Si ce n’était pas des transports, le Japon ne serait en fin de compte pas si coûteux qu’il n’y paraît. La nourriture y est plutôt abordable et les hôtels, si l’on se donne la peine de chercher les aubaines, sont bien moins chers qu’au Canada. Question déplacement, par contre, pas moyen de s’en tirer à bon compte, à un point tel que prendre l’avion reviendra moins cher que le train sur de longues distances. Cependant, il fallait qu’Audrey vive l’expérience Shinkansen, le TGV japonais. Si rapide, mais si fluide, filant à toute allure parmi rizières et montagnes. Nous avons donc déboursé le gros prix pour l’emprunter jusqu’à Nagoya et ensuite revenir sur le réseau ferroviaire régional jusqu’à Magome-juku.
Nous n’avions même pas mis les pieds au Japon qu’Audrey avait souhaité aller faire un tour dans la campagne; aspect de ce pays que j’avais omis de visiter lors de mon premier passage. Le choix évident dans l’axe Osaka-Tokyo était bien entendu le mont Fuji, mais étant trop de bonne heure en saison, il n’allait pas être possible de le gravir et même là, l’endroit nous paraissait un peu surfait. Suite à un brin de recherche, Audrey est tombée sur Magome-juku, un village-étape sur l’ancienne route Kyoto-Tokyo ayant conservé son charme de l’époque. D’ailleurs, le suffixe -juku signifie «poste».
Juché dans les collines, Magome-juku se rejoint en prenant le bus depuis la gare de Nakatsugawa. Arrivés sur place, il n’était même pas encore cinq heures de l’après-midi, mais presque tout dans le village était déjà fermé à l’exception d’une boutique d’aliments du terroir et d’un petit marché. Notre gîte, un ancient pensionnat pour garçon et un magnifique bâtiment construit tout de bois, n’hébergeait qu’une poignée de touristes. Magome-juku était définitivement un endroit tranquille. La principale attraction de la région était le sentier Nakasendo, cette vielle route postale reliant Kyoto et Edo (maintenant Tokyo) passant au travers de pittoresques villages et lequel nous avions l’intention de parcourir jusqu’à la halte suivante le lendemain. En attendant, la soirée allait être tranquille, nous nous sommes cuisinés un repas de pâtes sauce tomate avec salade de chou achetés au marché du village puis nous sommes couchés après un peu de temps passés devant nos écrans. Vu qu’il n’y avait aucun restaurant ouvert en soirée à Magome-juku, nous avions étés contraints de nous procurer des victuailles au marché. Non seulement cuisiner soi-même au Japon ne représente pas une si grande économie, mais c’est surtout une opportunité perdue d’aller savourer un excellent repas japonais.
Après un solide déjeuner nord-américain bacon-oeufs-patates, nous nous sommes engagés sur le sentier Nakasendo pour une journée de marche. Le trajet était définitivement populaire, mais les villages que nous traversions l’étaient encore plus. Un résident de la région, servant le thé bénévolement dans une maison d’époque nous a expliqué que le sentier était très visité par les touristes européens et japonais, mais que les chinois et coréens – fidèles à leurs habitudes – circulaient en autocar sans daigner de marcher le chemin. Pour notre part, une fois rendu au village étape suivant, nous avons emprunté le train pour revenir à Nakatsugawa et parcourir à pied les quelques dix kilomètres pour revenir à Magome-juku, prenant quelques détours involontaires dans la ville afin de retrouver le sentier. Qu’importe, se perdre au Japon n’a rien de déplaisant. De retour à notre auberge, nous avons complété notre journée dans un onsen, ces bains chauds japonais qui ont eu tôt fait de nous remettre d’un bon 30 kilomètres de randonnée. Séparé d’Audrey pour l’occasion (les onsens se fréquentent complètement nus), j’ai fait la rencontre d’un péruvien avec qui j’ai pu pratiquer de l’espagnol. Cocasse vu que lors de mon dernier passage dans un autre établissement du type, j’avais pu pratiqué cette même langue avec un autre touriste.
Le jour suivant, nous nous sommes rendus à Nakatsugawa à la marche et nous sommes concentrés sur de l’exploration urbaine dans une petit centre régional, constatant qu’ici comme dans les plus grandes villes, nous retrouvions sans trop chercher le charme japonais. Quand même excellent cette initiative qu’a eu Audrey d’aller visiter ce petit coin de pays. Le lendemain, c’est sous un temps pluvieux que nous avons pris le train jusqu’à Tokyo, notre ultime destination de ce périple de plus de dix mois, mais non la moindre.