Après quelques heures d’autobus animés de télévision et de musique Vietnamiennes et d’un trajet de taxi au compteur traffiqué, nous étions de retour dans la même auberge qu’il y a quelques jours. Après un repas à notre petit stand de bun cha préfé, nous sommes allés visiter la prison de Hoa Lo, originalement bâtie par les autorités coloniales françaises et plus tard reprise par le gouvernement Nord-Vietnamien. Les exposés étaient médiocres et la propagande grosse comme le bras. Les murs de cette prison on sans doute été témoins d’atrocités innomables, mais le manque d’objectivité flagrant laisse sérieusement douter sur la véracité des informations convoyées. La salle dédiée aux conditions de traitement des pilotes américains capturés pendant la guerre du Vietnam était particulièrement douteuse. Exposés y étaient des photos et des bandes vidéos montrant les captifs fêtant Noël, recevant des lettres de leur proches, jouant à des sports dehors, le tout placé en flagrant contraste avec le traitement que les Vietnamiens reçurent de la part des Français pour encore une fois donner du crédit au régime communiste.
En ce qui concerne la soirée, rien ne me vient à la mémoire, alors elle a dû se passer dans le calme. Ah oui en fait, nous avons bu quelques bières au bord du Lac de la Tortue en plein centre-ville. Le lendemain par contre a été chargé en activités. Debout tôt pour aller visiter le mausolée d’Ho Chi Minh, nous voulions être certain d’avoir des places, car ce dernier ne reste ouvert que jusqu’à onze heures et de ce que j’avais entenu de celui de Mao Zedong en Chine, il fallait faire la file longtemps. D’autant plus que les Vietnamiens sont très matinaux. Lors de notre arrivé, aucune queue et rapidement nous avons été attachés à un groupe de touristes pour aller en deux rangs les bras le long du corp défiler devant la dépouille de l’oncle Ho. Encore une drôle d’expérience dont personne n’a pu prendre de photos. Le reste de la visite s’est déroulé autour du palais présidentiel et dans un musée dédié au leader communiste. Encore de la propagande.
Suivant le plan de la journée, notre prochaine étape devait être le musée de la guerre, lequel nous avons visité en très peu de temps car … c’était encore de la propagande sans valeur historique. Une collection de textes désarticulés, d’objets divers et de butin de guerre français et américain fièrement exposé. Fatigués par ces visites inutiles, nous l’avons donc abrégé le plus possible. Comme Yves-Étienne partait le lendemain, il voulait se réserver l’après-midi pour aller en quête de souvenirs, notamment du café de fouine (weasel coffee), plus précisément des baies de café mangées par l’animal et ensuite excrétées par ce dernier pour ne laisser que la graine. Pendant notre session de shopping, nous avons rencontrés Jaclyn, une fille dont nous avions fait la connaissance à Hoi An et que nous nous n’attendions pas à voir ici. Comme elle avait une heure à tuer avant son autobus, elle se joigna à nous pour aller faire une dégustation de ce fameux café. Rien de spectaculaire, mais aucun d’entre nous n’était fin connaiseur du breuvage. Yves-Étienne en a quand même acheté un sac pour la nouveauté et histoire d’avoir quelque chose à rapporter à sa copine.
Normalement, Jaclyn aurait dû se trouver au Laos à l’heure qu’il était, mais elle et Théodore, entre Hoi An et Ha Noi, s’étaient faits arrêter pour avoir installés leurs hamacs trop près d’une prison. Ils ont eu beau répéter à la police qu’ils ne l’avaient jamais vu, ces derniers les ont quand mêmes gardés en surveillance pendant trois jours pour finalement les laisser en liberté; moins la moto. À leur place, j’aurais appelé mon ambassade, mais ils ont préférés se sortir de la merde tout seuls. Remaquez que dans ce genre de pays, ça l’aurait potentiellement pu envenimer la situation encore plus. Cette journée devait donc être les grandes retrouvailles de nos connaissances de voyage, car le soir même, Yom, lui aussi rencontré à Hoi An, devait nous rencontrer un peu plus tard.
Une fois en compagnie de Yom, pour le dernier repas du voyage nous sommes allés nous payer un burger à un prix occidental (c’est à dire très cher pour le Vietnam) et ce fut tout. Devant l’auberge buvaient un Danois et quelques autres personnes avec qui nous avions discutés une peu plus tôt au bar de l’auberge et la décision a été prise de les joindre un moment. Le périple Vietnamien d’Yves-Étienne allait donc se conclure sur cette activité. Il est parti se coucher un peu plus tôt que moi. Nous nous étions dit au revoir la veille, alors à mon réveil le lendemain, il était parti.
À nouveau seul, mais pas désoeuvré. Au cours des derniers jours, j’avais mûri le plan de passer les dix jours qu’il me restait sur une moto louée afin d’aller explorer le nord du Vietnam sur une Honda Win 100, l’engin que j’aurais acheté si j’avais poursuivi mon voyage, car je comptais aller faire le Laos et le Cambodge à moto. J’avais trouvé la machine la veille alors après la routine matinale, je suis allé en prendre possession, l’ai ammené devant mon auberge, y ai attaché mon sac et suis parti. Dans quelle direction? Franc nord. Le Vietnamien qui m’a loué m’a moto, m’avait glissé mot en me donnant une carte que l’extrême nord du pays était là où se trouvaient les plus beaux paysages. Normalement, c’était un périple qu’il faisait en dix jours, mais j’en avais au gros maximum neuf.
Difficile le lever mais bon, nous nous sommes dits que nous pourrions dormir dans le bus. Erreur! La chaussée était bien trop cahoteuse et les banquettes d’un de ces formats qui ne sont confortables dans absolument aucune position. Comme les sièges du Mc Donald’s, mais pour un minibus.
La baie d’Ha Long
À l’arrivée au port, le contenu du bus a été séparé en deux; les couples d’un côté et les voyageurs individuels de l’autre. Une fois à bord du bateau, nous avons été assignés à notre chambre et le navire se mit bientôt en marche vers sa première destination, une grotte. De l’extérieur, ce dernier n’avait pas grand chose d’inspirant, mais l’intérieur était surprenament bien fourni et le repas qui nous a été servi pour le déjeuner étonnament bon. Tout ça pour 70$ par tête avec un équipage de quatre pour deux jours, je commençais à me dire que nous avions fait une bonne affaire. D’autant plus que nous n’étions que sept. Moi, Yves-Étienne, une indienne et quatre allemands.
Nous nous y attendions mais la grotte Sung Sok s’avéra être une grosse farce. Autrefois un endroit probablement spectaculaire en raison de sa vastitude, les autorités Vietnamiennes avait cru bon d’y installer des fontaines et des lumières arc-en-ciel. J’aime mes cavernes avec de la fiante de volatile partout, de gros insectes, de la noirceur et des chauves-souris qui me passent au ras du crâne, mais là, ça n’aurait pas pu être plus asseptisé que ça. Au grand bonheur des touristes chinois qui la cartographiaient sous tous ses plus menus angles à coup de flash. Une fois sortis, ils s’en prirent à Dipti, l’indienne et moi de rire de sa popularité impromptue, c’est ensuite vers ma personne qu’ils se tournèrent pour une séance photo. Les vendeuses de bricoles Vietnamiennes elles, ne sont pas racistes et nous donnèrent donc tous de l’attention: You buy something? Vu le nombre de bateaux à l’extérieur du site, la visite n’aurait pas pu être autre. Je ne sais pas quel est le débit précis de visiteurs dans cette grotte, mais ce dont je suis certain, c’est qu’il est largement trop élevé pour permettre à la vie caverneuse se subsister.
De retour à bord du bateau pour une heure pour un autre arrêt, cette fois à un village flottant de pêcheurs. Encore la même histoire sauf que là, on se fait filer des kayaks et l’on se promène parmis les formations rocheuses. Il faut le dire, la baie d’Ha Long est un endroit spectaculaire. D’autant plus que pour nous, les conditions n’étaient pas idéales, car encore trop tôt dans la saison, le ciel était nuageux et la visibilité limités à quelques kilomètres. Ceci dit, comment les villageois devaient se sentir de voir défiler des centaines de touristes chaque jour dans leur cour arrière? Choyés selon notre guide, car apparament, une partie des revenus leur est redistribuée. Alors pourquoi des enfants à bord de barques défraîchies étaient venus à l’abordage de nos kayaks pour nous soutirer des sous ou nous vendre des bananes (des bananes en pleine mer…)? Redistribution des richesses version communiste voilà…
Finamelement, la prochaine halte allait être la dernière de la journée. Là, nous pouvions nous baigner selon notre guide. L’eau était froide, mais ce n’était pas ça qui allait nous arrêter. La pollution par contre nous fit réfléchir deux fois avant de sauter, mais Yves-Éteinne et moi, fières représentants de la nation nordique du Canada (pour le meilleur et pour le pire), avons tout même décidé de faire fi des sacs plastiques flottants dans les parrages et de nous mouiller dans la fameuse baie d’Ha Long. Un saut de l’arrière du bateau, pas si mal finalement. Contre les indications de l’équipage, nous nous sommes rendus jusqu’au pont supérieur pour plonger au grand amusement de nos compagnons de croisières qui reçurent tous par la suite la mention de “mauviettes allemandes” de notre part une fois secs et de retour parmis eux. L’indienne, venant d’un pays chaud, fut excusée.
La soirée a commencé avec un autre très bon repas et s’est poursuivie sur le pont supérieur à discuter de diverses choses. Sur l’autre bateau, on apercevait la boule disco qui tournait et le bruit émanant de celui-ci laissait supposer de la grosse débauche. Je n’aurais pas été contre un peu plus d’action, mais de boire une bière tranquille parmis les silhouettes des pics rocheux de la baie se dessinant sur le ciel étoilé, je n’étais pas contre non-plus. Au programme du lendemain, nous devions aller visiter une autre grotte sur l’île de Cat Ba, ce que nous avons fait, mais au lieu de retourner à bord du navire et de revenir au port, nous sommes resté pour l’explorer un peu plus en profondeur.
L’île de Cat Ba
Notre permière visite sur l’île a été “Hospital Cave” qui comme son nom l’indique, fut à un moment dans son histoire un hôpital. Aussi un bunker et un post de commandement. Là, nous avons été un peu plus satisfait, car il semblait que la grotte avait été très peu modifiée et au petit café en face, le gardien a été fort sociable et aimable. L’autobus nous a ensuite ammené jusqu’à Cat Ba town, de l’autre côté de l’île, ce qui sonnait aussi la fin de la partie organisée de notre séjour dans la baie d’Ha Long. Les Allemands eux, continuaient pour une journée encore sur l’île des singes, mais la perspective d’aller voir des primates en semi-captivité ne nous inspirait pas trop Yves-Étienne et moi alors c’est pourquoi nous avons préféré continuer par nos propres moyens.
Donc vite nous avons trouvé notre auberge et vite nous avons gagné notre chambre pour y faire une sieste, ou plutôt une partie de nuit, car après trois-heures de sommeil, voyant que mon compagnon ne se réveillait pas, j’ai été forcé de le secouer un peu: nous avions planifié d’aller nous ballader dans le parc national de l’île. Une fois la moto louée et un petit arrêt à un resto, nous étions en route vers le parc. L’île de Cat Ba est un endroit magnifique. Faisant partie de la baie d’Ha Long, elle est évidemment le fruit du même processus géologique sauf que là, tout se trouve au dessus de l’eau. D’ailleurs, nous avons pu en observer l’étendu du haut d’un de ce pic que nous avons gravi lors de notre petite session de hiking. Le préposé à l’entrée du parc nous avait recommandé un bon deux heures pour faire l’aller retour, mais en un peu mois d’une heure, nous avions non-seulement monté la montagne, mais aussi exploré tous le réseau de sentiers immédiat.
Ayant encore quelques heures de clarté, nous sommes ensuite allé explorer l’île à moto. Même décor spectaculaire. Sur un pan de route droit, j’ai laissé Yves-Étienne conduire avec moi comme passager, car il était curieux de voir comment la machine se comportait avec 80 kilos sur le siège arrière. De retour à Cat Ba town, il nous restait encore un peu de temps alors nous sommes montés jusqu’au fort, autrefois construit par les Français pour défendre l’île. Là par contre, nous avons surestimé un peu la lumière qu’il nous restait pour la visite et l’avons complété de nuit. Tout avait été fermé, mais en revanche, nous avions le fort pour nous-mêmes. Une pizza trop liquide pour souper et encore fatigués des dernier jours, nous avons passé le reste de la soirée à regarder la télévision. J’ai tenté d’ouvrir mon ordinateur pour travailler un peu, mais la lâcheté a eu le meilleur de ma personne alors j’ai remis tout ça au lendemain et me suis laissé lobotomisé par le petit écran. Je ne regarde la télévision qu’à peu près tous les 3 mois et l’on dirait qu’à chaque fois, la qualité de la programmation empire un peu plus.
Une grosse nuit derrière nous donc, nous nous sommes levés plutôt de bonne heure et après un déjeuner de pain, saucisse et oeufs, je me suis attablé à mon ordinateur pendant qu’Yves-Étienne est parti se promener à moto tout seul. En récupérant mes e-mails, j’ai reçu la nouvelle comme quoi j’étais convoqué aux entrevues de médecine pour l’Université de Montréal. Toute une suprise! En décembre dernier lorsque j’étais au Japon, j’avais appliqué aux trois grandes universités québécoises pour rentrer dans leur programme de doctorat en médecine et durant les derniers jours, deux d’entres elles m’avaient répondus négativement en raison de mes notes. Chose à quoi je m’attendais.
Les principes guident une bonne partie de ma vie, notamment celui de la parole. Avant de partir en voyage, j’avais formulé l’idée de devenir docteur, pensant que ce pourrait être le genre de défi et de vocation que je recherchais, mais en raison de la sélection très stricte, je n’y croyais pas vraiment, pensant que mon cheminement de vie ayant été un peu trop hétéroclite pour faire de moi un candidat viable. Cependant, comme j’avais dit que j’essaierai, par principe j’ai effectivement postulé. Je ne cacherai pas que le retour négatif de deux universités a effleuré mon ego et je m’attendais à ce que la réponse de la troisième se situe dans les mêmes lignes, mais lorsque j’ai vu le e-mail, je n’en croyais pas mes yeux.
Ce fut un sentiement plutôt difficile à contenir. Yves-Étienne est revenu très vite de sa balade en raison d’une avarie et a dû me sentir très fébrile lorsque je lui ai résumé la situation. La meilleure manière dont j’ai pu lui décrire mes émotions a été en comparant ce e-mail à la lotterie. À mois d’avoir un sérieux problème de jeux compulsif, lorsqu’on joue à la grosse lotterie, on ne s’attend jamais vraiment à gagner. Tout de même, l’imagination s’emballe et fabule sur une vie désormais dénuée de souçis financiers, mais notre être rationel sait très bien que le tout ne restera dans le domaine du rêve. Lorsque la chose se matérialise par contre, on ne sait quoi penser. Tous les plans que nous avions sont à revoir et seront changés. Toutes une foules de nouvelles variables de vie à prendre en compte. Mais le cerveau humain a de cette atout fondamental qu’il s’adapte et la seconde où le mien a pris connaissance de la nouvelle, il s’est remis aux planches à dessin. Il allait donc falloir que je retourne au Canada. Mon voyage s’arrêterai donc au Vietnam. Flatté de cette nouvelle, je me sentais toutefois deçu de ne pas pouvoir compléter mon périple. Mais bon, ne nous emportons pas, la partie n’est pas gagné et si je suis tout de même refusé, le Laos et le Cambodge seront encore là pour m’accueilllir. Sans oublier le fait que je me commençais à me sentir mature pour une autre pause.
Dans l’après-midi, nous sommes retournés au parc pour visiter une grotte avoisinante et de retour en ville, nous nous sommes dirigés vers le port de pêcheurs. Rien de grandiose ne s’est passé et nous n’avons fait que discuter. J’en vait bien besoin semblait-il. Après une bière dans le coin et un repas non-loin de l’auberge, nous sommes sortis au bar d’occidentaux de Cat Ba town. Il y avait une bonne ambiance, des ballons de gaz hilarant et des gens intéressants avec qui discuter. Tard nous nous sommes couchés, mais de toute manière, la journée du lendemain nous retournions à Ha Noi et allions pouvoir somnoler un peu dans les transports.
Moi, j’avais encore le cerveau qui fonctionnait à cent-milles à l’heure.
Le trajet de Hoi An vers Hué (ou vice-versa) a été rendu populaire par l’émission de voiture britannique “Top Gear“, où pour un épisode les hôtes devaient parcourir le Viet Nam à moto en deux semaines de Ho Chi Minh ville à Hanoi avec comme slogan “We’re gonna do in eight days what the Americans could not do in eight years”. Yves-Étienne, ayant visionné l’épisode en question, était plutôt excité, car comme le confirmait le site d’Easy Riders, qui en fait avait un tour spécialement destiné à ce trajet, ce dernier avait été qualifé par Top Gear de “Ride of Lifetime”. J’avais moi aussi hâte de voir. Mr. Thàn à l’heure nous sommes sautés en selle, mais la journée commença par des problèmes de casque et la moto de Yom qui peinait à démarrer. Un détour chez Mr. Than et un plein plus tard, nous nous sommes mis en route vers notre premier arrêt: la montagne de marbre aux abords de Da Nang. J’en avait déjà vu de ces collines transformées en temples et celle-ci s’avéra être assez standard, mais mes amis étaient manifestment charmés par l’endroit et pour être franc, ce genre de visite est beaucoup plus agréable en groupe que seul. L’atmosphère à l’intérieur de la grotte principale se prêta à quelques jeux photographiques aux résultats très intéressants et finalement, même si le lieu était évidemment adapté à la population des resorts de la région, nous y avons passé un bon moment, couronné par des paris sur le nombre de “You buy something?” qui allaient nous être dirigiés à la sortie de la montagne en passant par les étals de souvenirs. De la rigolade au dépend des Vietnamiens.
Yves-Étienne circulait en moto semi-automatique, du type sur lequel il avait fait ses armes à Da Lat et Yom avait un scooter bien standard, car peu expérimenté. Pour ma part, Mr. Than m’avait prêté sa propre moto, une Honda 125cc à l’allure custom, sa fierté, car au Vietnam, 99% des motos sont du type de celles de mes amis. Mis à part diverses pauses pour observer le paysage et se faire emmerder par des vendeuses de bricoles stratégiquement disposées là où la vue est la plus belle, l’arrêt suivant a été le col de Hai Van. La montée vers celui-ci fut spectaculaire et je dois avouer que comme première expérience de moto, mes amis furent gâtés par le moment. Une belle route serpentant dans les montagnes vers le col duquel un flot de nuages de déversait. Une fois là-bas par contre, nous nous sommes retrouvés dans un brouillard qui limitait la visibilité à une centaine de mètres. De l’autre côté du col, c’était la même histoire, le climat était sensiblement différent du soleil radieux qui nous avait accompagné jusqu’à présent.
Une fois redescendus, nous nous sommes arrêtés à un restaurant pour le déjeûner et aussitôt que nous avons repris la route, une légère pluie s’est mise à tomber au grand désarroi de mes amis. Effectivement, en moto, on s’expose aux éléments. Mr. Than nous a arrêté sur le bord de la route et a donné des combinaisons imperméables à Yves-Étienne et Yom. Moi, je m’en sortais pas mal, car le carénage de ma machine me protégait d’une bonne partie de l’eau et de toute manière, j’étais habitué a faire de la moto trempé. C’était de la petite pluie, j’avais vu bien pire, du genre de précipitation que peu importe le vêtement, on est innondé quasi instantanément. À un moment, nous avons bifurqué sur des routes secondaires pour aller voir les Chutes de l’Éléphant (moi qui croyait qu’il y allait avoir de vrais pachidermes), des rapides dont les berges avait été envahis par des restaurants destinés aux touristes vietnamiens. Le décor était tout de même enchanteur et avec le ciel gris, l’humidité et le son de la pluie en pleine forêt, le tout se combinait en une atmosphère fraîche et visuallement plaisante. J’ai donc trouvé que la détour valait le coup, d’autant plus que pour remonter le rapide, il fallait sauter de pierre en pierre. Loin d’être de l’escalade, c’était par contre un exercice de dextérité qui d’ordinaire m’amuse beaucoup et cette fois n’y faisait pas exception. En ce qui concernait le trajet de moto, la pluie avait rendu la piste un peu difficile à négocier pour mes amis novices, mais vite fait nous sommes retournés sur la route principale avec la pluie qui nous accompagnait toujours.
Quand même, “The ride of lifetime”? Nous partagions la route avec camions et autobus acoompagnés de leur klaxonnage intempestif. La limite de vitesse pour les motos au Vietnam étant en deça des celles des autres véhicules plus gros avec en plus la pluie, nous étions forcés de circuler sur l’accottement (TRÈS DANGEREUX). Yves-Étienne suivait Yom d’un peu trop près et lorsque celui-ci donna un coup de frein, il enfonça à son tour par réflexe le frein avant de sa moto ce qui à cause du gravier et du manque d’expérience, le précipita sur la chaussée. Merde. Je me suis tout de suite arrêté pour lui porter assistance, mais les Vietnamiens l’avaient déjà relevé. Après questionnement sur son état physique, c’était plus de peur que de mal, mais le sentant quand même fébrile et encore sur l’adrénaline d’une situation qui aurait avoir une issue beaucoup plus grave, j’ai convaincu les autres qu’il fallait mieux prendre un pause pour que tout le monde puisse se ressaisir. Ses vêtements l’avais protégé, il avait une hanche et un coude un peu endolori et une légère coupure sur la cheville mais c’était tout, le reste de l’équipement, incluant le casque, avait absorbé le choc. Ironique, la soirée d’avant au bar, lorsque nous avions trinqué à la journée présente, j’avais explicitement porté mon verre à ce que personne ne se plante.
Lorsque nous avons repris le chemin, Mr. Than, qui n’allait déjà par très vite, ralentit encore plus le rhythme. Un peu plus tard, après avoir circulé un moment dans le traffic d’Hué, nous sommes tous arrivés sain et sauf à notre point d’arrivé, là où nous devions laisser notre guide et les motos. Bien que peu locace, il avait tout de même fait un bon travail et avait livré la marchandise; les intempéries et accidents étant hors de son contrôle. En voyant son visage s’illuminer à la vue du pourboire que nous lui avons laissé, lui aussi fût apparament satisfait de nous avoir eu comme clients.
Que d’expériences quand même, montagne, pluie, accident, traffic, la totale pour les deux autres qui n’avaient pratiquement jamais conduit de moto de leur vie. Yom était à une auberge différente, alors après un souper de pizza pour nous récompenser d’une journée productive au niveau tourisme, nous avons pris congé de lui pour aller acheter des billets de train pour Hanoi. Au retour de la gare et contents de ne pas avoir à prendre l’autobus encore une fois, Yves-Étienne, draîné par sa journée, parti se coucher tandis que j’ai rejoint Yom à son auberge pour passer un dernier moment en sa compagnie.
Da Lat se trouve assez haut en altitude. Les journées sont confortables et les nuits fraîches. Son climat est généralement tempéré, ce qui en a fait le potager du Vietnam, mais aussi un lieu de villégiature pour ses expatriés occidentaux du début du siècle dernier et son élite d’aujourd’hui. En raison de sa popularité chez les tranches plus riches de la population, Da Lat abonde en villas et parcs. La ville possède donc un charme définitivement européen en plus d’être situé en pleine région montagneuse. Tout autour de Da Lat il y a nombre d’activités à faire, visite de fermes, moto (bien sûr), randonnées et canyoning. Après avoir entendu de bons commentaires sur cette dernière, c’est que que nous avons décidé de faire le lendemain de notre arrivée. Le principe du canyoning est plutôt simple, on descend un canyon ou une vallée en passant par sa rivière. Cela consiste donc en faire du rappel au beau milieu de chutes d’eau, de glissades, de dériver avec le courant ou encore de sauter de falaises. Par chance, nous étions seulement Yves-Étienne et moi avec deux guides, donc pas besoin d’attendre son tour et la possibilité en plus de refaire certains passages plus d’une fois. Nous nous en sommes sortis avec quelques bleus, coupures et bouillons, mais ce fut un très bon moment.
Comme nous étions un très petit groupe, nous sommes revenus à l’hotel en début d’après-midi, ce qui nous a laissé suffisament de temps pour une autre petite visite: la maison folle. Un délire d’une architecte locale qui a peu à envier à Gaudi et que l’on peut parcourir à son aise, pour autant que l’on soit patient, car les Russes adorent les belles poses, les selfies et prendre des photos du même bâtiment sous tous ses angles possibles. Le soir, nous sommes allés manger avec quelques autres voyageurs. Noor, une jeune canadienne de Winnped et d’origine indienne ayant décidé de parcourir le Vietnam à moto seule et Chris, un gallois fin vingtaine. La soirée se termina dans un bar de voyageurs à discuter de diverses choses un peu banales tponctuées des interventions maladroites de Chris. Yves-Étienne et moi en avons eu des meilleures, mais bon, on ne choisit pas toujours ses amis, surtout ceux d’un soir.
Charmés par Da Lat, très tôt nous avions pris la décision de rester plus d’une journée. Au lever donc et deux sandwhich plus tard (une chose que les Vietnamiens ont conservé de leur passé colonial avec la France, c’est le pain), Yves-Étienne et moi étions sur nos motos en direction des Chutes de l’Éléphant. En bon élève, mon ami est vite devenu confortable sur sa machine et bien que je n’allais pas très vite, il n’avait aucune difficultée à me suivre sur les routes tortueuses des envisons de Da Lat. Une pluie torrentielle a coupé court à notre expédition et nous a contraint à passer une bonne heure sous un abri de fortune en bordure de route. Une fois reparti, nous avons frappé des travaux dont nous n’avons en fait jamais vu la fin, car après quelques kilomètres, il nous est venu à l’esprit que nous n’avions par pris le bon chemin et avons dû retourner sur nos pas. N’ayant plus aucune idée d’où pouvaient se trouver les chutes, nous avons pris la gauche plutôt que la droite à un embranchement et encore il nous a fallu nous arrêter dans un petit village, car le temps tournait à la pluie et la faim se faisait sentir. Nous avons donc dégusté notre bol de pho au son de l’averse sur toit de métal et lorsque nous étions prêt à repartir, il était trop tard pour pousser l’exploration plus loin. Yves-Étienne avait déjà fait l’expérience de pluie, de chaussée mouillée, de travaux alors la moto de nuit, ce devait être pour une autre fois.
L’épreuve n’était pas conclue pour autant. En arrivant à Da Lat, nous nous sommes perdus un moment en pleine heure de pointe et la conduite en traffic vietnamien, ce n’est pas pour amateurs. Un flot incessant de scooters sans vraiment de règles et de signalisation routière si ce n’est qu’autant que possible il faut se tenir à droite. Comme piéton, on s’y fait vite. La priorité de circulation au Vietnam va en fonction de la taille du véhicule et jamais il n’y aura d’ouvertures pour traverser une rue majeure. Il faut simplement se lancer dans la circulation et marcher d’un pas lent mais sûr, sans hésitation ni mouvements brusques. Comme un fluide, les motos nous passent des deux côtés sans oublier bien sûr de nous arroser de coups de klaxon. La surutilisation du klaxon est opressante, mais il sert dans les fait à annoncer sa présence plutôt que de signaler une faute. Dans la circulation, c’est différent. Il faut être constamment aux aguets, car ça coupe, ça double et ça s’arrête sans avertir et dans une voie de voiture, il rentre parfois jusqu’à quatre motos de large. Bref, c’est le bordel et le chaos. Nous voulions éviter ce genre de situation le plus possible pour le baptême d’Yves-Étienne, mais l’on s’est ramassé carrément dedans. Il y a eu quelques frousses, une légère collision avec un muret en raison d’un coup d’accélérateur un peu maladroit, mais au final tout s’est bien passé. D’emblée j’avais dit à Yves-Étienne que s’il survivait au travers de l’épreuve du traffic urbain Vietnamien, il aura vécu le pire à moto.
Pour se récompenser, nous avons dînés à un resto Coréen qui bien que cher, fut satisfaisant et ensuite, après avoir regardé pendant un moment un spectacle de célébration de je ne sais quelles festivités, nous sommes retournés au bar du soir précédent où nous trouvèrent Noor assise seule au comptoir. La discussion se fit plus entre mon ami et elle, car son ton de voix était si faible qu’un mêtre plus loin, il m’était inaudible, particulièrement dans un bar où le niveau de bruit ambiant est déjà élevé. Yves-Étienne éprouvé par sa journée, nous sommes vite retournés à l’auberge où lui s’est couché et moi me suis attablé à mon ordinateur pour envoyer un document en lien avec mon application pour l’école de médecine. Noor arriva plus tard et je lui offrit un verre de whisky qu’elle accepta avec plaisir, mais sans cacher un peu de dégoût. C’est selon ses dire son alcool préféré, mais seulement mélangé et là, faute de Coke ou de Pepsi, il allait falloir le boire légèrement dilué avec de l’eau. Tout de suite, elle m’intérogea sur mon opinion de Chris, l’anglais d’hier, qu’elle avait trouvé plutôt pathétique. Ma réponse fut que je partageait son avis par rapport à sa personne, mais que contrairement à elle, j’avais apprécié faire sa connaissance en dépit de l’effort que cela m’a demandé, car après l’avoir cerné, j’avait vite dévoloppé un immense respect pour lui.
De ce respect pour ceux qui font preuve d’un courage hors de l’ordinaire. Chris était l’archétype du timide; une personne handicapée par sa gêne et par sa peur de l’inconnu, incapable de sortir de sa zone de confort. Pourtant, récemment et par force de questionnement, il avait décidé de changer drastiquement son approche par rapport à la vie et était arrivé à l’évidence que c’était maintenant où jamais pour le faire. Même avant d’avoir quitté son emploi et mis ses affaires personnelles en ordre, il avait acheté un allé simple vers la Thailande. De la manière dont il racontait son voyage, on eut cru un récit des grands aventuriers de jadis relatant la première prise de contact entre eux et une communauté d’indigènes. La Thaïlande étant loin d’avoir été un défi pour moi, j’ai quand même pu m’imaginer le genre de fébrilité dans laquelle Chris se trouvait lorsqu’il y a mis les pieds.
Nous avions déjà prolongé notre séjour à Dalat d’une journée alors il était temps que nous partions ver Hoi An, une agglomération de taille moyenne au milieu du Vietnam dont le centre-ville entier est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Pour s’y rendre, il fallait passer par Nah Trang, ville autrefois célèbre pour ses plages, mais aujourd’hui complètement changée par ce type de tourisme que nous essayons d’éviter autant que possible. Le trajet d’autobus fut rendu hautement pénible par un équipage tellement irrespectueux que plus tard j’allais prendre la peine d’envoyer un message à l’auberge pour leur recommander de faire en sorte que la situation ne re reproduise plus, sans quoi leur réputation allait en pâtir. Certes, le Vietnam est un pays en voie de développement et d’exiger le même niveau de service qu’au Canada ferait de moi l’un de ces touristes (souvent Français) dit “chiants”, mais peu importe la culture et le niveau de modernité, il est facile de savoir quand quelqu’un se fout consciemment des autres. L’autobus en question poursuivait son chemin jusqu’à Hoi An, mais Yves-Étienne et moi ainsi que d’autres clients avons décidé avec raison de ne pas donner un sous de plus à cette compagnie et sommes débarqués à Nah Trang pour trouver une autre manière de faire le reste du chemin. Fatigué des longs trajets en autobus, de ce klaxonnage compulsif, des doublements suicidaires et plus généralement de la jungle routière Vietnamienne, nous nous sommes dirigés vers la station de train en vue d’obtenir un place couchette. Sans succès, il ne restait que des sièges en lattes de bois et pour douzes heures, non merci. La gare routière n’étant pas très loin, nous y avons marché et par chance obtenu in-extremis deux places dans un autobus inter-ville. Plutôt confortables, les cars voyageurs locaux sont organisés en trois rangées de lits sur deux étages de haut si bien que si l’on est de stature Vietnamienne et immunisé au son du klaxon, on peut y dormir une bonne nuit. Yves-Étienne ayant passé une nuit blanche la veille en raison d’un système digestif encore en train de s’adapter à la nourriture locale, il n’a pas eu de difficulté à s’endormir, mais pour ma part, je n’ai pu que somnoler par courtes intervalles.
Pour la décrire en vitesse, Mui Ne est une petite bourgade côtière de pêcheurs transformée en super-centre touristique pour Russes. Nos impressions initiales de l’endroit ne furent pas vraiment positives, mais après peu, nous avons réalisé qu’en fait, Mui Ne avait quelque chose à offrir. Notamment une bonne ambiance, pour autant que l’on se tienne à distance des restaurants arborant des signes en cyrillique et aussi quelques attraction naturelles valant le détour, dont des dunes de sable de bonne ampleur. Le soir même de notre arrivée donc, nous avons profité de la vie nocturne de la ville. La journée suivante, après avoir changé d’auberge (les options backpackers étaient très limitées), j’ai loué une moto pour que nous allions explorer les fameuses dunes. Au Vietnam, c’est simple, il faut une moto, sans quoi se déplacer devient très fastidieux, car il faut constamment faire affaire avec des tours ou des taxis. D’ailleurs, le pays est la destination deux roues de l’Asie du Sud-Est: un grand nombre de touristes le parcour du nord au sud ou vice-versa sur de vielles machines achetées pour des sommes dérisoires et transféré de propriétaire en propriétaire sans encombres grâce à l’absence de bureaucratie en ce qui concerne l’achat de véhicules au Vietnam. Mon plan était donc de lentement mais sûrement introduire mon compagnon de voyage aux joies de la moto. En nous rendant aux dunes, j’ai vu une longueur de route déserte menant vers un cul-de-sac et là, j’ai donné un cours rudimentaire sur le maniement de motocyclettes à Yves-Étienne qui très bientôt se retrouva à faire des longueur de piste, le grand sourire aux lèvres.
Le plan étant encore d’aller aux dunes, j’ai repris les commandes du véhicule, mais après avoir conduit plus d’une demi-heure sur une route côtière tout de même belle, nous avons jetté l’éponge et sommes retournés vers Mui Ne. Sur le retour, nous avons réalisé que les collines de sable qui bordaient la route pouvaient être en fait les dunes que nous cherchions alors après avoir laissé la moto sur l’accotement, nous sommes partis explorer et effectivement, après cinq minutes de marche, nous étions au milieu d’un minuscule Sahara. Une demi-heure plus tard, les pantalons et les chaussures pleines de sable, nous sommes retournés à notre auberge. Pendant que je travaillais, Yves-Étienne a fait la connaissance de nos compagnons de dortoir et bientôt, nous sommes tous partis manger ensemble. Comme la majeure partie d’entre nous voyagait depuis plusieurs mois (ce qui semble êre la norme dans ce coin du monde), lors du repas, la discussion tourna vite à quel met nous manquait le plus et à l’unanimité ce fut le vin (et le fromage). Or, il s’adonnait que j’avait demandé à mon ami de me rammener une bonne bouteille du Canada. Nous l’avons donc partagé avec le groupe de la soirée, non sans au préalable acheter du vin Vietnamiens (qui s’avéra être plutôt correct), car une bouteille pour cinq, c’est peu. Ceci fait, nous avons poursuivis la soirée au même bar que la veille, un endroit où normalement je n’irai jamais au Canada, car trop luxueux, mais vu que l’alcool au Vietnam est plus qu’abordable, je pouvais certainement me le permettre. Quand même, les whiskys ne sont pas donnés. D’ailleurs, j’en ai acheté une bouteille à l’aéroport, mais comme ce n’est pas un brevage qui fait l’unanimité, les occasions d’en boire sont rares.
Notre destination suivante devait être Nah Trang, mais après avoir discuté avec bon nombre de voyageurs qui en revenaient, c’était un Mui Ne plus gros avec plus de Russes. Il nous fallait un plan B et selon plusieurs, Da Lat valait la peine que l’on s’y arrête. Encore de l’autobus, cette fois-ci directement dans les terres vers les hauteurs du Vietnam. Dommage, j’aurais aimé explorer un peu plus Mui Ne. Le village notamment, qui semblait très charmant et où il paraît se trouvait la plus grosse usine de sauce à poisson du pays.