Après une bonne nuit de sommeil (nous en avions besoin), nous sommes extirpés de l’auberge pour aller acheter du matériel à sandwich et la manger dans un parc. À la fois par mesure de redressement pour contrer les sanctions économiques envers la Russie et parce que la coupe du monde de soccer de 2018 se tiendra à Moscou, la ville entière est en réfection. La mairie a importé quantité de travailleurs d’Asie Centrale pour l’occasion et de ce que nous en avons vu, Montréal a peu à envier à la capitale Russe en frais de dérangement. Il nous aura donc fallu un bon 45 minutes de marche avant de trouver un endroit herbeux convenable qui s’est avéré être contre les murs du Kremlin.
Comme il était déjà tard, nous avions ratés pas mal toutes les nombreuses opportunités musées de Moscou et spécialement le Kremlin, pour lequel il faut soit arriver tôt, soit être prêt à faire la file. Finalement, nous nous sommes arrêtés sur une suggestion de parcours pédestre par le guide. Ce dernier devait nous emmener de la cathédrale Jésus-Christ le sauveur (la plus haute du monde orthodoxe) jusqu’à l’université de Moscou en longeant les berges de la rivière Moskva. C’était un excellent plan. Entre départ et arrivée, nous sommes tombés sur plus d’un endroit intéressant, notamment le parc de sculptures Muzeon, qui regorgeait non seulement d’oeuvres originales, mais aussi de vieux bustes de Lénine, Staline, Khrushchev, Brezhnev et autres dirigeants de l’ère communiste qui n’avaient plus leur place dans le Moscou 21e siècle. Excellente manière de réutiliser l’art sans faire table rase de son passé si vous voulez mon avis.
Parlant de communisme, les Russes ne semblent à ma grande surprise aucunement l’intention de couper les ponts avec ce pan de leur histoire. Notre version occidentalisée des faits nous porteraient à croire que la nouvelle Russie se serait purgée des reliquats d’un des pires régimes autocratiques de l’histoire. Or, il n’en est pas ainsi. L’étoile, la serpe et la faux sont encore omniprésents partout dans la ville, le mausolée de Lénine a encore sa place de choix devant le Kremlin et les boutiques de souvenirs abondent en bricoles à l’effigie de l’URSS. La majorité des touristes de la ville sont en fait des Russes d’ailleurs et vu la quantité d’entre eux portant des vêtements au couleurs de l’ancien régime, ils semblent friands de renouer avec ce passé en visitant son épicentre. Que doit-on en penser? À cet époque, les Russes se partageaient avec les États-Unis le statut de grande puissance du monde. La chute du régime les a grandement diminué et dans le climat politique actuel, il ne m’étonne pas que le peuple et le pouvoir en place ait capitalisé sur cette ancienne grandeur pour alimenter un sentiment nationaliste. Du moins, c’est mon avis personnel.
Bref, après ce parc de sculptures, nous avons enchaîné avec le célèbre parc Gorky, moitié jardin moité fête foraine, puis un autre parc, puis un autre, puis un autre … ce n’est pas les espaces verts qui manquent à Moscou. En fin de parcours, nous avons débouchés sur l’université d’état de Moscou et son bâtiment principal. Absolument époustouflant du haut de ses 240 mètres, il est à l’image du régime de l’époque: imposant et démesuré. Il existe sept de ces tours dans le paysage moscovite, toutes commandées par Staline dans les années 50. Elles ont aussi des sosies dans le reste du monde soviétique, je me rappelle d’en avoir croisé une à Varsovie en Pologne. Comme il se faisait tard, nous avons attrapé le premier kebab que nous avons croisé puis sommes rentrés à l’auberge par le métro. Métro qui en soit vaut le détour, car il mérite bien sa réputation d’être le plus beau au monde. Ce n’est pas toutes les stations qui sont aussi décorées, mais certaines, toutes des marbre et remplies de sculptures, valent que l’on s’y arrête juste pour prendre le temps de les observer. Ce faisant, on ne risque même pas de trop se retarder, car le métro passe aux deux minutes.
Nous nous étions couchés plein de bonnes intentions de nous lever tôt et d’aller visiter le mausolée de Lénine et le Kremlin. Il n’en évidemment pas été ainsi, c’est peut-être la faute d’un shooter de vodka gentiment offert par un Allemand la veille au soir. Bref, histoire d’arriver à temps, nous avons couru jusqu’au McDonalds, attrapé deux cafés et quelques burgers et avons mangé le tout en marchant d’un pas rapide vers le mausolée du père de l’Union Soviétique (y voyez vous quelques chose d’ironique?) Arrivé là, la file était déjà beaucoup trop conséquente pour que nous puissions espérer rentrer à temps (et nous l’avons appris plus tard, le Kremlin était en fait fermé). Déçus, nous nous sommes rabattus vers la célèbre basilique de Saint-Basile le bienheureux. Haute en couleurs et en formes, elle est le symbole même de Moscou. Contrairement à ce que l’on pourrait penser par contre, elle n’est pas un bâtiment vide comme l’on s’attendrait d’une basilique, mais une collection d’une dizaine de petites chapelles toutes agglutinées ensemble et reliées par une dédale de couloirs.
Désireux d’occuper notre après-midi de manière productive et ayant laissé le guide à la maison, je suis tout de même parvenu à trouver le nom d’une destination que j’avais identifié la veille, le parc d’exposition russe, ou VDNKh. Équivalent d’exposition universelle pour le monde soviétique, elle est une collection de pavillons construits à l’image des républiques de l’ancienne URSS. Les plus majestueux sont incontestablement ceux appartenant à la Russie. Bien malheureusement, ces derniers n’ont pas échappé à la vague de travaux publiques et étaient couverts d’échafaudages. Au moins, les jardins et tout ce qui se trouvait entre (Mig-29, fusée Vostok, navette Buran [l’équivalent soviétique de la navette spatiale américaine] et autres…) étaient encore visitable. Quand même impressionnant, d’autant plus qu’en arrière plan, l’on apercevait la tour Ostankino, structure la plus haute au monde entre 1967 et 1975 pour n’être surpassée que par notre propre tour du CN. Nous aurions voulu visiter le palais Ostankino non-loin de là, célèbre pour ses intérieurs somptueux, mais une fois devant il était fermé pour … rénovations. Bref, avec encore quelques heures de visite devant nous, nous avons pris le funiculaire et le métro pour nous rendre dans le quartier des affaires de Moscou, un conglomérat de gratte-ciels en périphérie de ville mais bien visible de partout (un peu comme la défense à Paris). Rien de trop intéressant, ce n’était que des tours et un immense centre d’achat, mais au moins on a pu faire quelques emplettes. De retour à l’auberge, nous avons sécurisé notre séjour à Saint-Petersbourg et passé le reste de la soirée sur l’ordinateur/téléphone.
Notre tain quittait à minuit 40 et n’arriver à destination que le lendemain vers 9h00. Les trains de nuit sont pratiques en ce sens qu’ils permettent d’économiser une nuit à l’hôtel et une journée de voyage. Nous avions donc un jour entier libre devant nous. Dès le début, j’avais exprimé à Audrey la fermer volonté d’aller voir le musée des Forces Armées Russes, chose qui de toute évidence allait bien moins la passionner que moi. Hélas, pour quiconque s’intéresse un tant soit peu à l’histoire militaire du monde, c’était un incontournable. Dommage que tout le texte dans le musée n’ait été qu’en Russe, car nous aurions adoré en apprendre plus sur la vision Russe des différents conflits couverts par l’exposition. Au moins, les pièces étaient plus que parlantes et j’ai pu observer de nombreux objets que je n’avais auparavant vu qu’en image, notamment des armes de la deuxième guerre mondiale, des avions (certains encore utilisés aujourd’hui), tanks, etc…
En marchant vers le musée, Audrey avait remarqué la présence d’une imposante mosquée non loin, probablement la mosquée principale de la ville. Nous y avons donc fait un arrêt en retournant vers le métro. Malheureusement pour Audrey, elle n’était pas habillée pour la visite alors j’y suis allé tout seul. Bien dommage, car l’intérieur en valait le coup, mais de toute manière, elle n’aurait probablement pas pu le voir, car la section réservée à la gente féminine n’avait pas de vue sur le grand dôme. Nous allons certainement pouvoir nous reprendre ailleurs en Asie-Centrale. J’espère que là, les femmes pourront visiter l’entièreté du bâtiment comme par exemple c’est le cas dans la grande mosquée d’Istanbul (hors des heures de prière seulement). Avant de revenir à l’auberge, nous sommes passés par une librairie afin d’y trouver une carte routière de l’Asie-Centrale. Sans grand succès, nous n’avons pu dénicher que celle du Kazakhstan et seulement en cyrillique.
Le cyrillique est évidemment omniprésent en Russie (et il l’était en Ukraine) et savoir au moins le déchiffrer est d’une incroyable utilité. Au tout début, il peut paraître complètement opaque, mais pour autant que l’on s’en donne la peine, on parvient rapidement à le lire et souvent comprendre, car bien des mots sont partagés avec le français (Pectopah = restaurant, les P sont des R, les C des S et les H des N). Je crois personnellement être en bonne voie d’atteindre le niveau d’un enfant de première année en lecture. En compréhension par contre, c’est une autre histoire. Disons que les Russes ne nous rendent pas la tâche simple et ont plus tendance à s’impatienter qu’à ralentir et clarifier leurs propos lorsqu’ils nous parlent. Pourtant, j’ai bon espoir de parvenir à un niveau de base, car déjà que presque personne ne parle anglais ici, il y en aura encore moins à mesure que nous avancerons dans l’Asie Centrale.
L’auberge où nous couchions à Moscou a été assez gentille pour nous y laisser garer notre véhicule durant notre séjour à Saint-Petersbourg. Nous y sommes donc repassés pour laisser les clés, transférer quelques vêtements dans nos sacs de jour pour voyager léger et profiter de l’internet avant de nous rendre à la gare pour une nuit de train.