentaires (c’est long écrire un blogue). Le retour à l’hôtel s’est fait à la marche le long du fleuve Neva, bière à la main, arrêtant à tout bout de champ tellement les opportunités photos abondaient.
Le lendemain, nos avons été un peu plus performant en ce qui concernait l’heure de sortie, mais la pluie a eu tôt fait de nous ramener à l’hôtel; Saint-Pétersbourg est une ville au climat très variable. Encore une après-midi à l’ordinateur donc et un début de visite tardif. Même rengaine que la veille, sauf que là nos errances nous ont transporté au nord de la Neva, où l’atmosphère ressemble plus à une ville européenne standard, moins de palais et avenues moins grandioses. Le retour à l’hôtel s’est encore fait bière à la main le long des canaux. Ah oui, il y avait une bouteille de vin russe aussi, mais elle s’est avérée être bien trop sucrée pour être buvable…
Dernière journée à Saint-Pétersbourg. Comme à l’allée, nous prenions le train de nuit. Vu que la température n’était toujours pas vraiment de notre côté, nous avons tenté d’aller visiter le musée de l’artillerie pour se rendre compte qu’il était fermé une fois devant la porte. Plan B donc, soit un temple bouddhiste au nord du centre-ville. Finalement, nous sommes retournés dans le restaurant de la veille pour manger à bon prix et profiter de l’internet. Ce soir-là, notre train partait à 22h40 pour une arrivée à Moscou vers 7h, ce qui allait nous donner amplement le temps de battre la foule du Kremlin.
Nous sommes arrivés un peu justes à la gare, mais avons disposés de suffisamment de temps pour aller nous procurer deux bols de soupe instantanée selon une volonté d’Audrey qui, excitée par la disponibilité d’eau chaude dans les trains russes, désirait profiter sur service sur le train du retour. Sous les bon soins du maître de wagon, qui s’est avéré très serviable et patient avec nous, la soupe a été mangée, nous avons fait du tri de photos puis nous sommes assoupis.
Après une bonne nuit de sommeil (nous en avions besoin), nous sommes extirpés de l’auberge pour aller acheter du matériel à sandwich et la manger dans un parc. À la fois par mesure de redressement pour contrer les sanctions économiques envers la Russie et parce que la coupe du monde de soccer de 2018 se tiendra à Moscou, la ville entière est en réfection. La mairie a importé quantité de travailleurs d’Asie Centrale pour l’occasion et de ce que nous en avons vu, Montréal a peu à envier à la capitale Russe en frais de dérangement. Il nous aura donc fallu un bon 45 minutes de marche avant de trouver un endroit herbeux convenable qui s’est avéré être contre les murs du Kremlin.
Comme il était déjà tard, nous avions ratés pas mal toutes les nombreuses opportunités musées de Moscou et spécialement le Kremlin, pour lequel il faut soit arriver tôt, soit être prêt à faire la file. Finalement, nous nous sommes arrêtés sur une suggestion de parcours pédestre par le guide. Ce dernier devait nous emmener de la cathédrale Jésus-Christ le sauveur (la plus haute du monde orthodoxe) jusqu’à l’université de Moscou en longeant les berges de la rivière Moskva. C’était un excellent plan. Entre départ et arrivée, nous sommes tombés sur plus d’un endroit intéressant, notamment le parc de sculptures Muzeon, qui regorgeait non seulement d’oeuvres originales, mais aussi de vieux bustes de Lénine, Staline, Khrushchev, Brezhnev et autres dirigeants de l’ère communiste qui n’avaient plus leur place dans le Moscou 21e siècle. Excellente manière de réutiliser l’art sans faire table rase de son passé si vous voulez mon avis.
Parlant de communisme, les Russes ne semblent à ma grande surprise aucunement l’intention de couper les ponts avec ce pan de leur histoire. Notre version occidentalisée des faits nous porteraient à croire que la nouvelle Russie se serait purgée des reliquats d’un des pires régimes autocratiques de l’histoire. Or, il n’en est pas ainsi. L’étoile, la serpe et la faux sont encore omniprésents partout dans la ville, le mausolée de Lénine a encore sa place de choix devant le Kremlin et les boutiques de souvenirs abondent en bricoles à l’effigie de l’URSS. La majorité des touristes de la ville sont en fait des Russes d’ailleurs et vu la quantité d’entre eux portant des vêtements au couleurs de l’ancien régime, ils semblent friands de renouer avec ce passé en visitant son épicentre. Que doit-on en penser? À cet époque, les Russes se partageaient avec les États-Unis le statut de grande puissance du monde. La chute du régime les a grandement diminué et dans le climat politique actuel, il ne m’étonne pas que le peuple et le pouvoir en place ait capitalisé sur cette ancienne grandeur pour alimenter un sentiment nationaliste. Du moins, c’est mon avis personnel.
Bref, après ce parc de sculptures, nous avons enchaîné avec le célèbre parc Gorky, moitié jardin moité fête foraine, puis un autre parc, puis un autre, puis un autre … ce n’est pas les espaces verts qui manquent à Moscou. En fin de parcours, nous avons débouchés sur l’université d’état de Moscou et son bâtiment principal. Absolument époustouflant du haut de ses 240 mètres, il est à l’image du régime de l’époque: imposant et démesuré. Il existe sept de ces tours dans le paysage moscovite, toutes commandées par Staline dans les années 50. Elles ont aussi des sosies dans le reste du monde soviétique, je me rappelle d’en avoir croisé une à Varsovie en Pologne. Comme il se faisait tard, nous avons attrapé le premier kebab que nous avons croisé puis sommes rentrés à l’auberge par le métro. Métro qui en soit vaut le détour, car il mérite bien sa réputation d’être le plus beau au monde. Ce n’est pas toutes les stations qui sont aussi décorées, mais certaines, toutes des marbre et remplies de sculptures, valent que l’on s’y arrête juste pour prendre le temps de les observer. Ce faisant, on ne risque même pas de trop se retarder, car le métro passe aux deux minutes.
Nous nous étions couchés plein de bonnes intentions de nous lever tôt et d’aller visiter le mausolée de Lénine et le Kremlin. Il n’en évidemment pas été ainsi, c’est peut-être la faute d’un shooter de vodka gentiment offert par un Allemand la veille au soir. Bref, histoire d’arriver à temps, nous avons couru jusqu’au McDonalds, attrapé deux cafés et quelques burgers et avons mangé le tout en marchant d’un pas rapide vers le mausolée du père de l’Union Soviétique (y voyez vous quelques chose d’ironique?) Arrivé là, la file était déjà beaucoup trop conséquente pour que nous puissions espérer rentrer à temps (et nous l’avons appris plus tard, le Kremlin était en fait fermé). Déçus, nous nous sommes rabattus vers la célèbre basilique de Saint-Basile le bienheureux. Haute en couleurs et en formes, elle est le symbole même de Moscou. Contrairement à ce que l’on pourrait penser par contre, elle n’est pas un bâtiment vide comme l’on s’attendrait d’une basilique, mais une collection d’une dizaine de petites chapelles toutes agglutinées ensemble et reliées par une dédale de couloirs.
Désireux d’occuper notre après-midi de manière productive et ayant laissé le guide à la maison, je suis tout de même parvenu à trouver le nom d’une destination que j’avais identifié la veille, le parc d’exposition russe, ou VDNKh. Équivalent d’exposition universelle pour le monde soviétique, elle est une collection de pavillons construits à l’image des républiques de l’ancienne URSS. Les plus majestueux sont incontestablement ceux appartenant à la Russie. Bien malheureusement, ces derniers n’ont pas échappé à la vague de travaux publiques et étaient couverts d’échafaudages. Au moins, les jardins et tout ce qui se trouvait entre (Mig-29, fusée Vostok, navette Buran [l’équivalent soviétique de la navette spatiale américaine] et autres…) étaient encore visitable. Quand même impressionnant, d’autant plus qu’en arrière plan, l’on apercevait la tour Ostankino, structure la plus haute au monde entre 1967 et 1975 pour n’être surpassée que par notre propre tour du CN. Nous aurions voulu visiter le palais Ostankino non-loin de là, célèbre pour ses intérieurs somptueux, mais une fois devant il était fermé pour … rénovations. Bref, avec encore quelques heures de visite devant nous, nous avons pris le funiculaire et le métro pour nous rendre dans le quartier des affaires de Moscou, un conglomérat de gratte-ciels en périphérie de ville mais bien visible de partout (un peu comme la défense à Paris). Rien de trop intéressant, ce n’était que des tours et un immense centre d’achat, mais au moins on a pu faire quelques emplettes. De retour à l’auberge, nous avons sécurisé notre séjour à Saint-Petersbourg et passé le reste de la soirée sur l’ordinateur/téléphone.
Notre tain quittait à minuit 40 et n’arriver à destination que le lendemain vers 9h00. Les trains de nuit sont pratiques en ce sens qu’ils permettent d’économiser une nuit à l’hôtel et une journée de voyage. Nous avions donc un jour entier libre devant nous. Dès le début, j’avais exprimé à Audrey la fermer volonté d’aller voir le musée des Forces Armées Russes, chose qui de toute évidence allait bien moins la passionner que moi. Hélas, pour quiconque s’intéresse un tant soit peu à l’histoire militaire du monde, c’était un incontournable. Dommage que tout le texte dans le musée n’ait été qu’en Russe, car nous aurions adoré en apprendre plus sur la vision Russe des différents conflits couverts par l’exposition. Au moins, les pièces étaient plus que parlantes et j’ai pu observer de nombreux objets que je n’avais auparavant vu qu’en image, notamment des armes de la deuxième guerre mondiale, des avions (certains encore utilisés aujourd’hui), tanks, etc…
En marchant vers le musée, Audrey avait remarqué la présence d’une imposante mosquée non loin, probablement la mosquée principale de la ville. Nous y avons donc fait un arrêt en retournant vers le métro. Malheureusement pour Audrey, elle n’était pas habillée pour la visite alors j’y suis allé tout seul. Bien dommage, car l’intérieur en valait le coup, mais de toute manière, elle n’aurait probablement pas pu le voir, car la section réservée à la gente féminine n’avait pas de vue sur le grand dôme. Nous allons certainement pouvoir nous reprendre ailleurs en Asie-Centrale. J’espère que là, les femmes pourront visiter l’entièreté du bâtiment comme par exemple c’est le cas dans la grande mosquée d’Istanbul (hors des heures de prière seulement). Avant de revenir à l’auberge, nous sommes passés par une librairie afin d’y trouver une carte routière de l’Asie-Centrale. Sans grand succès, nous n’avons pu dénicher que celle du Kazakhstan et seulement en cyrillique.
Le cyrillique est évidemment omniprésent en Russie (et il l’était en Ukraine) et savoir au moins le déchiffrer est d’une incroyable utilité. Au tout début, il peut paraître complètement opaque, mais pour autant que l’on s’en donne la peine, on parvient rapidement à le lire et souvent comprendre, car bien des mots sont partagés avec le français (Pectopah = restaurant, les P sont des R, les C des S et les H des N). Je crois personnellement être en bonne voie d’atteindre le niveau d’un enfant de première année en lecture. En compréhension par contre, c’est une autre histoire. Disons que les Russes ne nous rendent pas la tâche simple et ont plus tendance à s’impatienter qu’à ralentir et clarifier leurs propos lorsqu’ils nous parlent. Pourtant, j’ai bon espoir de parvenir à un niveau de base, car déjà que presque personne ne parle anglais ici, il y en aura encore moins à mesure que nous avancerons dans l’Asie Centrale.
L’auberge où nous couchions à Moscou a été assez gentille pour nous y laisser garer notre véhicule durant notre séjour à Saint-Petersbourg. Nous y sommes donc repassés pour laisser les clés, transférer quelques vêtements dans nos sacs de jour pour voyager léger et profiter de l’internet avant de nous rendre à la gare pour une nuit de train.
De retour de notre excursion à Tchernobyl vers 20h00, nous avons à peine eu le temps de profiter d’un dernier restaurant qu’il fallait déjà quitter la ville. Dommage, Kiev était super charmante, intéressante et relax; elle aurait facilement mérité deux ou trois jours supplémentaires, mais il fallait continuer le périple. Notre visa russe d’un mois était déjà débuté depuis deux semaines et nous voulions avoir suffisamment de temps à Moscou, Saint-Pétersbourg et une autre ville (probablement l’ancienne Stalingrad, maintenant appelée Volgograd).
J’avais prit la peine d’aller questionner la réception de l’auberge sur le passage de l’Ukraine vers la Russie, mais les employées ne m’avaient été d’aucune aide. Pourtant, Audrey et moi se doutions très bien que l’entreprise n’allait pas être une mince affaire. Non seulement, les frontières à l’est du pays sont fermées en raison de la guerre, donc une partie du trafic était redirigé vers le nord, mais en plus, il y avait somme toute peu de points de passage. Bref, c’est pourquoi nous avons décidé de partir le soir même, arriver à la frontière tard (pour la passer rapidement) et nous trouver un hôtel non loin. Sur papier c’était béton. Nous nous étions levés très tôt pour aller à Tchernobyl, alors il allait falloir combattre la fatigue à grand coup de Red-Bull, mais avec de la motivation, nous en étions physiquement capables.
Après quelques erreurs de direction, nous étions sortis de Kiev et de retour sur les routes Ukrainiennes à deux voies. Elles étaient dans un état acceptable, mais j’anticipais le moment où nous allions tombés sur un énorme trou. Nous n’avions pas roulés énormément de nuit jusqu’à maintenant, mais depuis la prise de possession de la voiture, j’avais remarqué que les phares étaient mal réglés. Les hautes étaient relativement efficaces, mais les feux de croisement n’éclairaient que directement en avant du véhicule et à chaque trou qui passait, c’était toujours trop tard pour que je l’évite. Sur les routes Ukrainiennes, c’est préoccupant. Quelques tentatives rapides d’aligner les faisceaux avaient été tentées, mais sans grand succès. Finalement, j’ai craqué et me suis arrêté avec la ferme intention de ne pas repartir tant que ces stupides phares n’allaient pas correctement illuminer la route. Après une demi-heure de bidouillage, c’était chose réglée.
Tout compte fait, la qualité de la chaussée aura été numéro 1 jusqu’à la frontière que nous avons réussi à atteindre dans les temps prévus et ce même un petit arrêt par les policiers pour léger excès de vitesse. Heureusement l’agent était de bonne humeur nous a laissé filer. Une fois en ligne pour le contrôle côté Ukrainien, nous avons immobilisé le véhicule et nous sommes félicités, content d’avoir atteint notre objectif.
1h30: arrivée à la frontière
2h00: rien n’a bougé
2h30: on a avancé un peu
3h00: ça ne bouge pas vite…
3h30: finalement, le garde prends nos papiers
3h35: un militaire Ukrainien nous demande si on a de l’argent canadien sur nous, car il tient une collection de pièces de monnaies. Pas de chance pour lui, on s’est vidé les poches avant de partir.
3h45: on commence à fouiller notre véhicule, le numéro de série de la voiture est pris en note, le douanier nous demande de vider notre coffre et d’ouvrir nos sacs. Il tombe sur notre caisse de vin (merde, on a acheté une bouteille dans chaque pays visité pour se la déguster uns fois en camping en Asie Centrale) et inspecte son contenu. Prenant une bouteille de vin français, il nous regarde et dit: “Present?” Pas le choix de dire oui. Il met la bouteille dans son manteau, met un terme immédiat à la fouille et nous souhaite bon voyage.
4h00: on se met en file du côté Russe. Je sors inspecter nos bouteilles pour voir laquelle le douanier nous a chipé, j’espère que ce n’est pas notre Gaillac bio. Ouf! C’est un truc à 2,50 Euros. Je crois qu’il a été accroché par la pastille dorée “Lauréat du concours parisien” ou un truc du genre (un prix bidon fait pour mousser les ventes)
4h30: ça ne bouge pas
5h00: le jour se lève, Audrey et moi avons fait une croix sur le sommeil
5h30: ça avance un peu, les Ukrainiens et les Moldaves autour de nous ont l’air de trouver que tout baigne alors ça nous rassure.
6h00: on approche du côté Russe. Tout le monde est hors de son véhicule et ça fume partout pour tuer le temps. Des femmes se promène avec des valises de nourriture et des thermos de café. Dommage, nous avons écoulé notre argent Ukrainien avant de passer la frontière.
6h30: c’est long, voilà 24 heures que nous sommes debout
7h00 le douanier Russe prend nos papiers, nous étampe ça et nous les remet promptement. L’excitation monte en nous! On est presque en Russie. Quel soulagement, Audrey avait une crainte que notre visa ne nous permette pas de rentrer avec un véhicule.
7h05: on passe à la douane et l’on nous remet deux formulaires en Russe. Je vais gentiment voir le douanier, lui disant “niet Russki, English?”, il rentre dans son bureau et me remet une traduction Allemande. Je lui lance un regard interrogatoire et répète “English?”. Avec un ton agressif, il m’envoie promener.
7h30: Audrey et moi avons tenté tant bien que mal de compléter les formulaires avec un dictionnaire Français-Russe de poche et mes deux ans d’Allemand entre l’âge de 10 et 12 ans. Les formulaires nous sont renvoyés sans avoir été regardés, car il fallait que l’on fasse deux copies pour moi et non une pour Audrey et une pour moi.
7h40: On recopie de formulaire. En le remettant au douanier, celui-ci a raturé nos réponses et nous a lâché quelque chose en Russe indiquant probablement que nous étions cons. Il m’a ensuite montré un exemple en Russe placardé sur un mur.
7h45: Finalement, le conducteur d’un véhicule voisin s’approche de nous et nous demande en Anglais si nous avons besoin d’aide. Il se nomme Ferenc, il est Hongrois et se rend à Moscou pour visiter sa copine. Un habitué de cette frontière, il nous confie qu’il est dans le processus depuis 2h00 et que de tels délais sont normaux. Ferenc parle et lit le Russe donc il nous traduit le formulaire et nous aide à le remplir. Finalement, ce n’est qu’une déclaration et douane et une garantie comme quoi nous nous engageons à ne pas importer le véhicule en Russie.
8h00: Changement de personnel, il ne passe plus rien pendant une heure. Ferenc nous entretient sur les nombreuses aberrations de l’administration Russe. Ils nous demande si nous avons été contraints de verser un pot-de-vin aux douaniers Ukrainiens, car il a dû payer 100 hyrvnia (c’était ça la “collection de pièce de monnaies”…) On lui répond que c’est un bouteille que ça nous a coûté. Nous partageons avec Ferenc notre étonnement face au peu de véhicules Russes en ligne pour passer la frontière. Il nous informe que l’Ukraine empêche les hommes de passer de peur que ces derniers aillent vers la Crimée. Ceci explique la présence de deux femmes russes derrière nous.
9h00: Changement de garde complété. On montre nos formulaires tout bien complétés au nouveau douanier, un homme bien en chair au visage puéril. Il nous les renvoie, car on a commis un erreur lors de la copie.
9h15: Je n’en peux plus, je me dirige vers le bâtiment pour aller au toilette et je me fais tout de suite engueuler par un militaire. Il me somme de lui montrer mon passeport. Je tente tant bien que mal de lui expliquer que c’est le gros douanier qui l’a. Finalement il me fout la paix.
9h30: Hourrah, nous formulaires ont été acceptés.
10h00: On passe de l’autre côté de la frontière et l’on attend qu’on nous remette le papier final. Ferenc nous indique qu’à l’intérieur du bâtiment, quelqu’un recopie les informations dans un ordinateur. Impossible de partir, car on aura besoin d’une copie authentifiée pour sortir du pays.
10h30: On nous remet le papier et mon passeport. On remercie Ferenc pour son aide et l’on se promet de se voir à Moscou pour un verre.
Nous nous remettons en route vers Moscou. Il nous reste un bon 500 kilomètres. Non loin de la frontière nous arrêtons pour nous ravitailler en Red-Bull. Après un moment, impossible de poursuivre, nous sommes simplement trop fatigués: arrêt obligatoire dans une station service pour faire un somme de 2h30 dans la voiture. La route vers Moscou est essentiellement rectiligne, plate et sans grand intérêt; pendant qu’Audrey conduit, j’écris nos péripéties en Ukraine. Finalement, on arrive à Moscou sur le coup de 18h30 et pour la suite, ce n’est qu’un long bouchon (4 accidents) jusqu’à notre auberge près de la place rouge.
Pleins d’adrénaline, nous sommes sortis chercher de l’argent (tâche compliquée par les sanctions économiques envers la Russie), dîner dans un restaurant cher et très médiocre puis nous sommes dirigés vers la Place Rouge: malheur, l’espace est envahi par des gradins et complètement clôturé.