Perú – Cuzco, Machu Picchu, la vallée sacrée des Incas

Bon, bon, bon…. je dois vous parler du contexte de ma relation avec le Perú. Elle n’est pas extraordinaire, ni particulière, ni privilégiée. Mais chaque voyageur développe une relation avec le pays, l’endroit qu’il souhaite visiter. Certaines personnes nourrissent des rêves dès l’enfance d’un voyage bien spécifique, rêves parfois chéris bien au-delà de l’âge adulte. La rencontre revêt alors un sens tout particulier et devient encore plus spectaculaire. À moins d’être déçu bien sûr, mais ça c’est un autre enjeu, bien plus rare je l’espère! De mon côté, c’était un peu l’inverse au regard du Perú. Pour une raison que j’ignore, ce pays n’était pas sur mon radar. Pourtant je connais plusieurs personnes qui y sont allées, et qui ont été transportés par les merveilles qu’ils y ont vues. Mais peut-être est-ce justement là que mon (petit) désintérêt puise sa source : en avoir entendu parlé longuement. Et peut-être craindre d’en être déçue. Mais avant même de visiter les sites qui s’en viennent, et qui sont largement reconnus comme les perles péruviennes, j’avais déjà été conquise. La brutalité sablonneuse du Nord, la force de la résilience de ses peuples, l’incontournable beauté de ses pampas et de ses montagnes… à chaque détour d’un regard, le pays ne me permet pas de demeurer indifférente. J’aurais souhaité y rester seulement deux semaines, dans mes prévisions, au contraire d’Antoine qui de son côté, attendait avec une relative impatience notre entrée au pays. Et bien, nous y serons restés quatre semaines, et j’en veux encore, il m’en manque, je reste sur une soif insoupçonnée et non étanchée. Et lorsqu’un tel environnement nous fait perdre contrôle sur nos propres plans de voyage, c’est le signe que la découverte a été réelle.

Cusco – 29 octobre au 1er novembre

Il est vrai que Cusco est le joyaux le plus précieux parmi les villes encore habitées du Perú. Les monuments coloniaux semblent rivaliser avec les traces de l’Empire Inca pour le territoire, la gloire et l’importance. Car les uns se sont construits sur les autres, littéralement. Certains immeubles présentent par exemple la fondation d’un ancien temple inca, sur lequel un cloître chrétien a été placé pour solidifier et imager son emprise sur le peuple. Difficile de faire plus clair comme modèle d’imposition coloniale. Malgré le poids de l’histoire, déambuler dans la ville est particulièrement agréable et l’on peut comprendre pourquoi cette vile est la porte d’entrée des étrangers, parfois à la recherche d’un contact presque mystique avec la région. Cusco est le mélange de tout ce qui l’a construite au fil de ses siècles.

D’ailleurs, après avoir visité des temples incas et s’être émerveillés devant l’ingéniosité des Incas, nous avons vécu…l’Halloween! En fait, le 31 octobre est au Perú “el dia de la canción Criolla”, soit le jour de la chanson créole. On célèbre alors des chants inspirés tant des premiers peuples, des espagnols et des esclaves Africains. Le style de musique serait présent depuis longtemps, mais se serait cristallisé au XXe siècle, notamment avec l’arrivée de la radio. La journée est donc bien remplies en activitées de toutes sortes, et le nombre de personnes déguisées m’a tout de même surprise. Je ne pense pas avoir vu un 31 octobre aussi festif chez nous… enfants et adultes sont costumés, jusqu’à tard.

Cuzco

Aguas Calientes mais surtout, le Machu Picchu – 1er au 2 novembre

Pour se rendre à l’ancienne cité inca du Machu Picchu, qui signifie en Quechua “vieille montagne”, nous devions laisser notre voiture, puisque le seul accès se fait par train ou à pied. J’ai d’ailleurs vécu un petit sentiment d’avoir raté quelque chose en ne prenait pas la voie du “chemin de l’Inca”, qui amenait les Incas par la forêt à ce sanctuaire, leur faisant éviter les Espagnols. Mais bon, on ne peut pas tout faire.

En arrivant à Aguas Calientes, qui est aussi nommé Machu Picchu pueblo (le village du Machu Picchu), j’ai eu une pensée pour le quartier de Tamel, à Katmandou au Népal : un condensé de petits endroits se lovant les uns aux autres pour accueillir les étrangers. Et dans les deux cas, on voit des gens qui reviennent de treks de plusieurs jours, pour déguster une pizza et une bière. Parfois, la rencontre entre expérience spirituelle et confort relatif de la modernité ne tient qu’à une douche d’eau chaude…! Mais c’est frappant de voir cet équilibre précaire : comme si le tourisme a nécessairement amené une manne indéniable, forçant aussi un rapport bien plus fréquent avec la commercialité ou certains aspects de modernité, parfois en contradiction avec la tradition. On peut penser que cela dénature l’endroit, mais nous faisons tous le choix du confort (à des degrés différents, bien sûr). Il est donc un réflexe humain, tant au Québec, qu’au Perú, et chacun façonne le maintien de ses traditions à sa manière.

Normalement, les gens réservent à l’avance leurs entrées sur le site du Sanctuaire du Machu Picchu. Bien que nous étions hors saison, les billets pour le trajet que nous souhaitions faire (pas mal tout le site) n’étaient disponibles qu’en décembre, même lors de nos recherches en octobre. Il est toutefois possible de se procurer l’un des 1000 billets rendus disponibles chaque jour directement au village. C’est donc cette stratégie que nous avons retenue, puisque nous ne connaissions pas notre date exacte. Sur les blogs, nous avions lu qu’il fallait se présenter presque aux aurores, que les files étaient monstrueuses, etc, etc… Et bien, nous sommes arrivés vers 13h30 en train, 6 employés étaient disponibles pour nous, et nous avons acheté LE trajet que nous voulions pour le lendemain… wouhou! À notre défense, le Perú donne maintenant le nombre de billets restants en temps réel, nous avons donc pu évaluer les derniers jours. Nous nous étions aussi donné le droit de rester une journée de plus, au cas…

Alors, le lendemain matin… je me suis levée un peu angoissée. Des miettes, seulement, rien d’inquiétant. Mais tout de même, j’ai réalisé à ce moment que ces miettes s’accumulaient depuis quelques jours, culminant à cette nuit. Car jusqu’à maintenant, le Perú m’avait subjuguée, les volutes de brume de ses montagnes et ses vents chauds et remplis de sel et de sable m’avaient complètement enveloppée. J’avais glissé pour sa beauté, comme on s’abandonne les yeux fermés au chaud soleil d’un été québécois en écoutant les cigales. Que me réservait le lieu emblématique d’un pays, de ses habitants et croyances, passés et actuels? Même si le Perú n’était pas sur mon radar et que je n’avais aucune attente il y a quelques semaines à peine, je les avais construites au fil des heures de route. J’avais maintenant peur d’être décue. Dans l’autobus, qui ne fait que le lien entre le village au pied des montagnes et “la vielle montagne”, je contemplais chaque petite beauté au fil des serpentins qui nous faisaient grimper. Les fleurs du paradis, la vallée qui grandissait sous mes yeux, le ciel d’un bleu clair et quasi immaculé couronné de nuages ouateux, qui grandissait tout autant. Et tout à coup… des pierres, des vestiges, comme s’ils avaient été déposés tout récemment au sommet de la “vieille montagne”. Peut-être choisie justement pour la sagesse qu’elle représentait aux Incas, qui sait. Ce qui est certain c’est qu’elle est un endroit sécurisé, qui les rapprochaient du soleil et de la lune, deux entité particulièrement importantes dans leur spiritualité. L’angoisse se transformait donc tranquillement en excitation, mêlée bizarrement de sérénité. Excitée de pouvoir enfin voir ce lieu mythique, au beau soleil sans pluie, et sereine parce que l’endroit commande ce sentiment. Nous étions tous perchés sur une montagne qui semble être un promontoire au milieu d’une vallée l’entourant en fer-à-cheval, au-delà de laquelle se dressent d’autres montagnes. Un endroit fier, et protégé. L’environnement est aussi spectaculaire que le site en lui-même, à mon sens.

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Ollantaytambo – 2 novembre

Au coeur de la vallée sacrée des incas, la ville est magnifique, apparemment encore organisée selon les plans initiaux des Incas. On y trouvent donc les petits canaux d’eau qui traversent la ville, les bâtiments avec cour intérieure, et possiblement encore plusieurs pierres de l’époque.

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En quittant la ville, je souhaitais initialement faire une randonnée qui devait nous amener aux “salineras de Maras”. Il est finalement possible de s’y rendre en voiture, ce que nous avons fait. Car en fait,  en redescendant du Machu Picchu à pied, je me suis tordue une cheville… je sais, ce n’est pas une bonne idée et c’est un peu ridicule, mais que voulez-vous, on ne peut pas toutes les gagner. Ces salineras sont donc des bassins dans lequel de l’eau s’écoulant des colines autour s’accumule, dont le débit est contrôlé selon des techniques savament maitrisées par les familles y travaillant : le déplacement de quelques roches aux bons endroits..! Ces quelques 3000 bassins existaient bien avant l’Empire Inca. Au delà de la production de sel, ce site offre un point de vue magnifique.

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Pitumarca – 3 au 5 novembre

Nous souhaitions faire une petite visite des montagnes de couleur, qui se trouvent au sud de la vallée sacrée. Il y a quelques sites différents, quelques randonnées différentes, mais un arrêt ici nous permettait de nous rapprocher du site. Et, afin de laisser un peu de temps de récupération à ma cheville, cet arrêt nous permettait aussi de ralentir un peu.

En arrivant, nous avons tout de suite senti une ambiance calme, authentique. Premièrement, nous sommes les seuls étrangers actuellement, c’est la basse saison. Et durant notre séjour tombait la fête du village voisin, collé à Pitumarca et séparé seulement d’une rivière. Pour cette fête, tous les petits hamaux de la régions venaient participer à un grand défilé. Les habitants de chaque village revêtent donc les habits d’apparat qui les représentent le mieux, dansent et chantent. La ligne est mince entre leurs habits usuels et les habits d’apparat, puisque la chaleur des couleurs et la créativité de la décoration sont au rendez-vous dans les deux cas. Et sur la place principale, les villageois de Pitumarca regarde avec satisfaction cette démonstration de fierté, ces festivités. Je peinais à tout regarder, tant les participants à la parade que les spectateurs me fascinaient. Quand le hasard nous amène à être témoins de tels petits et grands événements, le voyage en est encore plus riche.

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Plusieurs générations, plusieurs styles, une même attention respectueuse

Après notre mini pause à Pitumarca, sur notre chemin vers Arequipa, nous nous sommes arrêtés aux montagnes de couleurs, notamment Vinicunca et la vallée rouge. Levés à 5h15 pour partir tôt, car ces montagnes sont l’une des destinations les plus populaires maintenant. Les bus de touristes quittent parfois Cusco vers 3h du matin afin d’amener les gens le plus tôt possible, question de posséder l’espace pour eux seuls. Car oui, même si Internet foisonne de photos Instagram (avec un petit filtre parfois, quand même), ces montagnes étaient presqu’inconnues avant 2013 : elles se situent à environ 5000 mètres, donc il y a une douzaines d’années, elle étaient continuellement… couvertes de neige. Un nouvel endroit duquel profiter, mais avec un petit goût amer vu la raison.

 

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Après la fameuse montagne Vinicunca, gravie à force d’efforts de respirations difficiles vue l’altitude et les petites chevilles fragiles, nous souhaitions traverser dans la “valle roja”. Au sommet d’une crête, nous regardions voir ce qui se trouvait de l’autre côté et une dame, vêtue tout ce qu’il y a de plus traditionnement, nous faisait signe de nous en aller. Non, vous ne fouinerez pas sans payer…! Sur ses habits traditionnels, elle portait une veste jaune de sécurité, dénotant son rôle coercicif dans l’affaire. Et même si son Quechua ne nous permettait pas de comprendre exactement les mots qu’elle utilisait, sa matraque brandie était claire…! Hélas, nous n’avions que quelques soles sur nous, avons donc fait mine de quitter, mais on nous aura laissé passer quand même. Si ma cheville ne m’avait pas restreinte, j’aurais passé la journée à arpenter les couleurs, d’une coline à une autre, d’un flottement à l’autre.

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