Kazan, Tatarstan (Russie)

L’hostel où nous avions élu domicile pour la nuit, bien que correctement côté sur l’internet était tout de même plutôt merdique, car l’un de ses établissements que le commun de mortels utilise comme hôtel bon marché. L’ambiance était donc pourrie. Qu’importe, nous avons pris la décision de passer une journée à Kazan plutôt que de repartir sur la route. De toute manière, la voiture avait pressamment besoin d’un changement d’huile. C’est donc la première chose que nous avons fait de la journée: aller voir un garage pour arranger la chose. Vu qu’ils n’avaient pas de place pour la journée, le rendez-vous a été convenu pour le lendemain à 9h, ce qui ne nous arrangeait pas vraiment, mais le prix était bon (après leur avoir fait comprendre que je voulais de l’huile bon marché et non la top qualité) et ils avaient le filtre en stock.

Le kremlin de Kazan

Le Kazakhstan!

Ceci fait, nous avons fait nos sacs et nous sommes dirigés vers le Kremlin de Kazan. Un Kremlin est en fait une forteresse, alors un bon nombre de villes russes en possèdent un. Celui de Kazan est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, alors nous avions de hautes attentes. D’autant plus que contrairement au kremlin moscovite, celui-ci possédait une mosquée et une église. C’était donc un kremlin multiculturel; à l’image du Tatarstan, où l’influence musulmane est définitivement palpable, à la fois dans l’architecture et le faciès de sa population. Une fois en ses murs, nous avons eu la chance d’assister à une cérémonie de musique militaire où étaient invités Turcs, Kazakhs et Russes en plus de pelotons Tatares. À cet effet, le présentateur ne manquait pas de rappeler que l’on était ici en république du Tatarstan et c’était ses drapeaux qui flottaient en majorité dans la ville. À regarder ces pauvres militaires debout immobiles pendant une bonne heure, j’ai bien apprécié ce petit retour dans mon passé militaire où il n’y a pas si longtemps, j’étais à leur place.

La cérémonie terminée, nous avons suivi le flux de touristes vers la mosquée, qu’Audrey a pu visiter car un balcon d’observation spécial avait été aménagé au dessus des planchers de prière. Après, visite de l’église orthodoxe ou à notre arrivée, se déroulait une cérémonie religieuses. Notre tour du kremlin complété, nous sommes tous deux sortis de ses murs hautement satisfaits et d’avis que celui de Kazan était définitivement mieux que celui de Moscou.

La visite de la ville s’est poursuivie sur les berges de la Volga, toutes récemment aménagées avec arbres, bancs, restaurants et arrangements paysagers. En bordure du parc, de somptueuses résidences unifamiliales. En fait, toute la ville resplendissait de richesse et de propreté, plutôt étonnant pour une ville moyenne de Russie. De retour dans le centre, deux heures ont été dévouées en vain à la recherche d’un vêtement « adéquat » pour l’Asie Centrale afin de remplacer celui oublié au Canada, puis nous sommes retournés à l’auberge pour écrire un peu.

Richissime demeure à Kazan

Deux heures plus tard, n’allant tout de même pas terminer notre visite de la ville là, nous avons laissé nos compagnons d’auberge à leurs cellulaires et leur passivité pour aller explorer l’autre côté de la Volga, mais bière en main cette fois. Une petite station de métro plus loin (Kazan a une ligne datant de 2005), nous sommes sortis et avons entamé une marche qui nous a fait faire le grand tour pendant un bon quatre heures, mis à part quelques pauses pour faire de la photo de nuit.

Un monument en forme de bol. Kazan veut dire marmite en tatare, alors j’imagine qu’il y a un lien

Usés par la soirée, nous avons fait un dernier arrêt au petit restaurant à côté de l’auberge, notre troisième de la journée au même endroit. La nourriture y était bonne, le prix concurrentiels, mais surtout le personnel très sympathique et content de voir que des étrangers s’intéressaient à leur petit établissement. Toute une marche! Ce faisant, nous avions sérieusement empiété sur notre nuit, mais bon, il fallait tout de même profiter au max de notre moment dans la capitale du Tatarstan, que nous avons tous deux trouvés très attachante.

NDR: À regarder mes photos en les mettant sur le blogue, je commence à me rendre compte que j’ai un petit problème d’alignement. Pour la suite, je vais tenter de tenir ma caméra de la bonne manière…

Moscou, Russie – Kazan, Tatarstan (Russie)

  • Date: 24 août 2017
  • Départ: 10h30
  • Arrivée: 23h00
  • Température: ciel dégagé

J’avais des documents à renvoyer au Canada, donc debout de bonne heure, nous sommes arrêtés à un bureau de poste Russe recommandé par le personnel de l’hôtel. Après avoir parlé à trois préposés différents, j’ai finalement été dirigé au bon comptoir. De là, il a fallu une bonne demi-heure supplémentaire pour que le colis soit correctement timbré (430 roubles à coup de 25, ça en fait du timbre) et adressé. À savoir s’il se rendra à bon port, c’est une autre question…

Une fois la voiture rejointe, nous avons réglé le GPS sur une ville à la sortie de Moscou pour s’aiguiller dans la bonne direction avant de tomber en mode carte papier. Une chance que nous sortions de la ville, car le trafic pour y rentrer était infernal. Originalement, nous avions choisi comme troisième destination Volgograd, mais nos analyses cartographiques des jours précédents nous ont fait modifier nos plans pour éviter la portion ouest du Kazakhstan, car les routes semblaient y être de piètre qualité; Google maps nous donnait un 12 heures supplémentaires si nous tenions à passer par là. Au lieu de Volgograd, nous avons donc choisi Kazan, capitale du Tatarstan, une république autonome de la Russie. Vu que je tenais tout de même à visiter l’ouest du Kazakhstan et camper dans la région, nous avons tout de même coupé la poire en deux en décidant de piquer au sud à partir de Kazan.

Notre situation est un peu compliquée par notre visa russe qui se termine le 1er septembre, la complexité frontalière de la région et une vielle voiture plus ou moins fiable. Nous ne pouvons pas sortir de la Russie le jour où notre visa se termine, car un pépin mécanique, une frontière fermée ou des problèmes de douanes signifierait de solides emmerdes avec la police Russe. En cas de gros problèmes administratifs lors du passage, il nous faut pouvoir aller à Moscou ou au pis aller retourner en Europe occidental avant que notre visa arrive à échéance, mais pour cela, il nous faut être à une distance raisonnable que nous pourrions couvrir en voiture avec le temps qu’il nous reste. Bref, c’est un peu un casse tête, mais c’était aussi la raison de rentrer au Kazakhstan le plus rapidement possible plutôt que de prendre le chemin le plus rapide, car une fois là, plus de soucis de visa. De toute manière, nous sommes en road-trip pour voir du pays.

La route jusqu’à Kazan s’est avéré être sans grand intérêt. Il n’y avait pas grand-chose à voir autre que des arbres et des paysages rappelant le Québec. Occasionnellement, un village aux maisons très austères. Au moins, la chaussée, quoi que double, était de relativement bonne qualité. Une chance, car nous la partagions avec une bonne proportion de camion.

Vers les 20h, l’appel du repas se faisait sentir alors Audrey et moi sommes arrêtés dans un restaurant/café au personnel très sympathique, il y avait même une map monde avec des punaises aux endroits d’où provenaient les visiteurs. Évidemment, personne de Montréal, alors il nous a fait plaisir de l’indiquer sur la carte. Nous avons choisi deux soupes et deux patisseries histoire de manger rapidement. Pour celle sélectionnée par Audrey, elle s’est fait présenter deux options, kéfir ou kvac. Connaissant déjà le kéfir (un yogourt liquide), elle s’est sentie aventureuse et a indiqué comme préférence le kvac. La pauvre, sa commande s’est avérée être une soupe froide, avec des cubes de jambon et de concombre, de l’aneth et comme bouillon, une boisson fermentée s’apparentant à du pepsi. C’était réellement infecte et à ses dires l’une des pires choses qui lui ait été donné de manger. De manière à ne pas offusquer le personnel, je l’ai aidé à la finir. N’étant pas difficile de nature, je suis capable de manger pas mal n’importe quoi (comme de la méduse), mais à la fin du bol, une cuillerée de plus et c’était la nausée.

À Kazan, nous avons été accueillis par une vue resplendissante de son Kremlin tout illuminé. Par chance, l’hostel que nous avions choisi avait deux lits pour nous en dépit de notre heure d’arrivée tardive (23h) et du fait de ne pas avoir réservé. Nos affaires déposés, nous sommes ressortis prendre une bière dans un parc non-loin.

Moscou, Russie (partie 2)

1500 roubles, donc 35$ pour un Saint-Pétersbourg-Moscou, c’était peu cher payé, mais nos sièges se situaient contre les toilettes. Donc une heure avant l’arrivée, la procession de passagers pour la miction matinale s’est enclenchée si bien que notre nuit a été un peu écourtée. Tout de même reposés, nous avons engloutis notre petit déjeuner (Audrey une pâtisserie et moi un kebab [c’est permis]), sommes retournés par métro à la voiture pour y délester nos sacs en vue de la visite du jour : le fameux Kremlin.

Le mausolée de Lénine
Les grands du communisme soviétique

Nous avions de l’avance, ce dernier n’ouvrait qu’à dix heures, alors nous en avons profiter pour reprendre un café, aller chercher de l’argent (à la bonne banque, car la plupart son bloquées par le Canada) et acheter un atlas routier de la Russie. Une fois sur la place rouge, nous nous sommes rendus compte que le mausolée de Lénine était ouvert, contrairement à ce que notre guide (de 2009) suggérait. Moi content de pouvoir aller rendre hommage au père du communisme soviétique et Audrey indifférente, nous avons tout de même attendu près d’une heure avant que notre tour vienne. Après avoir passé un contrôle de sécurité, nous avons été admis en petits groupes et pressés dans le mausolée où, à la file indienne et en silence, nous sommes passés devant la dépouille de Lénine pendant que des soldats veillaient au bon déroulement de la procession. J’adore visiter les dépouilles de grands leaders. En Corée du Nord, il m’avait été donné de défiler dvant Kim Jong-Il et Kim Il-Sung, son père. Ici par contre, à la différence des chefs Nord-Coréens, qui étaient exposés dans un somptueux palais, le mausolée de Lénine était beaucoup plus austère, mais l’expérience n’en était pas le mois solennelle et intimidante (Je viens tous juste de demander à Audrey ce qu’elle a pensé de la visite, et elle m’a répondu : « Je mets ça dans la catégorie expérience bizarres de ma vie. »)

L’entrée du Kremlin

Sortis du mausolée, nous nous sommes dirigés vers le Kremlin, dont la file à l’entrée était finalement très gérable. Le Kremlin est en fait une forteresse, à la fois le siège du gouvernement Russe, de son assemblée et de l’Église Orthodoxe. Il recèle donc de nombreux bâtiments à fonctions publique au look plus austère, mais aussi des palais et des cathédrales. Notre billet nous donnait principalement accès à ces dernières. Beaucoup plus vielles que leurs congénères de l’extérieur, elles étaient donc moins impressionnantes. Normal, elles ont pu survivre aux purges du communisme, qui ne s’est pas gêné pour démolir tout ce qui avait à voir avec la religion ailleurs sur le territoire. Conséquemment, les églises russes ont tendance à être de manufacture récente et donc construites avec des moyens modernes. Autres objets d’intérêt, le canon du Tsar, le plus gros calibre au monde, mais tellement gros et volumineux qu’il n’a jamais tiré. Tout aussi gargantuesque, la plus grosse cloche du monde, qui n’a elle aussi jamais sonnée, car durant son refroidissement après sa fonte, un contact prématuré avec de l’eau l’a fait fendre. Tout ça est visible sur l’image ci-bas :)

Après avoir parcouru l’intérieur du Kremlin, nous sommes retournés à la voiture consommer un lunch d’épicerie et ramasser le nécessaire pour la nuit. L’auberge ou nous étions n’avait plus de lits, alors nous avions étés référés à un autre endroit non-loin dans la ville. Le plan de la soirée était d’aller rejoindre Ferenc, cet ange-gardien hongrois qui nous avait solidement sorti de l’embarras à la frontière Russe. Auparavant par contre, une sieste et un peu de travail s’imposait. Vers 20h00 donc, nous avons rencontré notre ami et sa copine russe pour un souper à la gastronomie azérie. Ferenc est un type dont les histoires ne cessent d’étonner. Il parle 6 langues, travaille dans la spéculation immobilière en Hongrie et en Russie, importe des voitures allemandes en Slovakie et de la machinerie agricole en Ukraine. Sa mère est Russe et son père un diplomate Hongrois, il a étudié les relations internationales à Moscou en 1991 car son père y était en poste. 1991, c’était tout juste après la chute du bloc. La soirée a donc été hautement divertissante, mais aussi mutuellement enrichissante, car tant lui que sa copine n’étaient pas familiers avec le type de personnages qui eux aussi font de l’export de véhicule allemand, mais cette fois de la France jusqu’au Kyrgyzstan (en l’occurrence, nous).

À notre sortie du restaurant, l’averse avait débutée. À la sortie du métro, la pluie était torrentielle et l’entrée de la station était littéralement inondée, tout comme les rues. Courant vers l’auberge, mais désireux de prolonger la soirée un peu, nous sommes tombés par chance sur un bar de bières de microbrasserie (tout comme chez nous, le concept est populaire en Russie) ou nous avons conversé avec un autre Canadien qui venait de débarquer à Moscou en provenance d’Ukraine et de Géorgie. Il travaillait à Houston au Texas, alors imaginez la réaction de ses collègues de travail quand il leur a parlé de ses prochaines vacances. Qui plus est, il était d’origine africaine. Dans un pays qui s’est construit une bonne réputation de xénophobie, Audrey et moi n’avions que de l’admiration pour lui. Nous aurions volontiers prolongé la soirée, mais les bars ferment tôt (12h00) sur semaine à Moscou et nous devions partir de bonne heure le lendemain.

Kiev, Ukraine – Moscou, Russie

  • Date : 14-15 août 2017
  • Départ : 21h00
  • Arrivée : 20h00 (le lendemain)
  • Température : nuit, ciel couvert puis soleil

De retour de notre excursion à Tchernobyl vers 20h00, nous avons à peine eu le temps de profiter d’un dernier restaurant qu’il fallait déjà quitter la ville. Dommage, Kiev était super charmante, intéressante et relax; elle aurait facilement mérité deux ou trois jours supplémentaires, mais il fallait continuer le périple. Notre visa russe d’un mois était déjà débuté depuis deux semaines et nous voulions avoir suffisamment de temps à Moscou, Saint-Pétersbourg et une autre ville (probablement l’ancienne Stalingrad, maintenant appelée Volgograd).

J’avais prit la peine d’aller questionner la réception de l’auberge sur le passage de l’Ukraine vers la Russie, mais les employées ne m’avaient été d’aucune aide. Pourtant, Audrey et moi se doutions très bien que l’entreprise n’allait pas être une mince affaire. Non seulement, les frontières à l’est du pays sont fermées en raison de la guerre, donc une partie du trafic était redirigé vers le nord, mais en plus, il y avait somme toute peu de points de passage. Bref, c’est pourquoi nous avons décidé de partir le soir même, arriver à la frontière tard (pour la passer rapidement) et nous trouver un hôtel non loin. Sur papier c’était béton. Nous nous étions levés très tôt pour aller à Tchernobyl, alors il allait falloir combattre la fatigue à grand coup de Red-Bull, mais avec de la motivation, nous en étions physiquement capables.

Après quelques erreurs de direction, nous étions sortis de Kiev et de retour sur les routes Ukrainiennes à deux voies. Elles étaient dans un état acceptable, mais j’anticipais le moment où nous allions tombés sur un énorme trou. Nous n’avions pas roulés énormément de nuit jusqu’à maintenant, mais depuis la prise de possession de la voiture, j’avais remarqué que les phares étaient mal réglés. Les hautes étaient relativement efficaces, mais les feux de croisement n’éclairaient que directement en avant du véhicule et à chaque trou qui passait, c’était toujours trop tard pour que je l’évite. Sur les routes Ukrainiennes, c’est préoccupant. Quelques tentatives rapides d’aligner les faisceaux avaient été tentées, mais sans grand succès. Finalement, j’ai craqué et me suis arrêté avec la ferme intention de ne pas repartir tant que ces stupides phares n’allaient pas correctement illuminer la route. Après une demi-heure de bidouillage, c’était chose réglée.

Tout compte fait, la qualité de la chaussée aura été numéro 1 jusqu’à la frontière que nous avons réussi à atteindre dans les temps prévus et ce même un petit arrêt par les policiers pour léger excès de vitesse. Heureusement l’agent était de bonne humeur nous a laissé filer. Une fois en ligne pour le contrôle côté Ukrainien, nous avons immobilisé le véhicule et nous sommes félicités, content d’avoir atteint notre objectif.

  • 1h30: arrivée à la frontière
  • 2h00: rien n’a bougé
  • 2h30: on a avancé un peu
  • 3h00: ça ne bouge pas vite…
  • 3h30: finalement, le garde prends nos papiers
  • 3h35: un militaire Ukrainien nous demande si on a de l’argent canadien sur nous, car il tient une collection de pièces de monnaies. Pas de chance pour lui, on s’est vidé les poches avant de partir.
  • 3h45: on commence à fouiller notre véhicule, le numéro de série de la voiture est pris en note, le douanier nous demande de vider notre coffre et d’ouvrir nos sacs. Il tombe sur notre caisse de vin (merde, on a acheté une bouteille dans chaque pays visité pour se la déguster uns fois en camping en Asie Centrale) et inspecte son contenu. Prenant une bouteille de vin français, il nous regarde et dit: “Present?” Pas le choix de dire oui. Il met la bouteille dans son manteau, met un terme immédiat à la fouille et nous souhaite bon voyage.
  • 4h00: on se met en file du côté Russe. Je sors inspecter nos bouteilles pour voir laquelle le douanier nous a chipé, j’espère que ce n’est pas notre Gaillac bio. Ouf! C’est un truc à 2,50 Euros. Je crois qu’il a été accroché par la pastille dorée “Lauréat du concours parisien” ou un truc du genre (un prix bidon fait pour mousser les ventes)
  • 4h30: ça ne bouge pas
  • 5h00: le jour se lève, Audrey et moi avons fait une croix sur le sommeil
  • 5h30: ça avance un peu, les Ukrainiens et les Moldaves autour de nous ont l’air de trouver que tout baigne alors ça nous rassure.
  • 6h00: on approche du côté Russe. Tout le monde est hors de son véhicule et ça fume partout pour tuer le temps. Des femmes se promène avec des valises de nourriture et des thermos de café. Dommage, nous avons écoulé notre argent Ukrainien avant de passer la frontière.
  • 6h30: c’est long, voilà 24 heures que nous sommes debout
  • 7h00 le douanier Russe prend nos papiers, nous étampe ça et nous les remet promptement. L’excitation monte en nous! On est presque en Russie. Quel soulagement, Audrey avait une crainte que notre visa ne nous permette pas de rentrer avec un véhicule.
  • 7h05: on passe à la douane et l’on nous remet deux formulaires en Russe. Je vais gentiment voir le douanier, lui disant “niet Russki, English?”, il rentre dans son bureau et me remet une traduction Allemande. Je lui lance un regard interrogatoire et répète “English?”. Avec un ton agressif, il m’envoie promener.
  • 7h30: Audrey et moi avons tenté tant bien que mal de compléter les formulaires avec un dictionnaire Français-Russe de poche et mes deux ans d’Allemand entre l’âge de 10 et 12 ans. Les formulaires nous sont renvoyés sans avoir été regardés, car il fallait que l’on fasse deux copies pour moi et non une pour Audrey et une pour moi.
  • 7h40: On recopie de formulaire. En le remettant au douanier, celui-ci a raturé nos réponses et nous a lâché quelque chose en Russe indiquant probablement que nous étions cons. Il m’a ensuite montré un exemple en Russe placardé sur un mur.
  • 7h45: Finalement, le conducteur d’un véhicule voisin s’approche de nous et nous demande en Anglais si nous avons besoin d’aide. Il se nomme Ferenc, il est Hongrois et se rend à Moscou pour visiter sa copine. Un habitué de cette frontière, il nous confie qu’il est dans le processus depuis 2h00 et que de tels délais sont normaux. Ferenc parle et lit le Russe donc il nous traduit le formulaire et nous aide à le remplir. Finalement, ce n’est qu’une déclaration et douane et une garantie comme quoi nous nous engageons à ne pas importer le véhicule en Russie.
  • 8h00: Changement de personnel, il ne passe plus rien pendant une heure. Ferenc nous entretient sur les nombreuses aberrations de l’administration Russe. Ils nous demande si nous avons été contraints de verser un pot-de-vin aux douaniers Ukrainiens, car il a dû payer 100 hyrvnia (c’était ça la “collection de pièce de monnaies”…) On lui répond que c’est un bouteille que ça nous a coûté. Nous partageons avec Ferenc notre étonnement face au peu de véhicules Russes en ligne pour passer la frontière. Il nous informe que l’Ukraine empêche les hommes de passer de peur que ces derniers aillent vers la Crimée. Ceci explique la présence de deux femmes russes derrière nous.
  • 9h00: Changement de garde complété. On montre nos formulaires tout bien complétés au nouveau douanier, un homme bien en chair au visage puéril. Il nous les renvoie, car on a commis un erreur lors de la copie.
  • 9h15: Je n’en peux plus, je me dirige vers le bâtiment pour aller au toilette et je me fais tout de suite engueuler par un militaire. Il me somme de lui montrer mon passeport. Je tente tant bien que mal de lui expliquer que c’est le gros douanier qui l’a. Finalement il me fout la paix.
  • 9h30: Hourrah, nous formulaires ont été acceptés.
  • 10h00: On passe de l’autre côté de la frontière et l’on attend qu’on nous remette le papier final. Ferenc nous indique qu’à l’intérieur du bâtiment, quelqu’un recopie les informations dans un ordinateur. Impossible de partir, car on aura besoin d’une copie authentifiée pour sortir du pays.
  • 10h30: On nous remet le papier et mon passeport. On remercie Ferenc pour son aide et l’on se promet de se voir à Moscou pour un verre.
Au milieu de la Russie
La Cathédrale Saint-Basile le bienheureux, c’est certain que vous la reconnaissez

Nous nous remettons en route vers Moscou. Il nous reste un bon 500 kilomètres. Non loin de la frontière nous arrêtons pour nous ravitailler en Red-Bull. Après un moment, impossible de poursuivre, nous sommes simplement trop fatigués: arrêt obligatoire dans une station service pour faire un somme de 2h30 dans la voiture. La route vers Moscou est essentiellement rectiligne, plate et sans grand intérêt; pendant qu’Audrey conduit, j’écris nos péripéties en Ukraine. Finalement, on arrive à Moscou sur le coup de 18h30 et pour la suite, ce n’est qu’un long bouchon (4 accidents) jusqu’à notre auberge près de la place rouge.

Pleins d’adrénaline, nous sommes sortis chercher de l’argent (tâche compliquée par les sanctions économiques envers la Russie), dîner dans un restaurant cher et très médiocre puis nous sommes dirigés vers la Place Rouge: malheur, l’espace est envahi par des gradins et complètement clôturé.

Place rouge obstruée

Tchernobyl, Ukraine

Sachant que nous allions passer par Kiev lors de notre voyage, j’avais dès lors exprimé l’envie d’aller visiter la centrale de Tchernobyl, qui est située non loin de Kiev. Ce n’est pas l’endroit où l’on s’attendrait à pouvoir aller faire le touriste compte-tenu de la contamination radioactive qui y persiste, mais de nos jours, tout est possible pour autant que l’on soit prêt à mettre le prix, même aller en Corée du Nord.

À l’entrée de la ville de Tchernobyl

Évidement, l’opportunité n’était pas donnée – 145 $US par tête – mais je n’allais pas passer ma chance d’aller explorer le site du pire désastre industriel (quoi que Fukushima prendra peut-être la pôle position) de l’histoire de l’humanité et la première fois que l’homme s’est réellement mesuré aux dangers du nucléaire. Les Ukrainiens payent la visite beaucoup mois cher, mais comme je l’expliquais à un espagnol désireux d’y aller lui aussi, mais que le prix faisait sourciller, je suis ravi que Tchernobyl ne soit pas le problème de mon gouvernement…

Est-ce questionable d’aller faire du voyeurisme à l’endroit où des centaines ont perdu la vie et des milliers souffrent encore aujourd’hui des conséquences de l’exposition aux radiations? À mon sens, c’est entièrement équivalent à la visite d’un champ de bataille ou d’un camp de concentration, eux aussi lieux où se sont déroulés des épisodes d’incommensurable souffrance humaine. Pour autant que l’objectif soit pédagogique et que le tout soit fait dans le respect des victimes, je n’y vois aucun dilemme moral.

Je n’irais pas compter l’histoire du désastre de Tchernobyl, l’article Wikipédia sur le sujet est assez détaillé. La lecture de ce dernier et d’autres sources en vaut vraiment la peine et ne manquera pas de donner des frissons, mais aussi de susciter de l’admiration envers les employés de l’usine et les soldats qui au moment même de l’explosion du réacteur et dans les semaines suivantes ont donné leur vie afin d’éviter que la catastrophe ne prenne une ampleur mondiale. Le fait qu’il ait fallu quand même plusieurs jours avant que les autorités soviétiques annoncent au reste du monde ce qui venait de se produire leur est entièrement imputable, mais l’accident lui-même ne l’est pas: Fukushima aura fait la preuve comme quoi nul nation n’est à l’abri d’un tel désastre.

Carcasse de Lada dans un village abandonné

Aujourd’hui, la centrale de Tchernobyl est isolée du reste du monde par une zone d’exclusion d’un rayon de 30 kilomètres à l’intérieur duquel l’accès est strictement contrôlé et d’un autre périmètre intérieur à 10 kilomètres ou toute présence humaine est interdite exception faite du personnel qui travaille sur les lieux. Nous allions donc pénétrer dans cette zone, visiter des villages abandonnés, la ville de Tchernobyl elle-même où le personnel est hébergé, nous approcher de la centrale, passer deux heures à Pripyat et terminer la journée par une visite d’une installation radar soviétique surnommée le Pic-vert Russe. Pour se rendre à Tchernobyl de Kiev, il fallait compter un bon deux heures de route dans un paysage de campagne ukrainienne plutôt morne. À l’arrivée dans la zone d’exclusion, contrôle de passeport par l’armée et briefing de sécurité. Une fois à l’intérieur, plus aucun véhicule à l’horizon, on se croyait sur les routes autour de Pyongyang tellement le paysage était vide d’activité humaine.

Eh ben, je ne pensais jamais qu’un jour je me retrouverais à Tchernobyl. 
– Audrey (à Pripyat)

La zone et la centrale

 

Un “hotspot” de radioactivité

La zone de Tchernobyl a largement été décontaminée, mails il y persiste un niveau de radiations ambiant qui s’avère dangereux à très long terme. Notre guide était munie d’un dosimètre de radioactivité et nous a pointé à plusieurs reprises des endroits où dans le sol s’étaient concentrés les contaminants. La radiation ambiante (dans Kiev) se chiffre à 0.15 uS/h, dans la zone d’exclusion elle avoisinait le 0.2 uS/h et en certains lieux elle grimpait à 10 uS/h. Rien de dangereux considérant le fait que l’on absorbe plus de rayonnement durant un vol transatlantique que ce qu’on allait accumuler durant toute la visite.

La centrale est contenue dans le dôme de métal derrière moi

Cependant, il persiste incontestablement des lieux encore beaucoup trop contaminés pour qu’un humain puisse même penser y approcher. Le réacteur numéro 4, celui qui est entré en fusion et a explosé, est sans doute l’endroit où le rayonnement est encore le plus intense et suffirait probablement à tuer un humain en quelques minutes. Afin de contenir tout ce danger les autorités soviétiques avaient construits au prix de nombreuses vies dans les semaines suivant l’incident un sarcophage de béton et de métal. Il avait été estimé que ce dernier avait une durée de vie de trente ans. En 2016, 30 ans exactement après l’incident, un nouveau sarcophage dont la construction avait débuté en 2006 était positionné au dessus des ruines du réacteur 4 et du premier sarcophage. C’est celui que l’on voit sur les photos. En son intérieur, grues robotisées et autre machinerie s’affaireront pendant le prochain siècle (oui, 100 ans) à démanteler de manière sécuritaire le réacteur et son combustible.

Nous ne sommes évidemment pas pénétrés dans l’enceinte du nouveau sarcophage, mais nous sommes passés suffisamment proches pour mesurer l’ampleur de la structure. De manière à protéger les ouvriers des radiations, elle a été construite à côté du réacteur puis glissé en place sur un système de rail, battant au passage le précédent record de la plus grosse structure mobile du monde.

Pripyat

 

Pour être honnête, Pripyat était le moment de la visite que j’attendais le plus. Des images de la centrale, j’en avais vu plus d’une sur le web, mais une ville de 50000 habitants évacuée à tout jamais en l’espace de deux heures il y a trente ans, il fallait y être pour le vivre.

La nature avait largement reprit ses droits et ce qui était autrefois boulevards et grands parcs d’une ville champignon construite selon les dernières doctrines d’urbanisation communiste pour héberger les employés de la centrale étaient maintenant forêts d’arbres matures. Néanmoins, les bâtiments et certaines structures persistent encore, notamment gymnase, salle communautaire, par d’amusement aréna, école, piscine, cafés, etc. Sans compter les nombreuses tours d’habitation. Nous avons pu pénétrer dans plusieurs d’entre eux et à chaque reprise, le spectacle avait quelque chose de surréel. J’adore l’esthétique des lieux abandonnés, d’observer la réintégration de l’artificiel dans le naturel de constater à quel point nos structures de béton et de métal, pourtant considérées solides, sont en réalité éphémères … comme nous.

Sans, conteste le moment le plus magique a été l’exploration d’un bloc appartement entier. Il restait encore des traces de vie dans chaque unité, des meubles, des effets personnels, des tableaux…La visite a culminé par son ascension jusqu’au toit, d’où la vue sur la ville, la centrale et la région étaient imprenables. Même Audrey s’y est risqué malgré son genou. 30 ans auparavant, le panorama évoquait le progrès de l’humanité et le statut de grande puissance de l’union soviétique. Aujourd’hui, il n’est que désolation, rappelant l’un des pire échecs de la modernité et témoignant de l’arrogance de l’époque.

Radar Duga

Le radar Duga, surnommé le Pic-vert Russe en raison de son caractéristique émis sur les fréquences radio du monde entier, est une impressionnante structure construite à gros frais par les soviétiques afin de détecter un éventuel lancement de missile balistique intercontinental. L’installation que nous avons visité est en fait l’antenne réceptrice d’un émetteur situé à 60 km de là et qui devait utiliser la couche ionosphérique de la terre comme surface de réflexion. Imaginez la puissance électrique que demandait un tel radar, d’où sa localisation à proximité de la centrale.

Compte-tenu de la taille de la chose (facilement visible des toits de Pripyat), difficile de croire qu’elle était à un moment l’une des installations les plus secrètes de l’Union Soviétique, mais bon, la population du temps savait qu’il ne fallait pas trop poser de questions. Le concept derrière le projet est entièrement valide et utilisé de nos jours pour toute sorte d’applications. Cependant, il n’existait pas dans les années 70 la puissance de calcul nécessaire pour traiter efficacement les données produite par une telle antenne, donc le projet s’est avéré être un échec. Pourtant, la machine dont l’installation disposait était le nec plus ultra de l’union avec ses 2Mhz et 10Mo de stockage … aujourd’hui largement déclassés par le plus rudimentaire de téléphones portables. De nos jours, le gouvernement Ukrainien se demande encore quoi faire.avec ces 14000 tonnes de métal de 120 mètres de haut et 400 mètres de long… Quelle folie cette guerre froide.