Goa est une ancienne colonie portugaise (rétrocédée à l’Inde dans les années 60) et l’état capital de la villégiature indienne. Sa côte est parsemée de plages et il y fait bon s’y poser pour un temps même si l’ambiance huttes et palmiers de jadis a de nos jours laissé place à des rangées de bar restaurants et de transats. Pour le temps des fêtes donc, nous nous y sommes posés en la compagnie du père d’Audrey, sa copine et de deux de leur couple d’amis. N’étant personnellement pas très plage, j’investissais beaucoup d’espoir dans la possibilité de partir de temps à autre en plongée. Malheureusement, j’ai été déçu d’apprendre que Goa et par le fait même, toute cette partie de la côte ouest de l’Inde n’était pas propice au sport en raison de l’absence de visibilité sous l’eau. Je m’en suis donc remis au travail, lequel j’avais par mal négligé ces derniers mois.
Paradoxalement, je n’ai pas chômé durant mon temps à Goa. Pendant que les autres se doraient la pilule, j’ai planché pratiquement chaque jour du lever au coucher. Restez sans crainte par contre, j’ai au moins pris soin d’entrecouper la besogne avec des sessions de baignades et de faire une pause entre 19h00 et 21h00 pour aller manger et prendre un verre avec le reste du groupe.
À Goa, nous résidions sur la plage de Patnem, de réputation plus tranquille que sas voisine, Palolem, où l’ambiance était plus « club ». Excepté une petite excursion d’une journée à Panjim, capitale de l’état de Goa, pour aller admirer son soit disant héritage portuguais (un peu décevant), nous ne sommes jamais sortis de la région immédiate de la plage et du village voisin. Rapidement donc, il s’est installé une routine de lever tardif, de déjeuner, de travail, de baignade, de travail, de souper puis de travail jusqu’au petites heures. L’internet allait de l’exécrable au médiocre, mais cela suffisait. En ce qui concernait le reste des touristes, remplacez par travail par plage/boisson et vous aurez un aperçu du climat. L’ambiance était donc assez festive et chaque nuit ça pétait de feux d’artifices.
L’archétype du touriste qui séjournait sur Patnem consistait en un anglais un peu bedonnant arborant des tattoos passés date et un fort accent de la classe ouvrière. La première bière s’ouvrait juste après le déjeuner et la dernière se buvait le soleil couché depuis un temps. L’un de ces couples qui fréquentaient notre restaurant/cabines en étaient d’ailleurs de fort bons représentants. Il nous aura fallu plus d’une semaine avant d’identifier la mère de la petite fillette si souvent présente au même restaurant et diligemment gardée par le personnel indien de notre établissement. Le père s’est finalement manifesté la semaine suivante lorsque son enfant a bu dans la bouteille de kérosène servant de carburant à la torche d’un numéro de cirque amateur indien non loin. L’enfant a été aussitôt emmenée à l’hôpital (je m’en suis assuré) et n’en est ressorti que le lendemain pour être gardée sous observation. Manque de pot, son vol de retour au pays décollait le soir même. Heureusement, la fillette s’en est sortie indemne et n’en gardera certainement aucun souvenir. J’ose espérer que ce ne sera pas le cas pour ses parents. Comme de fait, ils se sont montrés beaucoup plus attentifs aux errances de leur enfant les jours suivants sans pour autant cacher leur joie d’avoir pu étirer leurs vacances aux frais des assurances.
Alors qu’il était plutôt tard et que je m’affairais devant mon ordinateur, un touriste (que j’avais à l’origine pris pour un indien) m’invite à aller le rejoindre pour prendre un verre sur la plage. J’acquiesce sa gentillesse et lui répond que je suis occupé pour l’instant, mais qui j’irais probablement le rejoindre sous peu (sans grande volonté de le faire). Une heure plus tard, le cerveau fatigué et les yeux engourdis d’avoir passé autant de temps fixés sur l’écran, je me déplace vers la plage et fait connaissance de Yarhya et de son cousin. Ils ne sont pas indiens, ils viennent du Yémen. Arrivés en Inde en 2014 pour suivre un six mois d’immersion anglaise à Bombay, ils y sont restés en raison de la guerre civile qui a éclaté dans leur pays et qui y sévit toujours. Histoire d’utiliser leur temps d’expatrié à bon escient, les deux ont entamé des études en administration des affaires dans une université indienne (tous frais payés par leur famille). J’ai eu l’occasion dans ma vie de rencontrer de nombreuses personnes de différentes cultures, mais rarement aussi différente que celle du Yémen. Yarhya, un type très allumé, était très au fait du fossé qui nous séparait et ô combien curieux d’en apprendre sur ma manière de penser et mon pays (et moi de même). Le questionnant sur ce qu’il était venu faire à Goa, il m’a répondu qu’il savait que l’endroit était prisé des occidentaux et qu’il s’était déplacé ici dans l’optique d’en rencontrer. Jusqu’à ce qu’il me croise, il avait malheureusement eu peu de succès. Disons que le vacancier typique n’était pas à Goa pour faire connaissance avec des yéménites. En peu de temps, une petite amitié s’est tissée et nous nous sommes revus à quelque reprise pour discuter de culture, de la guerre au Yémen, du monde, de nos ambitions, de voyage, de religion et de divers autres sujets hautement enrichissants. Avant qu’il ne vienne m’extirper de mon travail, voilà déjà quelque jour qu’il rôdait dans les parages. Avoir su que nos interactions allaient s’avérer si intéressantes, je l’aurait approché bien avant.
Après un bon trois semaines sur la plage de Patnem à Goa, Audrey et moi avons partagé un dernier repas en compagnie de son père, sa copine et de leurs amis, avons fait nos sacs puis nous sommes rendus au village d’à côté pour intercepter un bus de nuit vers Hampi, notre prochaine destination. Le voyage n’aura pas été de tout repos. J’étais premièrement incommodé au niveau digestif (un incontournable indien) et deuxièmement, il me manquait un petit dix centimètres pour complètement m’allonger sur la couchette. Heureusement pour moi, l’excitation d’être à nouveau sur la route (et les médicaments) m’ont grandement aidé à passer au travers.