Se faire voler deux cellulaires …

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Les galères en voyage font d’excellents souvenirs et celle-là se classe haut dans la liste.

Histoire de se donner un peu de mobilité, nous avions loué à Tunis une voiture afin de nous rendre en province faire un peu de tourisme.  Audrey était assise dans la place passager avant et se chargeait du guidage routier avec le téléphone de mon père.

La fenêtre de la voiture était entre-ouverte afin de laisser passer un peu d’air.

En un éclair, quelqu’un a passé sa main par l’ouverture et a saisi le cellulaire que ma copine tenait dans ses mains. Aussitôt, je suis sorti de la voiture pour courir après le voleur, mais 100 mètres plus loin son acolyte a commencé à me lancer des pierres. J’ai donc mis fin à poursuite et les deux malfaiteurs se sont enfuis dans le quartier non loin.

Nous nous sommes arrêtés au rond point pour reprendre nos esprits. Mes parents et ma copine étaient décidés à accepter la perte, mais j’ai poussé pour que nous appelions les voleurs avec mon téléphone afin de négocier un prix. Ne parlant pas l’arabe, je suis allé non loin de là trouver deux locaux qui buvaient de la bière en regardant des adolescents jouer au soccer et je leur ai expliqué la situation. Au premier appel , les ravisseurs ont décroché et nous en sommes venus à négocier un prix. Je suis retourné à la voiture me débarrasser de tout ce qui était de valeur sur moi pour n’avoir que l’argent de la transaction (100 dinars de moins en fait, devant la somme nous espérions que le voleur allait accepter la transaction). Mon père et moi sommes retournés voir nos deux ivrognes pour ne trouver que l’un des deux. Il était encore chaud pour la transaction. Je me suis engagé à ses côtés dans le quartier, laissant mon père avec les jeunes qui jouaient sur le terrain. Quelques minutes de marche plus tard, mon traducteur me demande l’argent. Je lui dit que je je veux voir le téléphone volé avant. Nous appelons les ravisseurs à nouveau pour nous assurer que la transaction à encore lieu, puis mon aide me demande mon téléphone pour aller à leur rencontre. Je lui propose de prendre son téléphone, mais ne voulant pas que son numéro soit connu, il refuse. Bon … c’est risqué, mais mon portable usé à la corde ne vaut de toute manière presque rien alors j’obtempère.

5, 10 puis 15 minutes s’écoulent et pas de trace de l’intermédiaire. Rapidement, j’ai accepté que je m’étais fait avoir et après avoir fait le tour du quartier et demandé à plusieurs passants s’ils avaient vu un barbu bedonnant avec un cellulaire à la main, tous me répondent que non. Je me rends finalement à l’évidence et rentre retrouver mon père au point de rendez-vous et le trouve entouré de jeunes en train de blaguer. Je lui dis que je retourne dans le quartier demander pour voir si à tout hasard mon interprète n’est pas revenu mais à mon retour, mon père n’est plus à notre point de rendez-vous.

Je cours rejoindre ma mère et Audrey pour trouver celles-ci entourées de toute la force de police du secteur. Voyant que nous ne revenions pas, elles sont allées au contrôle policier du rond point pour sonner l’alarme. Rapidement, je saute avec trois agents dans un pick-up pour aller à la recherche de mon père manquant. Le stress commençait sérieusement à monter. Quelques minutes après avoir quitté, nous recevons un appel d’autres policier nous indiquant que mon père est revenu à notre voiture de location. Voyant que le temps filait et craignant que les filles ne se fassent du soucis (c’était déjà le cas à 110%), il était revenu à la marche au point de départ de toute cette histoire.

Rendus là, plus n’avons guère eu le choix que de suivre les policiers au poste pour faire un déclaration. Pendant que nous étions assis dans un bureau délabré puant un peu la cigarette pour faire notre déposition, le reste de la force semblait en branle bas de combat. J’ai même été ramené dans le quartier où s’est déroulé le deuxième vol afin d’expliquer aux policiers le cours des événements. Ceux-ci en ont également profité pour interroger quelques locaux. De retour au poste, on finit par me présenter un adolescent d’une quatorzaine d’années me demandant si c’est lui qui a commis le crime. Je répond que non, les deux voleurs étaient dans mes souvenir plus grands et adultes. Qu’importe, le jeune est amené par le collet dans la salle d’à côté puis sérieusement malmené par quelques policiers.  On le verra sortir poussé par deux agents pour monter dans un véhicule de police, se tenant le côté du visage en sanglotant….

Une fois la paperasse en règle, nous voulions quitter mais le détective en charge du dossier nous encourage à patienter. Au bout d’une à deux heures, l’on remet un téléphone à mon père lui demandant si c’est le sien … après vérification tout semble en règle. Impressionnés, nous leur demandons bien naïvement comme ils s’y sont pris, le détective en charge de notre dossier répondra bien candidement:

En Tunisie, on ne respecte pas les droits de l’homme.

De son propre aveu, il n’auraient pas déployé autant d’efforts si nous n’étions pas touristes. Cette soirée là, toute la force s’est mobilités pour que nous ne gardions pas de un goût amer de notre passage dans leur pays. Encore plein d’adrénaline, nous avons regagné mon appartement et remis nos plans de voyage au lendemain.

Quelques jours plus tard, de retour dans la capitale, je reçois un coup de fil de la police pour m’informer que mon cellulaire a été retrouvé. Je me présente au poste de police et l’on m’invite dans un bureau où menotté je retrouve l’ami du tunisien qui m’a déjoué de mon téléphone. Me voyant, celui-ci m’implore de dire aux policiers qu’il est innocent, ce que je m’empresse de faire. Aussitôt les menottes sont retirées et frottant ses poignets endoloris, l’homme me confie avoir passé 3 jours derrière les barreaux pendant que son frère était allé chercher mon téléphone à 250km, car le barbu bedonnant qu’il m’avait dérobé mon téléphone n’était en fait qu’en visite à Tunis.

Déjà que je trouvais douteux qu’un jeune se soit fait brasser par la police… Qu’un homme passe 3 jours derrière les barreaux pour un vieux cellulaire dont la valeur ne dépassait pas les 40$? Disons que ma conscience était de moins en moins confortable avec le cours des évènements. Une fois sorti du poste, après 500 mètres, je me rend compte qu’un individu tente de me rattraper à la course. Je m’arrête. Mon poursuivant, un homme passé la soixantaine, peine à reprendre son souffle, mais parvient quand même à me faire comprendre dans un français cassé que la police détient son fils à cause de moi. Je prend l’épaule du monsieur et lui explique lentement en le regardant dans les yeux que j’ai clairement dit à la police que son fils était innocent. Je lui demande après de sortir son téléphone et sur ce dernier je compose mon numéro afin qu’il puisse me rejoindre s’il y a quoi que ce soit. Finalement, je sors de mon porte-feuille suffisamment d’argent pour compenser une partie des frais qu’ont encouru ces pauvres gens.

Heureusement, cette histoire ne viendra pas me déranger du reste de mon séjour. Tous les tunisiens me confirmeront que nous avons eu le droit au traitement touriste. Les petits larcins du genre son fréquents dans la capitale et il semblerait que la police a plutôt tendance à fermer les yeux sur ces crimes en échange d’une exaction sur les bénéfices des cercles de voleurs.

Même si le récit laisse transparaître du danger et de l’insouciance de ma part, il n’en est pas ainsi. Oui nous aurions pu accepter la perte du cellulaire et poursuivre notre voyage, mais disposant d’un moyen de communication direct avec les voleurs, nous devions tenter de négocier une ransom avec eux. Personne n’a jamais été en danger  et à chaque étape du processus nos gardes étaient assurées. Du reste, cet incident aura servi à réitérer l’importance d’éviter de montrer ses objets de valeur et de toujours sécuriser son véhicule, même lorsqu’on roule.

Bord de l’eau à Tunis

2 Replies to “Se faire voler deux cellulaires …”

  1. Merci Antoine du récit détaillé, Martine me l’avait raconté mais j’ai aimé le lire de ta plume. Ne pas s’exposer en voyage à l’étranger est une bonne leçon en effet.
    À bientôt!

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