Il faut dire que j’avais pas mal d’a priori par rapport aux croisières. Malgré tout, je m’étais toujours dit que j’allais devoir essayer la formule un jour. Lorsque l’opportunité s’est présentée sous la forme d’une amie d’Audrey qui fêtait ses 40 ans, je me suis dit que c’était le bon moment.
Des resorts style tout-inclus, j’en ai fait quelques uns et j’avoue que l’expérience est à chaque fois plutôt satisfaisante. Certains en profitent pour lire sur la plage, je suis plus du genre à faire du sport, de la plongée et à explorer tous les petits coins de ces immenses complexes hôteliers dont la logistique et l’étendue ne manque jamais de m’impressionner.
La croisière, je m’attendais à une expérience tout-inclus mêlée avec celle d’un parc d’attraction. Oui il allait y avoir des moments de plaisir et d’abus, mais dans un cadre surpeuplé, étouffant où l’on doit attendre pour le moindre service et où tout est de mauvaise qualité et coûte cher.
Heureusement, mes craintes ne se sont pas avérées.
La nourriture fut excellente, le choix et la qualité des boissons au rendez-vous, les activités nombreuses (même durant les journées en mer) et le service rapide et hors pair. Jamais il n’a parut que nous étions 2800 passagers (et 1250 membres de l’équipage) flottant aux milieux des mers sur une coque métallique. Contrairement à mon expérience hôtelière sur la terre ferme, il y avait aussi une certaine qualité de divertissement avec des spectacles de tout genre à chaque soir et même plus. Je me suis d’ailleurs développé un certain intérêt pour la magie (non partagé par Audrey [tant pis pour elle]).
Contrairement aux resorts aussi, l’expérience est un peu plus sociale et les possibilités d’engager la conversion avec d’autres croisiéristes sont multiples. La majorité d’entre eux étaient américains et plusieurs, conjecture géopolitique obligeant, se sont excusés au nom de leurs compatriotes. La croisière fidélise définitivement son public cible et plusieurs personnes rencontrées en étaient à leur dixième et au-delà. Tous nous ont confirmé que nous (en fait, l’amie d’Audrey) avions choisi le bon bateau et que mes a priori auraient été confirmés si nous avions choisi une compagnie différente et un plus gros navire. Quand on est féru de croisières en fait, on développe une préférence pour une entreprise plutôt qu’une autre, mais aussi pour un navire en particulier. Sam, un américain de Virginie, retraité du Département de la défense, en était à sixième sortie sur le Celebrity X Equinox. Sam par ailleurs fut une rencontre intéressante, car il faisait partie de cette petite sous-catégorie de la population américaine qu’on appelle les swing voter, mais qui ont un impact disproportionnel sur l’issue des élections, car contrairement aux démocrates ou républicains bien campés dans leurs idéaux, c’est eux qui décident si la maison blanche sera rouge ou bleue. Mon impression me dit que Sam ce coup-ci a voté pour les républicains. Mon impression me dit aussi qu’il avait bien conscience qu’il avait échangé un mal pour un pis.
Cette impression d’espace, de calme et de qualité découlait certainement du fait que la clientèle sur le bateau était constituée à majorité de retraités émérites. Ceci dit, selon un employé, cette croisière ci était anormalement jeune; fait probablement expliqué par la proximité avec la semaine de relâche. L’un des deux médecins qui roule la clinique au pont 2 (que je n’ai pas manqué d’aller visiter par curiosité et qui ressemble à certains petites urgences dans lesquelles j’ai travaillé) m’a indiqué que la moyenne d’âge se situait autour de 75 ans, ce qui n’est pas peu dire et qui explique sans difficulté les choix de décorations du navire, le nombre de magasins de bijoux et la popularité du casino. Le t-shirt d’une dame résumait bien la situation et l’ambiance qui régnait lorsque l’on s’approchait des machines à sous et bijouteries :
Spending my kids’ inheritance, one cruise at a time.
C’est votre argent madame. C’est vous qui l’avez gagné alors dépensez-là comme bon vous semble. J’espère malgré tout que vous payez dûment vos impôts, car le navire lui, il ne doit pas en payer beaucoup grâce à son immatriculation à Malte.
Ce qui est encore plus plaisant à faire sur une croisière que sur la terre ferme aux États-Unis, c’est le people watching, activité que nous appellerons désormais de bingo des personnes, car c’est plus français. De nombreuses cases ont été cochées et je vous en nomme certaines :
- la madame avec les plus long faux cils
- le monsieur le plus blasé au casino
- les lèvres les plus botoxées
- le monsieur ou la madame en pyjama au casino
- la personne la plus américaine (interprétation libre, ce pouvait être la casquette flanquée d’un aigle et le t-shirt aux couleurs du drapeau, ou encore le chandail de Jésus)
- etc.
Suis-je dans le jugement? Oui. J’encourage par contre tous à faire leur propre bingo des personnes et d’y ajouter la catégorie du gars qui s’habille tout le temps pareil. On est tous le stéréotype de quelqu’un.

Les croisières font (toujours?) escale à certains endroits et pour la nôtre, c’était Nassau, Perfect Day Coco Cay (une île dans les les Bahamas, propriété de la compagnie) puis finalement Cozumel.
À Nassau, Audrey et moi sommes retournés à nos vielles habitudes et erré de nombreux kilomètres dans la ville avec comme seul objectif d’en visiter les quartiers. Constat, le centre-ville n’est qu’un gros magasin complètement nul et la ville autour est délabrée et pauvre. Bien honnêtement, nous nous attendions (avec naïveté) à ce que la capitale d’un paradis fiscal comme Les Bahamas soit un peu plus reluisante. En même temps, nous l’avons parcouru que pendant quelques heures…
Coco Cay n’a été qu’un parc d’attraction ceinturé de plages artificielles. Les autres vous diront qu’il ont bien apprécié sortir du bateau et pouvoir profiter du sable. J’avais en vain tenté d’explorer les opportunités de plongée qui s’y trouvaient, mais les critiques sur internet n’étaient pas très favorables et de toute manière, il y avait trop de vent.


À Cozumel cependant, je me suis levé à la première heure, ai déjeuner en vitesse et suis sorti du bateau, m’arrêtant au premier centre de plongée sur mon chemin. Par chance, il restait de la place pour la sortie du matin. Un peu moins de deux heures plus tard, je me trouvais par 25 mètres de fond à respirer de l’air comprimé en admirant la faune et la flore d’un des endroits les plus réputés et les mieux conservés des Caraïbes. Requin, raies, coraux, éponges, poissons, tout était au rendez-vous.
De retour sur terre, je me suis enfilé trois tacos servis de l’arrière d’une camionnette en décomposition. Les mexicains faisaient la file pour se faire servir, ce qui est signe que la nourriture y est bonne et sécuritaire. Une petite rencontre d’affaire d’une heure que je ne pouvais pas me permettre de manquer, j’étais de retour sur le navire, hautement satisfait de ma journée et avec le sentiment d’avoir reconnecté un peu avec ma manière de voyager de laquelle je me suis senti loin ces derniers jours.
Une petite journée en mer et nous étions de retour à notre point de départ à Port Canaveral en Floride. Les journées en mer sont plutôt cool. Pas de gros horaires, on se lève tard, on mange, on va au gym et on passe du bon temps par la suite à profiter des autres et de l’immensité du bleu qui nous entoure.

Nous avions initialement allongé le séjour à Orlando de deux jours afin de visiter la ville un peu (parcs d’attraction exclus). Malheureusement, il a fallu écourter d’une journée en raison d’un rendez-vous d’affaires de dernière minute (ma faute). Fort dommage, car en plus d’y faire bon, Orlando a été surprenante et intéressante. Oui, on y trouve ces grands boulevards sans âme propres aux villes d’Amérique du Nord, mais dans plusieurs secteurs, ce sont des rues dans de paisibles quartiers résidentiels serpentant entre d’innombrables lacs flanqués de demeures cossues. Les parcs sont nombreux et la verdure abondante. Ça l’a fait du bien de se dégourdir les jambes et après un bon 25 kilomètres, nous en avions assez. Pour notre dernier repas, nous nous sommes offerts un BBQ coréen puis avons sauté dans un taxi dont le chauffeur nous a tellement vanté les différents parcs d’attraction pour lesquels la ville est fameuse que j’en ai presque développé un fomo (fear of missing out). Peut-être l’occasion d’y retourner se représentera, mais bien honnêtement, ça m’étonnerait qu’Audrey et moi forcions la chose. Peut-être par contre que des amis nous inviteront dans un tel voyage.
Après une courte nuit à dormir dans l’aéroport (avec un vol qui partait à 7h25, ça ne valait pas la peine de prendre une nuit d’hôtel), nous étions de retour dans le froid canadien.
On peut considérer la case croisière cochée mais si on m’invite à nouveau, je ne dirais pas non ;)
