Avec Rangoun, Mandalay et Bagan, le lac Inle complète le quatuor des incontournables du Myanmar. Rien d’autre qu’un lac ceinturé de collines, nous ne savions en fait pas vraiment où résidait précisément l’attrait de l’endroit avant d’y arriver. Donc, pas vraiment de planification autre que de voir sur place ce qu’il y avait à faire.
Ici comme ailleurs, nous étions en basse saison touristique, donc les hôtels étaient pratiquement vides (et abordables). Nous avons par conséquent étés en mesure de dénicher un super bungalow à bas prix et par chance, nous sommes retrouvés voisins d’un autre couple de voyageur. Américains du Colorado, Josaiah et Hana en étaient à leur premier périple, mais hautement dégourdis, ils représentaient le meilleur des États-Unis. Curieux, informés, lucides, mais typiquement américains de culture, nous avons au cour de notre temps au lac Inle partagé d’excellents moments en leur compagnie. Le premier s’étant déroulé autour d’un BBQ birman suivi de discussions jusqu’aux petites heures. Tout comme nous, ils étaient dans leurs derniers jours d’un voyage de plusieurs mois et la tête pleine de souvenirs et d’aventures.
Malgré une heure de lever tardive, nous avons pu nous extirper du lit juste à temps pour louer des vélos et aller faire une balade dans les environs du lac. Passant premièrement par des rizières, nous avons ensuite exploré quelques villages en bordure de l’étendue d’eau pour y prendre une barque motorisée dans le but de rejoindre l’autre rive. C’est là que toute la beauté du lac Inle nous a frappé, villages sur pilotis, cultures flottantes, pêcheurs, l’endroit émanait du pittoresque à en revendre. De l’autre côté, nous avons foncé vers un vignoble afin d’arriver à temps pour profiter d’une dégustation au coucher du soleil.<
Au lac Inle, l’activité de choix est la balade de bateau sur le lac. Or, je tente normalement de me tenir loin de ce genre de truc, car ils s’articulent généralement autour de multiples visites dans des ateliers/boutiques d’artisanat pour touristes et où l’on s’attend évidemment à ce que l’on débourse. Pour ma part, je m’étais pleinement satisfait de notre traversée du lac, mais Audrey semblait malgré tout vouloir participer à un tel tour. Il en était de même pour nos amis du Colorado. Par hasard au souper, nous sommes retombés sur le même duo d’américains rencontrés à Bagan. Étant le genre de voyageurs solidement emmerdés par les circuits shopping, ils nous ont quand même véhément recommandé la balade et nous ont même mis en relation avec leur guide. Pour eux, la journée avait débuté par l’incontournable visite dans les échoppes de souvenirs, mais en expliquant finalement à leur accompagnateur que cela les ennuyait et les rendaient mal à l’aise, ce dernier a réorienté la visite vers les villages et les à même emmenés prendre le thé avec sa grand-mère, non sans leur confier qu’ils auraient dû lui dire plus tôt que c’était le genre de visite qu’ils préféraient. Convaincus, nous avons donc engagé Aishan pour le lendemain avec comme consigne stricte de ne pas mettre les pieds dans les boutiques et d’avertir son ancêtre que nous allions débarquer chez elle pour un thé.
À l’heure convenue le lendemain donc, nous sommes présentés au bateau et avons tous les quatre pris place dans notre barque motorisée par un diesel plutôt bruyant. Passant premièrement par un monastère sur pilotis, nous avons par la suite navigué au travers de plusieurs villages flottants et canaux pour arriver à un temple plutôt chouette flanqué de centaines de pagodes. Ceci fait, nous nous sommes arrêtés pour le repas du midi, avons visité un autre temple puis nous sommes dirigés vers le village d’Aishan, non sans à nouveau passer par de pittoresques agglomérations sur pilotis et champs flottants. Une bonne partie du lac Inle est cultivée de cette manière où sur des radeaux de substance végétale entremêlée de terre poussent tomates et autres, leur racine perçant ce support pour descendre directement dans l’eau. Comme de fait, la culture hydroponique n’est pas une invention occidentale.
Au passage et à la demande de Josaiah, Aishan nous a tout de même emmenés visiter une manufacture de cigares birmans. Tout de même intéressant, mais réalisant que les prix avaient été presque décuplés, nous nous sommes contentés de laisser un pourboire pour la présentation et les échantillons. Arrivés chez Aishan, nous avons fait la connaissance de sa famille autour d’une tasse de thé, puis le tour des forges du village.
La veille, Aishan nous avais confié être forgeron lorsqu’il ne conduisait pas de bateaux et intéressé par ce genre d’artisanat, j’avais émis le désir de le voir à l’œuvre. Sauf que là, on avait pas affaire à des ateliers de textiles, bijoux et autres bidules pas très utiles pour touristes; chaque forge se spécialisait dans la fabrication d’objets d’usage comme couteaux, ciseaux, marteaux, cloches, haches, etc. au moyen de métal recyclé. Fascinant de voir que cet art, depuis longtemps disparu de nos sociétés, est encore bien d’actualité ici. Étant tous sensibles à du bon marketing, Josaiah et moi n’avons pas pu nous empêcher de nous procurer une hache comme digne souvenir du lac Inle. En nous la remettant, Aishan nous a avertis d’être prudents, car elle était encore chaude. Ravi par la situation, Josaiah s’est aussitôt esclamé en bon américain:
It’s still hot! When in life do you get to buy an axe fresh out of the oven! This is so f*cking awesome!
La journée s’est terminée autour d’une bière de riz et d’une salade de tomates fraîches offertes par Aishan. Contrairement à bien des guides pour qui ce genre de travail n’est rien d’autre qu’un gagne pain qu’ils accomplissent sans passion, le nôtre était ravi de pouvoir faire découvrir à des étrangers sa région et son peuple. Le plus étonnant, c’est que ces neuf heures de bateau ne nous ont coûté qu’un tout petit total de 22$ (et 10$ de pourboire bien mérité). Un prix dérisoire pour un tour qui sérieusement se classe dans le palmarès des visites les plus agréables de tous mes voyages (avis partagé par tous).
Bien malheureusement, ceci allait clôturer notre passage à Inle, car il nous fallait retourner à Rangoun. Très dommage, car il s’était créé une excellente relation avec nos amis du Colorado. Un peu plus tôt au Myanmar, j’avais proposé un passage par Nyapitaw, la capitale artificielle histoire de tâter un peu l’atmosphère de l’endroit, mais Audrey étant en carence de motivation face à ce genre de délire et ne disposant que de peu de temps, j’ai été contraint de faire une croix sur ce projet. Après une nuit d’autobus, nous étions de retour à Rangoun. Tous deux n’ayant fermés l’oeil guère plus de trois heures, il a fallu compléter la nuit une fois rendu à l’auberge, ne nous laissant finalement que le temps d’une petite balade dans le centre ville et d’un dernier BBQ bien arrosé. Ayant raté le dernier bus de ville, nous avons parcouru la majeure partie du chemin du retour dans la boîte d’une camionnette puis avons complété les derniers kilomètres à pied. Contrairement à notre premier passage à Rangoun, nous avions élu domicile dans une auberge loin du centre-ville et proche de l’aéroport, car notre vol vers le Japon partait tôt le lendemain.
Au final, le Myanmar s’est montré largement à la hauteur de nos attentes: facile et agréable à voyager, sa population sympathique et encore authentique. Exactement ce que nous désirions comme avant-dernière destination, tant Audrey que moi sommes très satisfaits d’avoir pu braver la chaleur pour profiter de la basse saison et découvrir un pays qui, au risque de le répéter, change très vite et perdra beaucoup de son attrait dans le futur.