Plusieurs Kazakhes rencontrés à Astana nous ont confiés venir d’Almaty, l’ancienne capitale au sud et lorsqu’ils apprenaient que justement elle se trouvait sur notre parcours, ils renchérissaient à l’unanimité qu’elle était beaucoup plus charmante qu’Astana. Comme de fait, c’est la première chose qui frappe lorsqu’on arpente Almaty, ses petites rues, toutes verdoyantes et flanquées de petits édifices vieillots. Astana, rappelez-vous, était tout le contraire : d’immenses boulevards dénudés de nature et bordés par d’immenses tours flambant neuves. Autre contraste, Astana est située au beau milieu de la steppe alors qu’Almaty se trouve en contrefort de montagnes dépassant le 4000 mètres et desquelles on aperçois glaciers et neiges éternelles.
La première journée donc, après avoir passé l’après-midi à l’ordinateur, nous avons sauté dans le téléphérique non loin de l’hostel pour monter le Kok Tobe et profité de ce promontoire pour observer le soleil se coucher sur la ville. Spectaculaire. Pour le reste de la soirée, rien de cette envergure, nous sommes simplement restés tranquille à l’hostel et plus tard, nous avons partagé une bière avec Aurélien, notre co-chambreur. Il avait voyagé jusqu’à Almaty en auto-stop depuis Shanghai en Chine et avait donc de bonnes histoires à conter. Il se dirigeait vers Baïkonour, le fameux cosmodrome russe, afin de tenter de voir décoller une fusée Soyouz qui emmènera un équipage vers la Station Spatiale Internationale. Par la suite, il se dirigerait vers la mer morte. Intéressant…
Au réveil le lendemain, nous avons discuté plus longuement avec Aurélien pour en apprendre plus sur son plan. Lors de la planification du voyage, en apprenant qu’il décollait un vol de Baïkonour alors que je me trouvais au Kazakhstan, j’avais sérieusement considéré y aller, mais à 1400 kilomètres d’Almaty, c’était peut-être trop loin. D’autant plus que pour rentrer sur le site, il fallait un laisser passer officiel que seulement certains opérateurs de tourisme étaient mandatés à émettre pour des sommes avoisinant les 1000-3000 euros (incluant le vol depuis Astana et un tour des installations). Aurélien n’avais de toute évidence par de tel permission et allait tenter de voir sur place s’il y avait des alternatives. Dans le pire cas, il allait espérer que la météo soit assez clémente pour le laisser observer le décollage depuis la ville à l’entrée du cosmodrome, située à quelques 40 kilomètres du pas de lancement. Il avait cartographié l’entièreté de la région et était de toute évidence bien préparé. Le risque d’échec était tout de même élevé, mais il était d’avis qu’il fallait au moins le tenter, car l’on est pas au Kazakhstan tous les quatre matins. Complètement d’accord… Après en avoir discuté avec Audrey pendant le repas du midi, nous avons décidé de nous aussi aller tenter notre chance et avons offert à Aurélien une place dans la Golf, chose à laquelle il a répondu un: “Ah ben carrément!”
N’ayant pas terminé la remise à niveau de la voiture lorsque nous étions à Astana, j’ai obtenu de la préposée de l’hostel des directions vers un marché aux puces de la mécanique similaire à celui de la capital. Avant d’y aller par contre, passage au Bazar Vert, un immense marché où il se trouve d’absolument tout à très bas prix et selon le guide un bon endroit pour tenter le lait de chamelle et de jument fermentés. Après avoir arpenté tout le complexe, nous sommes finalement tombés sur le petit stand qui vendait de ces produits. J’ai été plutôt hésitant, mais finalement, je me suis convaincu qu’il fallait tenter l’expérience. La vendeuse, habituée des touristes venant goûter de ces délices des steppes, nous a gentiment donné un petit fond de lait de chamelle.
Je goûte : c’est absolument infecte. Une sorte de jus de fromage chèvre périmé et beaucoup trop amer avec un fond de pétillant. Vient ensuite le lait de jument, encore là je goûte : même saveur que le précédent produit avec un distinct arôme de vômi en superposition. Je regoûte au lait de chamelle, tout d’un coup c’est un peu mieux. Audrey partage pleinement mon avis et a même avoué avoir eu une pensée nostalgique de sa soupe au kvac. Pendant que nous expérimentions avec ces produits du terroir, deux Kazakhes sont passés, ont promptement commandé un bon bol de lait et l’ont descendu sans même prendre le temps de respirer. Le lait de chamelle/jument est un goût acquis, c’est certain. Cependant, moi qui normalement adore fromages bleus, kimchis et autres trucs qui sortent de l’ordinaire, c’était hors de ma ligue.
Une fois arrivés au marché automobile (de l’autre côté de la ville), nous nous sommes arrêtés au premier garage pour obtenir un estimé. Son propriétaire parlait un bon anglais et nous a fait une offre raisonnable pour poser nos plaquettes (8$). Pendant qu’on travaillait sur la voiture, lui et moi avons discuté de plusieurs choses. C’était un Kazakhe bien nantis qui pouvait se permettre d’aller en Europe plusieurs fois par année. Il se décrivait comme heureux de vivre à Almaty, mais pestait contre la corruption, qui lui coûtait des centaines de tengues par jour. Des fois, c’était la police qui passait, d’autre fois l’inspecteur municipal, parfois les pompiers… tout le monde passait prendre sa petite cote. Inspectant en même temps notre voiture, il nous a évidemment questionné sur ce que nous comptions en faire. En apprenant que nous allions la vendre au Kirghizistan, il m’a avoué que nous allions obtenir un bien meilleur prix à Almaty et que ce genre de véhicule pouvait aller chercher 4000$US. Même lui était prêt à nous la prendre, alors il m’a demandé de lui donner un montant et pour l’exercice je lui ai sorti 3000 $US. Il m’a regardé d’un air étonné et m’a donné ses coordonnées. Comme l’importation de voitures est un casse-tête au Kazakhstan, il comptait la revendre en pièces détachées, mais cela nous importait peu. Imaginez, 3000$US pour une voiture qui nous a coûté 1100 Euros; nous allions non seulement récupérer notre investissement initial, mais allions en dégager un solide profit qui allait peut-être même payer essence et entretien. Il se peut que ce soit trop beau pour être vrai, alors je vais garder ma joie pour le moment où nous aurons une liasse de billets entre le mains. Les plaquettes posées et la voiture sortie du garage, Audrey et moi avons fait le tour du marché à la recherche d’un pneu pour finalement décider de laisser celui en place même s’il était très usé.
De retour dans notre quartier, j’ai tenté de réparer le problème de ralenti au démarrage, opéré une rotation des pneus pour en décommisionner un qui était vraiment, vraiment très usé et ai réorganisé un peu l’intérieur de l’auto. Sur la place d’à côté il se donnait un concert de musique folklorique alors aussitôt le repas (de cafétéria) terminé, nous nous sommes postés pendant une heure pour écouter deux orchestres Kazakhes interpréter de la musique nationale, mais aussi des airs plus occidentaux. Par la suite, j’ai travaillé un peu. Un peu je dis, car j’ai passé un bon deux heures à tenter de me renseigner sur l’observation d’un lancement à Baïkonour. Après m’être familiarisé avec le cosmodrome et la zone alentours, j’ai pu déduire que le décollage allait se faire vers le nord-est, car c’est l’orbite que suivait la Station Spatiale Internationale. Du reste, aucune autre information utile à part ce qui est donné par la canaux officiels, impossible de trouver un blogue ou un article de forum relatant l’expérience d’un voyageur ayant tenter de le faire de l’extérieur et sans permis. De nouveau nous avons prit un verre avec Aurélien qui rentrait d’une soirée avec des connaissances Kazakhes et c’en était de la journée.
Au matin, j’ai appris que Sven, un allemand rencontré à Astana se dirigeait lui aussi à Baïkonour. Nous allions donc être un beau petit contingent. La veille, nous n’avions pas pu faire réaligner la voiture, car le garage fermait bientôt. Nous sommes donc revenus au même endroit. Depuis sa nouvelle suspension, la Golf tirait de la droite et je soupçonnais que le désalignement était à l’origine de l’usure carrément exagérée des pneus avant. L’intervention allait certainement corriger la trajectoire et peut-être nous permettre de finir le voyage sur les pneus que nous possédions. En tout cas, pour 12$ ça valait de coup.
Une fois de retour, Audrey et moi sommes sortis prendre une marche (nous quittions demain, il fallait tout de même visiter un peu de ville) pour revenir à bord du métro tout neuf d’Almaty (évidemment construit à l’image de celui de Moscou) et rencontrer Aurélien pour aller prendre un verre. Un bar, un kébab, un autre bar et après des bières dans un parc, la soirée s’est terminée sur fond d’exercice comparatif entre les démocraties canadiennes et françaises. Au retour à l’hostel pour un dernier verre, nous y avons intercepté Bruno, un flamand qui aurait pu être de bonne compagnie, mais qui à l’heure qu’il était beaucoup trop ivre pour que l’on puisse extirper quoi que ce soit d’intelligent de lui.