Normalement, on ne fait que passer à Colombo, capitale du Sri Lanka. La ville est énorme, congestionnée et sans attraits. Or, étant le port principal du pays, elle est le siège d’un énorme traffic maritime et qui dit navires dit épaves. Dans tout le Sri Lanka, c’est à Colombo qu’elles sont les plus nombreuses et les plus belles. J’aurais dû m’en douter, mais n’étant pas habitué à la plongée au large de capitales, j’ai appris l’information trop tard. Avoir su, je me serais donné un jour ou deux supplémentaires mais bon, j’étais quand même parvenu à m’y sécuriser une matinée de plongée.
La veille et le jour de notre arrivée dans la capitale, nous avons début notre programme de visite par un petit trajet en train pour atteindre le centre, car notre auberge était localisée plutôt en banlieue. À la gare, la circulation ferroviaire avait du retard: un malheureux s’était fait frapper par la locomotive 200 mètres en avant. Ce genre de collision ne pardonnant pas, c’est sur une civière couvert d’un drap blanc taché de sang que le personnel de la gare à ramené le corps dans la station. Le tout s’est fait sans cérémonie et surtout sans le concours des autorités. En conversant avec un Cinghalais, celui-ci nous a appris que c’était chose commune en raison de la proximité entre la voie ferrée et les bidonvilles installés à sa lisière. Bientôt, la circulation avait reprise et c’est sans encombres autres que l’extrême proximité avec les passagers du train surchargé que nous avons pu rejoindre le centre-ville. Comme à l’habitude, le plan était de regagner l’hostel à pied.
Colombo n’est en fait pas si inintéressante que ça. Il y cohabite plusieurs cultures parmi un mélange de modernité et d’architecture coloniale et contrairement à l’Inde, les trottoirs y sont praticables. À l’image du reste du Sri Lanka par contre, Colombo est en pleine explosion. Le capital chinois coule à flot et le littoral du centre-ville est en train de se bâtir à un rythme ahurissant. Pas seulement la côte d’ailleurs, l’ingénierie civile chinoise est en processus d’y construire une immense île artificielle sur laquelle se bâtira le nouveau Colombo moderne, épuré et à l’image de la folie de développement qui anime d’autres mégapoles comme Dubaï. Il était déjà bien tard lorsque nous avons finalement rejoint notre point de départ. Normal, il nous a fallu marcher un bon 15-20 kilomètres pour y arriver.
Quelques petites heures de sommeil et j’étais à nouveau debout en route vers le centre de plongée. Au programme : deux épaves. Et pas de la vielle carcasse rouillée étendue pêle-mêle dans le fond; deux navires, l’un coulé en 2012 et l’autre fin 90. La première, nommée le Thermopylae Sierra était un énorme cargo chypriote de 155 mètres de long transportant de la tuyauterie destinée à l’industrie pétrolière. En raison de salaires arriérés de plusieurs mois, son équipage l’a immobilisé au large de Colombo en attente de leur dû. La saga a duré plusieurs années et finalement le cargo a coulé par 25 mètres de fond lors d’une tempête de mousson. À ce jour, la bataille légale entourant le désastre n’est toujours par réglée.
L’épave est d’une telle ampleur que ses grues dominent le niveau de l’eau d’un bon 10 mètres. Sous les flot, c’est un navire presque intact dans toute son immensité qui se présente aux plongeurs. Terrain de jeu parfait, le Sierra s’est fendu en deux lorsqu’il a sombré, répandant au passage toute l’immense tuyauterie qu’il transportait pour le plus grand bonheur des poissons y ayant déclaré logis et le plus grand amusement des plongeurs aimant se faufiler parmi ce labyrinthe surréaliste. Le Thermopylae Sierra est l’une des plongées les plus impressionnantes qu’il m’ait été donné de faire à ce jour. Le navire est à ce point colossal que ça en donne le vertige. L’immersion n’était pas sans risques par contre, l’épave est jonché de filets de pêche et sa proximité avec le dessus de l’eau fait en sorte que le ressac se faufile par nombres d’orifices et crée des courants aussi puissants qu’imprévisibles.
La deuxième plongée s’est déroulée sur une épave un peu plus modeste: un remorqueur gisant à l’envers par 30 mètres de fond. Arrivés sur place, ça puait les hydrocarbures et l’eau était tachée d’un film arc-en-ciel. Plus bas, l’imposante épave du gros remorqueur retourné nous attendais. Après avoir passé en dessous du bateau afin d’aller rendre visite à toute la vie marine qu’elle abritait, nous sommes lentement remontés vers le dessus de la coque pour explorer un jardin de coraux mous qui s’y était développé et observer les deux grosses hélices. Alors que les autres plongeurs étaient sur la remontée (trop de temps passé en profondeur), notre guide a identifié une fuite de ce qui semblait être de l’air s’échappant d’un petit orifice de la coque. En nous rapprochant et en passant notre main dans les bulles, nous nous sommes rapidement rendus compte que nous avions en fait affaire au responsable de la nappe d’hydocarbures en surface: du fioul. Après toutes ces années, la corrosion avait finalement eu raison du réservoir de carburant du remorqueur. Pas trop bon pour l’environnement, un tel bateau devait en contenir plusieurs tonnes. Je me suis dit que j’allais avertir les autorités portuaires de la fuite, quoique je serais étonné qu’elles en fasse quelque chose.
De retour sur la terre ferme, j’ai souhaité bonne contuination à mes compagnons de plongée (des ukrainiens) puis suis retourné auprès d’Audrey pour le repas du midi et la sieste subséquente. En soirée, nous nous sommes contentés d’un tour (d’au moins 12 kilomètres) de la zone où se situait notre hôtel, décidément beaucoup moins intéressante que le centre-ville de Colombo.
Le lendemain, notre vol quittait pour Mumbai vers 17h30, mais vu le trafic et l’éloignement de l’aéroport, nous l’avons joué sécuritaire et sommes partis avec un bon 4h30 d’avance. Sur place avec une bonne marge, nous nous sommes enregistrés sur notre vol et avons passés la sécurité pour avoir accès au comptoirs afin d’y déposer nos bagages en soute. La file n’était pas très longue, mais le singulier employé de Sri Lankan airlines en charge de l’opération (pendant que quantité d’autres erraient dans les parages sans buts trop précis) a fait en sorte qu’il nous a fallu un bon 45 minutes avant que notre tour vienne. Pendant un bon moment, la préposée a scruté notre passeport afin de s’assurer que nous avions effectivement les permissions requises pour séjourner en Inde. Finalement, elle nous demande: “Avez-vous un vol de sortie du pays?”. Non, car a) nous ne savons pas où et quand nous allons sortir, b) on nous a jamais informé qu’il nous fallait une telle chose au départ de Colombo et c) on nous en avait pas demandé lors de notre première arrivée. Je me rappelais par contre avoir lu à quelque part que c’était une obligation pour entrer au pays, mais que les autorités indiennes ne vérifiaient jamais.
Bref, les préposés de Sri Lankan airlines n’ont rien voulu savoir de nos plaidoiries. Finalement, nous nous sommes résolus à acheter un vol bidon pour l’annuler aussitôt arrivés en Inde (et encourir des frais…) À ce moment, il nous restait à peu près 1h15 avant notre vol. Or, impossible de trouver un endroit dans la zone des départs où le signal cellulaire passait. Il nous fallait donc sortir du bâtiment, mais comme nous étions déjà enregistré pour notre vol, la sécurité refusait de nous laisser sortir (la raison nous échappe encore). Lorsque l’inconvénient a été rapporté pour au moins la 5ème fois aux employés de Sri Lankan, ils nous ont suggéré d’aller nous servir du sans-fil libre du comptoir de service à la clientèle qui … se situait passé la sécurité. Impuissants et coincés dans ce no man’s land administratif, le peu de temps qui nous restait pour agir nous a filé entre les doigts. Alors qu’il était déjà trop tard, on a finalement décidé de nous escorter passé la sécurité. De toute manière, nous avions raté notre vol et il nous fallait maintenant arranger la suite avec le comptoir de Sri Lankan à l’extérieur Au final, il nous en a coûté 120$US de frais pour réserver une place sur le départ du lendemain. Pendant que nous étions en train de régler ces détails avec le comptoir, une touriste russe dans la même situation que nous s’est pointée en panique. Vu qu’elle n’avait pas de carte de crédit, je lui ai gentiment payé son vol (en échange de l’équivalent US cash) bidon de sortie du Qatar (qui partage cette règle stupide avec l’Inde il faut croire).
Vite fait, nous nous sommes trouvés une auberge dans le coin de l’aéroport puis nous y sommes rendus en tuk-tuk. Heureusement, ils y vendaient de la bière. Le lendemain, avec encore plus d’avance et de détermination que la veille, nous sommes arrivés à l’aéroport. Tout comme hier, il y régnait un manque flagrant d’organisation. Lorsque l’employée au comptoir d’enregistrement nous a demandé les informations concernant notre vol de sortie de l’Inde, nous lui avons aussitôt répondus que nous quittions Calcutta le 12 avril à 2h du matin pour Bangkok en Thaïlande. Ces petites formalités remplies, nous avons pu passer l’immigration sans encombre pour aller patiemment attendre notre départ vers Bombay. Le vol pour Bangkok, c’était un faux billet généré à partir du site internet returnflights.net la veille…