Almaty commençait à être un peu trop froide pour y passer nos journées dehors. Tashkent, capitale de l’Ouzbékistan (600 kilomètres à l’ouest) avait un retard sur l’automne et il y faisait un beau ciel lorsque nous y sommes atterris. Une fois nos bagages récupérés, nous nous sommes rendus dans le hall des départs pour tenter de faire rallonger notre visa ouzbèke de quelques jours, car en raison de notre retard, nous n’en avions plus que 10 pour visiter le pays et faire notre demande de visa turkmène. C’était trop peu. Or, contrairement à ce qui était indiqué sur internet (que c’était impossible), Sven s’était fait rallonger le sien d’une bonne semaine sans questions et moyennant un petit 40$. Malheureusement, l’agent de l’immigration n’a rien voulu savoir et nous a informé qu’il ne ferait rien tant que l’organisation qui nous a invité au pays, soit l’auberge où nous allions résider à Tashkent, (il faut une lettre d’invitation pour être admis en Ouzbékistan) ne l’appellerait pas pour justifier l’extension. Déçus, nous avons pris le chemin de l’auberge. Arrivés-là, nous expliquons la situation au préposé à l’accueil et celui-ci nous passe un propriétaire au téléphone. Ce dernier nous indique que les extensions de visa ne se font que dans des cas d’urgence, comme un séjour à l’hôpital. L’attente du visa turkmène ne qualifie malheureusement pas, mais il nous encourage toutefois à appliquer quand même car parfois, l’ambassade est capable de le délivrer en 5 jours ouvrables plutôt que 10. Quel bordel ces visas…
Tout de même excités d’être à Tashkent, Audrey et moi quittons pour aller faire notre premier petit tour de la ville. Le plan est de prendre le métro, de faire quelques stations pour nous rendre à un restaurant bien coté dans le guide, puis de revenir à pied. Tashkent est de loin la plus grande ville d’Asie Centrale. Elle a beau être construite sur un plan soviétique, c’est à dire avec d’immenses boulevards, elle est tout de même très verdoyante et possède de nombreux parcs. Il était 23h00 quand nous sommes revenus à l’hostel. Le casse-tête du visa turkmène a occupé une bonne partie de nos conversations de la soirée et je me rappelle avoir lancé plusieurs fois l’idée de retourner à l’aéroport après notre marche pour insister auprès du service d’immigration (ouvert 24h). Audrey ne l’a pas compris ainsi (ah, la communication dans les couples…) et lorsque je l’ai invité à s’habiller pour se rendre à l’aéroport de nouveau, il s’en est suivi une petite altercation verbale. Au final, j’ai remporté la manche: il fallait tenter notre chance…
De retour au même bureau visité quelques heures plus tôt, je cogne et entend quelqu’un se réveiller. Une minute plus tard, la porte s’ouvre. Merde, c’est le même agent qui nous a reçu la première fois. Je tente à nouveau de plaider ma cause mais rien n’y fait. Éventuellement, ce dernier appelle le contact de l’agence qui nous a invité au pays et me passe le téléphone. Cette fois-ci, c’est le deuxième propriétaire de l’hostel. Il m’explique que nous venons d’arriver au pays et que si l’immigration rallonge notre visa, ils ne le feront pas à ce moment (logique en fait). Il m’invite ensuite à retourner à l’hostel pour que l’on en discute. Une fois en face de lui, je m’excuse mille-fois de l’avoir dérangé à une heure si tardive pour des emmerdes administratives, mais de nature très amicale (comme propriétaire d’une auberge, il le faut), il ne m’en tient pas rigueur. En résumé, il nous dit qu’il pourra en temps et lieu rallonger notre visa et que la procédure est simple. Cependant, pas le premier jour de notre arrivée. Il nous conseille donc d’aller demander notre visa turkmène et si effectivement il y a des délais et bien il avisera. Tout cela m’a beaucoup rassuré et conforté dans l’idée de m’être donné tout ce trouble pour retourner à l’aéroport. S’il fallait que je passe par ces difficultés pour avoir l’information dont j’avais besoin et bien cela en valait le coup. Ce genre de situation arrive souvent dans des pays dont on ne parle pas la langue, où le web n’a pas encore totalement percé et où les règles changent d’un mois à l’autre. Obtenir de l’information fiable et à jour demande de déployer des efforts considérables. Bref, il était près d’une heure du matin et nous fallait gagner le lit car nous devions nous réveiller vers 5h00 pour être à 6h00 devant l’ambassade du Turkménistan. Du moins, c’était l’heure d’arrivée suggérée par notre guide, car même si l’ambassade n’ouvrait qu’à 9h00, il fallait placer son nom sur une liste d’attente.
Sur place quelques heures plus tard (et pas mal fatigués par une si courte nuit), le garde en poste nous demande ce que nous faisons là et nous indique qu’il n’y a pas de liste et que nous devrions revenir à 9h00. Bon, j’imagine que la consigne d’arriver très tôt ne s’appliquait qu’en haute saison (toujours difficile à savoir). Retour à l’hôtel pour une sieste et à nouveau, nous revoilà à l’entrée de l’ambassade du Turkménistan vers 8h45. Ce coup là, quelques gens attendent et effectivement, il faut mettre son nom sur une liste. Cependant, aucune cohue, il y a une dizaine de personnes à tout casser. À l’ouverture, les gardes vérifient nos passeports et nous passons le portail pour pénétrer dans l’ambassade toute faite de marbre (à l’image d’Ashgabat, capitale du Turkménistan). La salle où l’on est reçu est propre et austère. Derrière une vitre, des préposés s’affairent à recevoir les demandes de visa, surveillés par un portrait grand format du président turkmène. Le personnel, très sympathique et serviable, nous a guidé au travers du processus si bien qu’en une petite demi-heure, notre demande de visa de transit était déposée.
Il existe deux types de visa permettant de visiter le Turkménistan: le visa de tourisme et le visa de transit. Pour le premier, il faut avoir été invité par uneagence possédant un permis du gouvernement et débourser au delà de 200$US quotidiennement par personne pour couvrir les frais, notamment ceux d’être accompagné en permanence par un guide. Pour le deuxième, octroyé lorsque l’on a besoin de passer par le pays pour se rendre à notre destination subséquente, il ne dure généralement que cinq jours, n’engage aucune dépense faramineuse et permet d’être à toute fin pratique libre. Le choix est facile? Pourtant, la demande du visa turkmène de transit a beau être une affaire plutôt standard au niveau administratif, il est délivré de manière aléatoire ou du moins, personne ne sait selon quelles règles certains sont refusés et d’autres acceptés. Le taux de refus avoisine les 50%. Apparemment, les hommes barbus voyageant seuls sont ceux qui essuient le plus d’échecs alors pour l’occasion, je me suis rasé complètement la barbe et Audrey et moi avons pris soin d’indiquer que nous étions mariés sur la demande.
De retour à l’hostel, nous nous sommes évanouis dans nos lits pour quelques heures puis sommes partis en visite dans Tashkent. Première destination, le marché centrale de Chorsu (le plus gros d’Asie Centrale). Malheureusement, l’endroit s’apprêtait à fermer lorsque nous y sommes arrivés, mais nous sommes tout de même parvenus à en avoir une bonne impression (et à vouloir y retourner lors de notre prochain passage à Tashkent). Par la suite, passage au complexe religieux Hazrati (plusieurs mosquées) et finalement, marche jusqu’à l’hostel de Sven, un ami de voyage rencontré jusqu’à maintenant dans tous les pays traversés. La soirée a débuté autour d’un bon souper dans un restaurant Coréen (nombre d’entre eux ont émigrés en Asie-Centrale lors de la seconde guerre mondiale) puis s’est terminé à leur hostel autour de plusieurs bières.
Lever tardif le lendemain puis direction centre du plov, ce fameux restaurant de Tashkent qui se spécialise dans la préparation de ce met bien ouzbèke (légumes, riz, viande, le tout cuit dans du gras de mouton). Le restaurant se situait de l’autre côté de la ville alors pour la course, le taxi nous a demandé un gros 2,50$. L’Ouzbékistan est l’un des pays le moins cher qu’il nous ait été donné de visiter. Le prix du logis avoisine les 10$US par lit, mais c’est parque le service est destiné aux étrangers. Pour le reste, on compte 1$ par personne pour manger, des en-cas à 40 cents, la bière en coûte 80 et la cigarettes 1$. Pour le métro, c’est 25c du billet et une course de taxi raisonnable coûte moins de 1$. Bref, on ne dépense que très peu. Heureusement, car la gestion de l’argent est un peu problématique ici. Premièrement, il n’y a pas d’ATM et il faut systématiquement changer les dollars US dans des bureaux autorisés par le gouvernement qui distribuent des somonis à un taux fixe de 8000 somonis pour 1$. Pour les coupures, c’est 200, 500, 1000, 5000, 10000 et 50000, les deux dernières ayant été introduites en 2017 et sont donc plus rares. L’inflation a vraiment eu des conséquences désastreuses ici. Conséquemment, l’on se promène toujours avec d’énormes liasses où même des briques de billets pour certains ouzbèkes.
Bien repus par deux immenses plov, nous avons poursuivi nos errances dans Tashkent en nous dirigeant vers le parc central. Contrairement à bien d’autres villes dans la région, la température était encore très agréable à Tashkent. Pour la soirée, encore un repas avec Sven et sa copine. De retour à leur hostel, un espagnol s’est joint à nos conversations qui ont alors pris une tournure plus politique, notamment sur la question du dernier référendum d’indépendance en Catalogne.
Nous avions déjà rallongé notre séjour à Tashkent d’une journée, alors si nous voulions avoir le temps d’aller visiter d’autres endroits dans le pays, il nous fallait quitter le lendemain direction Samarcande.