Pushkar est un lieu saint qu’en théorie chaque hindou se devrait de visiter au moins un fois dans sa vie. C’est aussi la mecque du Baba-Coolisme ou des hordes de voyageurs habillés en pantalons amples et aux cheveux décorés passent leur journées à se prélasser dans la complaisance de leur style de vie “alternatif” sous les douces effluves de la marijuana. De tous les endroits sacrés en Inde, Audrey et moi ne comprenons toujours pas pourquoi Pushkar a été à ce point envahie d’occidentaux sur la dérape, de boutiques d’accessoires et de vêtements hippies et de restos israéliens (ouvrez vos horizons culinaires bordel!) Ça jure énormément avec le sacré de l’endroit.
Après une dure journée de conduite donc, c’est à un resto de touristes que nous avons choisi de souper. Ayant un peu marre de la cuisine indienne, certes végétarienne, mais ô combien peu santé (du gras et des féculents essentiellement), nous avions le goût de pizza. Bien remplis par un copieux repas, nous avons terminés la soirée en marchant sur les ghats du lac de Pushkar (quais en escaliers faits pour se baigner).
Moi qui me nourrit de quantités absurdes de bouffe de rue, il a fallu que ce soit un restaurant de touriste qui me refile une intoxication alimentaire. J’ai donc passé une bonne partie de la nuit aux toilettes et suis resté couché jusqu’en milieu d’après-midi, aux bon soins d’Audrey. Éventuellement, j’ai réussi à reprendre assez de mieux pour aller faire un petit tour de Pushkar, soit grimper jusqu’à je ne sais quel temple surplombant la ville et aller en visiter un autre dédié à Brahma. Pour le reste de la soirée, nous nous sommes évidemment tenus tranquilles. Personnellement, je ne suis pas trop fâché d’avoir vu si peu de Pushkar, l’ambiance lors de fêtes hindoues doit y être électrisante, mais en temps normal, ça fait plutôt Thaïlande.
Avant dernier leg de notre aventure et ce n’est pas plus mal, il faut dire que la route au Rajasthan commence se faire un peu monotone, le paysage est surtout plat et d’un village à l’autre, les choses commencent à se ressembler. Histoire de pimenter un peu la journée, je me suis amusé à faire l’ascension d’un chateau d’eau dans un village perdu. Étant donné la sécheresse qui règne dans la région, ils sont légions dans le paysage du Rajasthan et tous accessibles par des marches.
La première partie du trajet s’est effectuée par les petites routes, mais pour la deuxième, pas d’autre choix que de passer par un axe majeure qu’il a fallu partager avec les camions et les autobus (aussi cinglés ici qu’ailleurs). Les choses ont vraiment commencé à se corser lors de notre arrivée en pleine heure de pointe à Ajmer, une ville de bonne taille. Pour Audrey, le niveau de difficulté a grimpé de quelques crans, tout comme le stress. Naviguer le trafic Indien demande une bonne maîtrise de sa moto, d’être extrêmement attentif à ses alentours et de prévoir au maximum la survenue d’obstacles et de situations problématiques. Tout le contraire des Indiens, qui ne se soucient que de ce qui se trouve dans leur champ visuel immédiat (la plupart n’ont pas de rétroviseurs). D’ailleurs, nous avons croisé pas moins de trois accidents mineurs lors de notre traversée de la ville. Le dernier, il a fallu qu’Audrey évite de justesse un conducteur de moto qui venait de glisser devant elle. Je le dis et le redis, heureusement que personne ne roule vite ici. Oui, la route Indienne est dangereuse, mais nous prenons les précautions nécessaires.
Il est toutefois intéressant de noter à quel point la circulation est quand même fluide en Inde et ce malgré le chaos. Le trafic est principalement composé de motos et vu l’absence de toute signalisation, on ralentit, mais l’on ne s’arrête que peu. L’ajout de feux entraînerait probablement des bouchons monstres. Pourrions-nous appliquer la même recette à nos routes? Certainement pas, nous roulons beaucoup trop vite et conduisons pour la plupart des voitures. De plus, ceux qui pâtissent le plus de cette absence de règles sont évidemment les piétons. En Inde, personne ne s’arrête, il faut se frayer un chemin parmi les véhicules en mouvement. L’ordre des priorités routières est l’inverse du nôtre, camions et autobus en tête de file et piétons en dernier.
Bundi, c’est le Rajasthan hors circuit. Tout le charme et la splendeur moins l’achalandage et le harcèlement. Même sans avoir mis les pieds en ville, nous n’avons eu aucune difficulté à accepter ces propos de notre guide. De la terrasse de notre hôtel (le meilleur à ce jour), en sirotant notre bière, nous avions vue sur le palais, le fort, un bâoli (puits en escalier) et la vielle ville toute colorée. En bonus, le tintamarre des temples hindous mêlés aux appels à la prière des multiples mosquées résonnant dans la vallée. Ayant déjà consommés quelques bières, nous nous sommes limités à ce spectacle pour la fin de la journée.
Au lever, déjeuner, travail puis visite. Premier arrêt, le marché, car Audrey voulait y trouver des cadeaux typiques du Rajasthan. Au même endroit se trouvaient trois autres bâolis. Le premier, nommé Rani Ji Ki, était très décoré, mais étant un site gouvernemental, largement clôturé et aseptisé. Les deux autres puits par contre (Nagar Sagar Kund), entièrement laissés à l’abandon (et donc extrêmement souillés), étaient accessibles dans leur entièreté. Spectaculaires en raison de leur profondeur dépassant les 30 mètres, j’ai réussi malgré les immondices à en rejoindre le fond pour y prendre de spectaculaires photos.
Par la suite, nous nous sommes dirigés vers rien d’autre que l’immense palais/forteresse de Bundi. Il était déjà un peu tard à notre arrivée, donc nous avons donné priorité au fort de Taragarh, bâti en hauteur du palais sur la colline. Passé la porte d’entrée, c’est un immense complexe de bâtiments laissés à l’abandon depuis des décennies qui s’est ouvert à nous. Le terrain de jeu parfait pour une belle promenade, bien des découvertes et une vue imprenable . La lumière tombait lorsque nous nous sommes finalement décidés à quitter cet endroit magique. Malheureusement, le palais venait de fermer ses portes.
Comme nous allions dépasser le kilométrage alloués par nos locations de motos, j’ai appelé la compagnie afin de rallonger notre périple. Notre trajet ne nous permettait que deux jours à Bundi, mais compte-tenu de l’extension, nous avons pu rallonger notre séjour d’une journée, à notre grand bonheur. Étant donné que nous n’avions pu voir le palais la veille, c’est naturellement là que nous avons entamé la visite. À l’image du fort, le palais n’avait pas été restauré ni entretenu pendant bien des années, conséquemment la majeure partie était fermée au public, car principalement habitée de chauves-souris. Par tous les moyens possibles, j’ai tenté d’y avoir accès mais en vain. Autrement, le peu de touristes et le coup d’oeil surprenant sur le vieux Bundi en contrebas en valait vraiment la peine.
Par la suite, c’est vers un lac non loin que nous nous sommes dirigés; apparemment bucolique et bordé de quelques petits temples et autres attractions. Deux blancs marchant sur le bord d’une route plutôt passante, ça l’attire l’attention, alors nous ne nous sommes pas trop éternisés dans le coin. Vu qu’il paraissait possible de revenir par l’autre côté de plan d’eau, nous avons bifurqué vers ce qui semblait être un chemin le contournant.
Malheureusement, ce dernier nous a mené droit vers un marais. Idem pour les deux tentatives ultérieures jusqu’à ce que finalement, nous parvenions à la réelle fin du lac et nous engagions pour la marche de retour sur de petits sentiers tracés par les vaches et les chèvres, finissant dans une zone apparemment contrôlée par la police, vu la quantité rencontrée sur le chemin. À nouveau en ville, nous en avons profité pour nous restaurer de quelques assiettées de bouffe de rue pendant qu’un petit cordonnier de trottoir réparait mes bottes, depuis longtemps défoncées par tant de marche.
De l’autre côté de la vallée, sur la colline opposée au palais, se dressait un petit cénotaphe et un reste de fortification. Histoire de profiter une dernière fois du magnifique panorama offert par l’endroit, je l’ai escaladé en vitesse afin d’arriver à temps pour le coucher du soleil. Décidément, Bundi avait tout pour plaire; loin du circuit, authentique et pittoresque. Et de dire qu’il s’est fallu de peu pour que nous n’y passions même pas; nous aurions manqué la plus belle ville du Rajasthan et de l’Inde (jusqu’à maintenant).
Grasse matinée bien méritée, alors nous avons quitté Chittorgarh plus tard qu’à l’habitude. À la sortie de la ville, nous sommes tombés sur une autoroute indienne plutôt banale, alors à la première occasion, nous avons bifurqué vers une route tertiaire. De qualité kazakhe (c’est à dire, défoncée), il nous a fallu un bon 3 heures pour parcourir le tiers de notre trajet. Encore une fois par contre, le détour en valait la peine; ces petits détours ne manquent jamais d’agrémenter notre journée et à chaque pause, Audrey et moi nous comptons ce que l’un ou l’autre a pu manquer au passage: as-tu vu le rassemblement d’hommes à turbans? la vache avec des immenses cornes? les gens en train de se laver dans la rivière? la procession de dames en saris toutes transportant des cruches d’eau sur leurs têtes? C’est étonnant à quel point l’Inde rurale est empreinte de traditions. Cependant, la coupure est flagrante: les gens de notre âge sont pour la plupart en jeans-chemise avec lunettes de soleil et téléphone intelligent (pour les hommes du moins). Désolé, pas trop de photos; s’arrêter en plein village nous expose à beaucoup trop d’attention, déjà que notre passage fait tourner pas mal toutes les têtes. De plus, les anciens sont généralement réticents à ce qu’on les prennent en photos. Les Indiens ne sont pas dupes (ils ont la télé quand même) et se rendent bien compte du fait qu’ils font partie de la tranche de population plus pauvre du pays.
De retour sur une route plus majeure, le pas s’est accéléré. Le paysage, toujours beau et intéressant. La Rajasthan a ceci de magique qu’à bien des endroits il conjure réellement des images de temps immémoriaux où divers souverains à la tête d’armées de cavaliers et de lanciers prenaient de siège d’imposants forts par soif de pouvoir ou par rétribution. Oubliez l’Europe médiévale, les histoires d’héroïsme chevaleresque, de batailles sanglantes et de conquêtes, c’est au Rajasthan qu’elles se déroulaient. De notre côté, tant de route, ça fait mal au cul. Les sièges de motos ne sont pas si mal que ça, mais au bout de quelques heures, la chaleur et les bosses finissent par sérieusement endolorir nos postérieurs.
Une petite erreur de navigation a transformé un courte journée en l’une des plus exigeants jusqu’à maintenant. Qu’importe, notre écart de trajet nous a fait passer au travers de plusieurs endroits assez pittoresques. C’est quand même étonnant de voir à quel point les techniques ancestrales sont encore pratiquées en Inde: manufacture de brique à la main, labourage avec des vaches, récoltes à la faux, pompage d’eau d’irrigation manuel et j’en passe. Nous avions tout même pris du retard, alors le repas du midi a été interverti avec un bouteille de Pepsi histoire de ne pas trop perdre de temps. Une fois revenus sur la route principale, les kilomètres se sont avalés sans difficulté jusqu’à Chittorgarh, une ville réputée pour … son fort; désolé, c’est l’attraction principale au Rajasthan.
Occupant un promontoire rocheux de six kilomètres par deux, Chittorgarh a peu à envier à Kumbhalgarh. D’ailleurs, le premier était la résidence première des rajhs du coin, qui allaient se réfugier dans ce dernier lorsque l’ennemi frappait aux portes. Malheureusement arrivés trop tard pour correctement le visiter, nous nous sommes contentés de parcourir la route suivant sa circonférence. L’horizon s’était opacifié d’un air chargé de sable et il nous semblait que la tempête s’annonçait, alors nous avons filé vers la ville au pied du fort et trouvé rapidement un hôtel bon beau pas cher.