Note au lecteur: beaucoup de choses n’ont pas pu être prise en photo. La règle du pouce était qu’il ne fallait pas imager les militaires et les policiers … plutôt nombreux dans ce genre de contrées.
Jour 1
Du haut de airs la nuit, Ashgabat a l’apparence de Disneyland. Dans son terminal aéroportuaire tout orné de fioritures, les couleurs officielles (le vert, le blanc et l’or) sont omniprésentes. Le regard n’est attiré par quasiment aucune publicité, autrement omniprésentes dans ce genre d’endroit.
Le processus pour finaliser les formalités est fastidieux mais aux final, un homme en uniforme nous rendra notre passeport avec un beau visa étampé. Une petite demi-heure d’attente supplémentaire à la sécurité (qui fouille et ouvre tous les bagages) et le tour sera joué. Nous ferons aussitôt sortis la rencontre de Volodymyr, notre chauffeur qui baragouine un anglais cassé mais compréhensible. En sortant du terminal, j’indique à Audrey de se retourner. Ce dernier a la forme d’un aigle aux ailes déployées (vous irez voir des photos). Je cache mon excitation car intérieurement je jubile d’être ici.
Il est cinq heures du matin mais même là, les immenses boulevards sont particulièrement déserts. Pendant que Volodymyr nous indique la vocation des nombreux bâtiments et monuments que nous passons, Audrey et moi admirons le spectacle qui se déroule sous nos yeux. Tous illuminés en couleurs, ce sont d’imposantes structures dans un style tout à fait particulier qui se succèdent. Le complexe sportif, complété en 2017 à temps pour les jeux asiatiques, possède un monorail, d’innombrables pavillons pour loger les athlètes, des gymnases et un imposant stade dominé par la tête d’un cheval. Notre hôtel, construit pour l’occasion, est attenant à cet énorme complexe. Son intérieur est neuf mais d’un kitsch qui détonne même en Asie Centrale.
Peu reposés de notre sieste de quelques heure, nous retrouvons le lendemain Volodymyr et Nila, laquelle sera notre guide. L’anglais de Nadine est nettement meilleur et rapidement nous prenons confiance à la questionner sur la vie et son pays, dans une certaine limite bien sûr car le Turkménistan est après tout une dictature répressive où les opinions politiques qui divergent de la norme ne sont pas les bienvenus. C’est comme au Canada en fait, vous diront les convoyeurs de la libarté.
Nila et Volodymyr sont tous deux issus de la minorité russophone du pays (3-4% et en déclin selon eux). Enfants d’immigrants Russes, leur famille s’est établie dans ce pays au temps de l’URSS. Volodymyr doit avoir la cinquantaine, mais il est né ici et tout comme son père. C’est son grand père qui est arrivé dans la région (volontairement?) pour participer aux efforts de reconstruction d’Ashgabat, alors en ruine suite au tremblement de terre de 1948.
Premier arrêt, le monument de l’indépendance. Tout doré et flanqué de statues des nombreux souverains passés de la région, il est gardé par des soldats et la zone est pratiquement vide de vie, exception faite de ces dames dont la tâche est de garder l’espace public propre et en ordre. Omniprésentes et travaillant sans relâche, Ashgabat peut se vanter grâce à elles d’être le lieu le plus rangé de la planète. Pas une feuille morte au sol ni déchets. Encore moins des mégots de cigarettes, car fumer en public est interdit au Turkménistan. Les contrevenants recevront une amende salée. Or, une grande partie de la population fume … en cachette.
Deuxième arrêt, le musée d’histoire où pendant une heure, un guide ennuyeux nous a recraché les moments phares qui on marqués les époques dans la région. Le premier étage du bâtiment regorgeait de trophées et de panneaux de propagande sur la présidence. Dur d’établir significative exacte de ces trophées mais aux dires de notre guide, le gouvernement se les avait octroyés pour se féliciter de ses accomplissements. Devant ce musée, un imposant drapeau du pays. Jadis le plus haut du monde selon notre guide. Selon moi il pourrait être désormais troisième. Le plus haut étant en Corée du Nord et le deuxième en Azerbaïdjan.
Direction ensuite à l’Arche de la neutralité, imposant monument érigé en consécration de la non interférence du Turkménistan dans les affaires des autres pays. Position d’ailleurs officialisée par une résolution des Nations Unies (et récompensée d’un trophée dans le musée) à ce qu’il paraît. L’arche de la neutralité est coiffée d’une statue en or de 12 mètres de haut du premier président. Avant que le monument ne soit déplacé pour faire place au gros complexe sportif des jeux asiatiques (je pense), le socle de la statue tournait pour que le président pointe constamment le soleil.
Comme il commençait à faire faim, notre tour s’est poursuivi dans un excellent restaurant turkmène où nous avons pu retrouver des variations locales de ces excellents plats traditionnels de l’Asie Centrale. Mon plov et mes mantis, je les attendais depuis des semaines.
Le Turkménistan peut être une destination très coûteuse ou pas du tout (exception faite du guide obligatoire) selon le taux de change utilisé. Officiellement, c’est environ 3,5 manats pour un dollar US. Sur le marché noir, c’est 19-20 pour un. Toute petite différence.
Le repas complété, l’après midi s’est poursuivi vers le monument à la deuxième guerre mondial et au tremblement de terre de 1949. Encore une fois, ces pièces ont été déplacées pour faire place à d’autres projets de développement. Je dois avouer que ce coup-ci, le résultat était quand même spectaculaire. Contrairement à ses congénères tout de marbre blanc, de dorures et d’extravagance, celui-ci était sobre et de marbre rouge.
Après, passage sur les ruines de l’ancienne Nisa, une cité Parthe du lointain passé. Ensuite, arrêt par une mosquée (don de la Turquie et bâtie à l’image de la Mosquée Bleue d’Istanbul [tant mieux, Audrey ne l’avait pas vue]) puis arrêt par le bazar russe qui n’était pas sans nous rappeler ces marchés couverts soviétiques très fréquents dans la région.
Fatigués d’une si courte nuit la veille, nos accompagnateurs nous ont laissés à notre hôtel. En quête de quelque chose de simple, nous sommes allés nous restaurer dans un restaurant à l’occidentale dans le centre d’achats d’en face qui lui aussi, était bien à l’occidentale. La nourriture était quand même chère quoi que pas mauvaise et autour de nous de nombreuses familles de l’élite turkmène passaient leur vendredi soir à consommer.
Jour 2
Parmi les nombreux aspects tout à fait frappants du paysage urbain d’Ashgabat, nommons les véhicules et l’architecture.
Sauf quelques exceptions, toutes les voitures dans la ville sont blanches. Notre chauffeur nous a fait d’ailleurs remarquer que c’était la loi. Cela donne un air particulier aux nombreux boulevards à 10 voies qui quadrillent la ville, décidément trop spacieux pour les besoins routiers. Pays riche en combustibles fossiles, l’essence coûte 1,5 manats le litre. Autour de 0,42 $US le litre au taux officiel ou 0,075 $US au taux du marché noir. Il faut dire par contre qu’elle est largement subventionnée. Malgré tout, les autobus sont nombreux et selon Nadine qui ne possède pas de voiture, Ashgabat est bien déservie par les transports en communs.
Les bâtiments à Ashgabat sont aussi tous blancs et de surcroît faits en marbre importé d’Italie. Je me rappelle du pavillon du Turkménistan à l’exposition universelle d’Astana en 2017 où l’état se targuait que sa capitale était l’endroit sur terre avec le plus de constructions en marbre. Cette exposition, on s’en rappelle, avait comme thème l’environnement et le développement durable. Nos guides nous ont répétés souvent, dans cet espèce de cynisme sarcastique tout à fait russe, que Ashgabat était la ville de tous les records Guinness et de tous les monuments. L’architecture y est d’une uniformité impressionnante et d’un style que je qualifierait de classique-moderne avec de nombreux clins-d’oeil au passé nomade des turkmènes et à la symbologie qui s’y rattache (notamment les motifs sur les tapis). Pour avoir vu de nombreuses villes dans mes différents voyages, Ashgabat est tout à fait unique en son genre. La seule autre ville qui selon moi pourrait s’en rapprocher est Astana (maintenant Nur’sultan), capitale du Kazakhstan. La nuit, ces constructions sont toutes ornées de lumières qui scintillent au couleur de l’arc-en-ciel, donnant un effet Las Vegas (mots de notre chauffeur).
Au programme pour la journée, petit passage par une mosquée puis la visite du lac souterrain de Kow Ata (dans lequel je n’ai pas manqué de me baigner). Au moment ou nous dégustions notre shaslik du midi (brochettes de viande), un énorme cortège nuptial s’est invité sur le site. La mariée était tout aussi décorée que sa voiture avec d’imposants bijoux et draperies et derrière, deux véhicules avec des hauts-parleurs criaient des airs du Turkménistan pendant qu’au bas mot une centaine de personnes se trémoussaient au son de la musique.
Comme tout bon régime politique du genre, le Turkménistan honore ses dirigeants présents et glorifie à outrance ses despotes passés. Si l’on se fie à nos visites précédentes des mausolées de la place Rouge en Russie et aux Kims grand-père et père à Pyongyang, celui du premier président du Turkménistan (nommé le Turkmenbashi) devait être quelque chose d’exceptionnel. À mon grand désarroi, ce dernier était en rénovation et non visitable. Notre guide nous a indiqué que des ouvriers étaient en train de refaire la couverture de son toit de feuilles d’or. Les feuilles d’or donc, probablement moins résistantes aux intempéries et au soleil que le bon vieux bardeau d’asphalte.
Par la suite, arrêt aux écuries officielles de la ville pour chevaucher l’un de ces fameux cheval Akhal-Teke. De renommée mondiale (à ce qu’il paraît, je n’y connais rien), ils sont réputés pour leurs lignes sveltes qui leurs confèrent une rapidité hors du commun. Ces chevaux sont à ce point importants pour la nation turkmène qu’ils sont leur propre ministère (le ministère des chevaux) et que le stade national est coiffé d’une énorme tête équine.
Vu que nous devions prendre le train de 17h50 vers Turkmenbashi, les visites du jour furent peu nombreuses. Il n’y a malheureusement pas photos de la gare, car … on avait pas le droit.Audrey (plus que moi) apprécie particulièrement le transport ferroviaire. On s’installe dans notre banc un livre à la main et l’on regarde le paysage se défiler sous nos yeux. Dans les trains, il se crée aussi des opportunités d’interactions privilégiées avec les locaux. Notre voisine de cabine d’ailleurs a tenu à faire nos lits et nous a gardé bien nourris en brioches. Nous n’avons échangé avec elle que des sourires et des mercis. Évidemment, personne ne parle anglais.
Merci Antoine de nous faire connaître ce pays que nous ne visiterons probablement pas! Votre récit est captivant, j’ai hâte de lire la suite…
Tout un pays, je sais pas si je pourrais faire un voyage semblable, surtout à mon âge 81 ans.
Salut Réjean, je pense que le défit principal serait l’aller en avion. Pour la visite de l’endroit, c’est très confortable et notre guide nous a confié avoir accompagné de nombreux voyageurs de ton âge dans le passé.
Oui mais ces voyageurs âgés ont probablement une meilleure santé. Si tu tombes malade dans ces pays, il faut être capable de se faire soigner. Vous êtes tous les deux jeunes et en pleine forme, vous en profiter. Je suis content pour vous deux.