Après notre mésaventure au départ du Sri Lanka, nous n’étions pas fâchés d’arriver à Mumbai (Bombay), même si c’était avec un jour de retard. Tout de même, d’autres défis nous attendaient car en sortant de l’aéroport, il nous a fallu naviguer les transports en commun pour nous rendre au centre-ville et malheureusement Google Maps nous a grandement nuit plutôt que de nous aider, car les arrêts et horaires de bus ne correspondaient aucunement aux indications fournies par l’application. Débarqués à l’hôtel, nous nous sommes couchés sans demander notre reste. Heureusement que nous n’avions réservé qu’une nuit à cet endroit. Les hôtels bon marchés sont toujours plutôt glauques ici en Inde, nous le savions, mais celui-là était d’une classe à part. En réservant l’endroit le moins cher du centre-ville, il fallait s’y attendre… quand même, nous nous sommes résolus à changer d’endroit et payer les prix de Mumbai, c’est à dire autant que dans certaines villes d’Europe. L’autre établissement, un hostel qui avait l’air bien sur internet, était en rénovation et seulement les chambres était terminées. Pour nous qui voulions profiter d’une bonne ambiance et d’une aire commune pour nous poser, c’était l’échec.
L’Inde a quand même ceci de fâchant (et j’écris ces lignes coincé dans un autobus qu’on nous a vendu comme étant express … et qui ne l’est pas) que tout y est négligé, non-professionnel et qu’on essaie de nous avoir à tout bout de champ en gonflant les prix ou en nous mentant. Du coup, on est constamment sur nos gardes et par conséquent plutôt bêtes avec les Indiens, ce qui ne manque pas d’offusquer certains d’entre eux. C’est regrettable, mais ce sont les règles du jeu ici et je ne serais pas surpris que même les locaux tentent constamment de s’entuber les uns les autres. Seulement, il est beaucoup plus facile de se parer de ces situations lorsque l’on parle la langue et qu’on a la peau foncée. Nous, il nous faut toujours nous engueuler avec les gens spécialement les chauffeurs de tuk-tuks, qui a chaque coup ne manquent jamais de nous charger plus que le prix convenu. Il faut se le rappeler par contre, le quotidien de l’Indien moyen est une lutte incessante pour la survie. Les Indiens ont beau ne pas être productifs, ils sont dans les faits toujours en train de travailler à gagner quelques roupies.
Quand même, nous avons pu passer un agréable après-midi à nous promener dans le Mumbai sud afin d’admirer son architecture et ses monuments. Contrairement aux autres villes indiennes visitées jusqu’à présent, Mumbai est propre et relativement bien entretenue. On a même pu aller faire notre tour dans le port de pêche, très photogénique mais ô-combien malodorant. Au retour à l’hostel, j’ai passé un peu de temps à l’ordinateur puis nous sommes sortis avec un Indien et une autre Canadienne prendre une bière. Supposément, l’établissement nous offrait une pinte gratuite sous présentation d’un coupon. Lorsque est venu le temps de payer, évidemment, ils n’ont pas honoré leur promotion (qu’est-ce que je vous disais…) Sur le retour, nous sommes passés au liquor store pour continuer les festivités devant l’hostel. Peu après, une bande d’adolescents en vélo se sont mis à feindre de vouloir entrer en collision avec nous pour nous éviter à la dernière seconde, le tout en nous lançant ce qui était probablement des insultes. Le cirque s’est arrêté lorsque j’en ai foutu un à terre et l’ai engueulé dans un français très soigné.
Le lendemain, encore un changement d’auberge, cette fois-ci pour nous rendre beaucoup plus au nord de la ville. L’endroit était toujours décevant, mais au moins il y avait une aire commune où se poser. Après une séance de travail, nous sommes partis en balade vers un temple Hare Krishna, une secte hindouiste connue pour ses rites très animés. La visite n’a pas déçue; nous avons pu assister à la cérémonie de 19h00, toute en chants et en danses ferventes. Par la suite, nous nous sommes dirigés vers la plage, non pas pour nous s’y tremper (peu recommandable aux abords de n’importe quelle ville d’Inde, encore moins Mumbai) mais pour profiter des nombreux stands de bouffe. Audrey et moi adorons la cuisine de rue en général et encore plus celle indienne: diverse, omniprésente et si peu cher. Avec un moyenne de trois arrêts à chaque sortie en exploration urbaine, on en vient à se totaliser des repas entiers, souvent pour moins d’un dollar chaque. Normalement, il est véhément recommandé aux touristes de se tenir loin de ce genre d’expériences culinaires, car la salubrité y est aux standards indiens. Pour notre part, je crois que nous nous y sommes habitués.
Mumbai est immense. D’un bout à l’autre, c’est à dire de l’extrémité sud de la péninsule jusqu’aux banlieues nord, la ville doit bien faire un 50 kilomètres de long. Grands amateurs de marches urbaines, nous nous étions donnés comme défi pour pousser l’activité dans ses retranchements plus extrêmes de marcher depuis le sud jusqu’à notre auberge : un bon 30 kilomètres. En sautant d’un monument à l’autre ou en se limitant à certains quartiers, on ne visite pas une ville, on en voit que la façade touristique. En la traversant à pied, on en prend vraiment le pouls. Nous nous sommes donc rendus à notre point de départ en train, une expérience en soi. Le wagon était plein à craquer et il nous a fallu pousser fort pour y monter. Une station avant la nôtre, tout son contenu s’est vidé en l’espace d’une minute et c’est en nous accrochant à la structure que nous ne nous sommes pas faits emporter la marée humaine.
Au fil des kilomètres, nous sommes passés au travers de maints quartiers, certains plus populaires et d’autres plus huppés. En visitant un marché au fleurs, on nous a invité à prendre le thé et des selfies (les Indiens sont très [parfois trop] chaleureux et curieux). On a même traversé le bidonville de Derhavi, un endroit plutôt chouette (et propre) fourmillant d’activité et de sourires. Les zones les moins intéressantes sont décidément celles où sont situées le plus de hautes tours. Toutes emmurées et protégées par du personnel de sécurité, on ne trouve entre-elles que des petits commerces, des abris de fortune et de la pauvreté. On aurait pensé que c’était dans le bidonville qu’allait se concentrer la misère, mais ce n’est pas le cas. Les habitants du bidonville ont tous un toit et un travail. Pour les plus miséreux, il est plus logique d’aller s’installer là où il y a de la richesse.
Partis à 12h30, ce n’est que vers 20h00 que nous sommes revenus à notre gîte. La moyenne au kilomètre est basse, mais par endroit, marcher dans la ville relève de la course à obstacle voir du labyrinthe, spécialement lorsqu’on nous bloque le chemin par un échangeur autoroutier. Nous voyants un peu perdus, des Indiens arrivent à notre secours. Or, impossible de leur faire comprendre que nous ne voulons pas prendre de tuk-tuk et que nous désirons marcher. En même-temps, il est entièrement compréhensible que l’expérience de la marche en ville n’ait rien d’attrayant pour eux.
Après une telle journée, nous n’avons pas trop bougé le jour suivant et avons passé nos derniers moments à Mumbai dans l’air commune de l’auberge. Depuis quelques semaines, mon ordinateur s’était mis à surchauffer et planter de manière intempestive; je soupçonnais un système de refroidissement bouché par la poussière. Avec le jeu de tournevis que j’avais acheté la veille, je me suis mis à la besogne et une heure plus tard, ma théorie avait été vérifiée et le problème réglé. Pour le reste de la journée, je me suis affairé à organiser un éventuel voyage au Turkménistan. Audrey a quant à elle envoyé une plainte au service à la clientèle de Sri Lankan, dans l’espoir qu’ils nous remboursent les frais de changements de vol.
Il a fallu un bon deux heures de trafic pour quitter la ville en bus de nuit. Autour de nous, du béton à perte de vue et panneau publicitaire après panneau publicitaire vantant la proximité d’un nouveau développement avec l’autoroute. L’autoroute même sur laquelle nous nous trouvions, complètement bouchée encore à 21h00; preuve irréfutable de la non durabilité de la dichotomie banlieue/centre-ville. Même si au niveau urbanisation, Mumbai est essentiellement une catastrophe, elle reste tout de même un centre économique et culturel majeur de notre monde et l’une sinon la (tout dépend comment un compte) ville la plus peuplée d’Inde. Ces raisons à elles-seules valaient la peine que l’on fasse l’effort d’un passer quelques jours et pour être francs, nous nous y sommes quand même plus.