México, llegamos!

México, el país : arrivée le 30 juillet

J’en appelle aux grands voyageurs parmi les lecteurs, qui savent ce que passer une frontière terrestre peut signifier. Ou même se remémorent certaines frontières passées en autobus, ou par avion dans certains endroits, où la complexité définit le processus en lui-même. Pourquoi faire simple et optimiser quand on peut en faire un jeu et par la même occasion, créer de l’emploi. Et puis… la performance est-elle toujours nécessaire, hum? C’est une vraie question à se poser.

Cette fois-ci, nous avons été servis d’une façon que nous n’avions pas imaginée… Nous avons passé la frontière en, tenez-vous bien… 13 secondes top chrono. Oui, des secondes, pas des heures, ni même des minutes…. Sans montrer un passeport, ni notre assurance voiture, ni même nos multiples documents gouvernementaux produits à la sueur de notre front (j’exagère légèrement pour l’effet théâtral, puisque tout avait été complété diligemment la veille au soir et la matinée du même jour, avec une relative facilité). Donc, zéro intervention d’un garde frontière, alors encore moins une question sur nos intentions, notre destination, ce que l’on importe, niet, nada, ardjien. Nous avons simplement conduit sur l’autoroute, qui se déversait de l’autre côté du pont enjambant le Rio Grande faisant office de frontière, directement dans la ville mexicaine nous accueillant.

Là où le bât blesse, c’est que nous savions pertinemment que nous avions besoin d’une étampe sur deux-trois papiers. En voyageurs aguerris, nous étions donc conscients que prendre la voie de la facilité et simplement continuer notre chemin vers notre destination de Monterrey, pourrait être une erreur couteuse en temps et en argent plus tard. C’est là qu’a débuté la valse que notre automobile exerçait gracieusement avec les rues mexicaines, qui sont toutes organisées selon des sens uniques, cul-de-sacs et absences de stationnement. J’ai eu une douce pensée pour mon Montréal chéri à ce moment. Nous avons même, par erreur de bonne foi, entamé une intrusion à même l’une des sorties de la « douane », plaçant immanquablement notre fidèle Pontiac face à une horde de véhicules souhaitant sortir, sous les yeux oh combien non préoccupés d’un agent de sécurité de l’endroit. Une telle manœuvre en sol américain ou canadien aurait fait brandir des armes et résonné des cordes vocales ! Mais après quelques tours, nous avons finalement trouvé l’endroit recherché. Et comme à chaque fois que l’on voyage, rien ne se fait tout au même lieu. Il faut aller étamper un papel à un bureau, puis aller faire copier ledit papel à un autre bureau, pour ensuite aller le porter dans un autre bureau, pour se faire souligner le besoin d’avoir une copie des passeports, action qui ne peut se faire qu’à un énième bureau de copie (et pas le même que celui proposé à la 2e étape énumérée). M’enfin, 13 secondes pour passer la frontière, 2 cerveaux pour solutionner l’énigme, 2 heures pour régler l’administration. Ça prend des gens dégourdis !

Arrivée à Monterrey

De la frontière, tout au plus trois heures d’autoroute nous ont permis d’atteindre la ville des montagnes, comme elle est à juste titre surnommée. Elle est très belle et s’offre à nous dans la lumière orangée du coucher de soleil. De notre chambre d’hôtel, nous avons la vue sur la ville et les montagnes, et nous ne pouvons qu’être conquis.

Monterrey
Monterrey vue de notre chambre, au crépuscule

Si le Texas avait une saveur certainement mexicaine, le Nuevo León, état dans lequel nous sommes entrés et dans lequel se trouve Monterrey, a à contrario une certaine saveur texane. Simple question de perspective, il faut croire. Un peu de grill texan ici, un peu de chapeau de cowboy par-là… deux grands frères qui se confrontent mais qui se colorent l’un l’autre depuis des décennies, même des siècles. L’histoire respective des Mexicains et des Américains et de tous les peuples qui les ont construits sont indubitablement tressées, parfois avec une maille plus lousse par ci par là. Mais ce délicat travail laisse un tronc commun sur lequel chacun aura fait fleurir son avenir et son identité.

En arrivant dans la ville, nous avons fait un peu de travail/écriture/organisation, puis nous avons filé vers le centre-ville pour un petit repas. Nous nous sommes donc régalés, sur une terrasse de toit, de grillades avec petites salsas. « Attention, la verte est piquante », nous prévient le brave serveur, attentif à notre accent certain qui laissait présager une capacité limitée à encaisser le piment. Un petit Québécois averti en vaut deux, mais la viande elle-même a réussi à nous surprendre. Les deux gringos, le visage en sueurs, ont tout de même réussi à terminé leurs repas avec délectation. Les papilles, c’est comme un muscle, ça s’entraine; ça ira mieux au prochain repas. Et puis il y a la bière pour faire descendre le tout.

Au travers des rues, nous croisons beaucoup de gens qui se promènent, se rejoignent, vont discuter sur un banc. En tant que Canadiens nous avons peut-être un peu intégré un mode de vie où l’on mange et dort tôt, vu notamment notre hauteur dans les parallèles, mais le Mexique semble savoir profiter de ses soirées.

Au matin, nous avons rapidement pris le petit déjeuner dans les salles de l’hôtel bondées de travailleurs masculins. Monterrey est un centre industriel important du Mexique et je ne peux qu’imaginer que plusieurs industries assurent le logis à des gens qui viennent de régions plus éloignées.

L’entre-deux villes au Nuevo León

Alors là, j’ai été saisie. Un peu de temps avant Monterrey, nous délaissons les grands espaces plus plats et arides et l’autoroute se prolonge dans des plaines et des vallées, toujours entourées de magnifique relief. On se fait envelopper par les montagnes et les nuages cotonneux, qui nous accompagnent vers quelques centaines de mètres de plus dans les hauteurs du Mexique. À quelques occasions, une coulée de maisonnées vient lécher le pied des montagnes, comme une rivière qui prend l’espace qu’elle peut. Une coquette étendue blanche, parsemée de petits points colorés indiquant un arbuste, un bougainvillier, une fenêtre. Hormis certains quartiers, dont celui ayant attiré mon attention, qui était coloré de maisons bleu vif, vert croquant ou rose étincelant, le blanc ayant perdu tout ancrage. Ce dernier village s’accrochait au pan d’une montagne, comme on accrocherait une dentelle finement tissée à une fenêtre, ne serait-ce que pour la rendre plus chaleureuse. La Ville des montagnes sait présenter ses jolis atours, où les détails viennent combler le regard du visiteur.

Monterrey
Au départ de Monterrey, des villages colorés s’affichent au loin

Monterrey

Nous délaissons tranquillement derrière nous l’urbanité de Monterrey pour laisser de plus en plus de place au paysage. Le poids des millénaires a formé les montagnes, laissant au passage de majestueuses marques dans celles-ci, témoignant de chaque époque et chaque effort terrestre. La présence de seuls très courts bosquets, palmiers éparses et bas cactus nous permet de voir le sol pâle comme le cuir chevelu de l’horizon. Le relief est d’autant plus impressionnant, tangible, brut. Une fois de temps en temps, nous croisons une immense usine d’une industrie X, telle la cimenterie ou la métallurgie, ou un tout aussi immense centre de distribution. La combinaison du paysage sublime et de l’empreinte humaine est saisissante. Comme si Amazon et Shell avaient entrepris la Lune.

Bizarrement, la combinaison est belle… belle peut-être par sa laideur et sa contradiction, mais belle tout de même. Car bien que nous soyons sensibles à la protection de l’environnent et à la surconsommation, je demeure lucide : je consomme, et de lever le nez sur ce mélange usino-paysagesque manquerait de cohérence.

Monterrey
En quittant Monterrey, les montagnes dominent un lit de rivière asséché

(Des photos d’un cellulaire daté, en roulant, parfois au travers d’un denêtre… je ne gagnerai pas de prix pour ce résultat. Elles ne rendent pas grâce à la majestuosité de l’endroit, mais vous donne peut-être une idée)

Le Nuevo Léon, bien que non recommandé par le Canada, le considérant comme dangereux (guerres de gang, trafic de drogues et de personnes), aurait très bien pu être une destination de randonnée. À certains moments, nous avions l’œil sur plus de sommets que l’on peut en compter. Et parlant de la réputation non sécuritaire de l’état, au fil de l’autoroute, nous sommes arrêtés à quelques reprises à des barrages policiers, simplement parce que nous n’avons pas de plaque devant la voiture. Normal. Les policiers sont d’un, lourdement armés, et de deux, parfois à visage couvert. Pas exactement la même ambiance que chez nous. Toutefois, tous ont été très accueillants et gentils. Et savez-vous ce qu’ils nous demandent à CHAQUE fois : le petit torbinouche de papel étampé que nous avons passé 2 heures à essayer d’obtenir à la frontière. Et voilà, effort et détermination d’un couple de voyageurs, récompensé dans les heures suivant son entrée au pays.

De mon côté, j’ai choppé depuis plusieurs jours une affliction que l’on pourrait qualifier de… gossante (c’est le terme scientifique médical recommandé, j’ai vérifié). Probablement attrapée aux alentours d’Austin, nous soupçonnons que j’ai touché à un vilain végétal que je n’aurais peut-être pas dû. Dans sa grande autoprotection, il m’a généreusement affublée de mignonne petite cloques, majoritairement sur les bras, le cou. C’est aussi ça voyager : se retrouver avec un bobo dont on ne comprend pas trop l’origine, où que l’on ne peut qu’au mieux associer à un parc, un moustique, un lit ou un taco. Oh well, comme disent les Anglais, ça ne sera sûrement pas la dernière ! En attendant, patience et antihistaminiques.

Depuis notre arrivée au Mexique, tranquillement, les réflexes de voyageurs commencent à refaire surface. Comme traiter l’eau que l’on boit, ou amener du papier de toilette et quelques pesos lors d’un passage aux baños. C’est ce que les États-Unis n’avaient pas pu nous offrir, soit l’obligation de forcer une modification à nos actions instinctives. C’est ce qui me fait sourire lorsque l’on voyage, cet état quasi constant de surprise, du moins d’attention. On remarque des détails que l’on ne voit même plus chez nous, parfois parce que l’on a juste arrêté de s’émerveiller devant ce que nos propres villes ont à nous proposer. Lorsque nous partons, nous réussissons habituellement à ramener avec nous cette façon d’observer, qui reste quelques semaines voire mois. Une simple attention aux détails, à l’architecture des maisons, à ce qui garnit un terre-plein, à ce qu’un groupe de jeunes fait en riant franchement dans un parc, sans se préoccuper des gens qui sont autour. C’est quand ces détails ne s’accrochent plus à nous qu’il est alors signe de repartir en voyage.

Nous sommes actuellement à México pour quelques jours, nous vous en parlerons prochainement. Avec beaucoup de passion, je vous avertis, préparez-vous à recevoir odeurs, saveurs et couleurs!

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *