- Date : 5 octobre
- Départ : 10h00
- Arrivée : 22h00
- Température : soleil
- Route : affreuse mais praticable
Au lever, le vent s’était calmé et nous avons pu démonter le campement et prendre le café tranquilles en compagnie d’un troupeau de chèvres et de moutons non loin. La veille, nous avions passé le point de départ d’une randonnée intéressante à l’intérieur de la gorge de Darshaï. Ne disposant pas d’assez de temps, on l’avait remis au lendemain. Apparemment, elle passait par un endroit si escarpé que le sentier de pierre avait été « cousu » à la paroi (appelé owring). Par la suite, le sentier atteignait une vallée avec un camp de yourtes habité par les bergers l’été et les chasseurs en hiver. Nous nous étions donnés comme objectif ce segment particulier, que nous avons atteint assez rapidement malgré un départ difficile, car le sentier n’était pas balisé. Avec un dénivelé d’un bon 800m, l’aller et le retour on été plutôt sportifs et acrobates, car certaines portions avaient été emportées par des éboulis. Le spectacle alentour en valait vraiment la peine par contre.
Redescendus à la voiture vers 15h30, il nous restait plusieurs heures avant d’arriver à Khorog et de toute évidence, cela allait se faire de nuit. Qu’importe, nous connaissions déjà la route. Un peu avant que la dernière lumière disparaisse, on croise un convoi de 4×4 français arrêtés en bord de route. Je décide de stopper la Golf pour leur souhaiter le bonjour et leur demander quel bon vent les amène par de telles contrées. Ils sont trois véhicules, et se rendent en Chine en passant par le Pamir pour faire parti d’un convoi de 10 véhicules qui traversera ce pays. Étonnés, Audrey et moi leur confient que nous avons rencontrés deux autres véhicules du même convoi. L’un avant-hier à Ishkashim et l’autre à Aralsk au Kazakhstan. Eux-aussi contents de rencontrer des compatriotes (du moins pour la Golf), ils nous invitent à passer la soirée avec eux, ce que nous acceptons aussitôt. Tant pis pour la douche à Khorog.
Au moment où nous les avons croisés, il venaient de se faire jeter dehors d’un campement par les militaires et en avaient identifié un autre non loin. Arrivés-là, même histoire, d’autres militaires nous interceptent et nous informent qu’ils ont reçus l’ordre formel de ne pas laisser de touristes camper le long de la frontière afghane, car l’année dernière, il y aurait eu des tirs en direction du côté tadjike. Ce sans oublier que de par et d’autre, la frontière est encore minée. Par chance, Hugo, l’un des Français du convoi, avais apprit le Farsi lors de plusieurs missions humanitaires en Afghanistan et pouvait communiquer en Tadjike, langue très proche.
À l’aide d’une carte, les militaires nous dirigent vers un autre endroit à l’intérieur de la montagne où nous serons en sécurité. Arrivés sur place par contre, l’un des 4×4 est incapable de monter la côte pour s’y rendre en raison d’un blocage de différentiel défectueux (la Golf aurait passé, j’en suis certain). À la blague peut-être, un militaire avait lancé la possibilité que nous campions sur la base. Sans autres alternatives, nous nous rendons-là voir si vraiment on nous offrirait le gîte. Sans trop de surprise, le commandant du détachement refuse que nous entrions sur le site et nous renvoie à Khorog dans un hotel. À ce moment passe un Tadjike conduisant un vieux camion Kamaz. Il s’arrête et nous propose de le suivre jusque chez lui à deux cents mètres de là. Une fois le camion redémarré (à la manivelle), j’embarque avec lui et l’on se dirige vers l’endroit qu’il nous propose.
Un petit lopin de boue à l’intersection entre deux routes, on aura vu mieux, mais compte-tenu de l’heure, ça fera. Pendant que les autres installent leurs 4×4 pour la nuit, Audrey et moi négocions un espace pour poser notre tente sur le terrain de notre hôte bien que celui-ci tient à tout prix à ce que nous dormions dans sa maison. Les Tadjikes (et certainement les autres peuples de l’Asie Centrale) sont complètement étrangers au concept du camping et sont systématiquement frappés de stupeur lorsqu’on leur confie que nous prenons plaisir à dormir dehors. À force de négociations, tous les partis sont arrivés à un compromis : on va nous installer un lit sur la terrasse couverte.
Il pleuvait, mais la bâche a été vite dressée au-dessus de la table à dîner et jusqu’au petites heures, nous avons festoyé à la bière, au vin, au whisky et à la vodka, car c’était l’anniversaire d’un des Français du convoi. Notre hôte s’est bien entendu mérité autant de verres qu’il le désirait et ne nous a quitté que lorsque sa mère est venu le chercher (il avait 30 ans [en faisait 40] et vivait avec sa sœur et sa mère). Aussi de la fête, un vieux Tadjike édenté et déjà bien imbibé lorsqu’il s’était joint à nous; visiblement l’ivrogne du village. Chacun avait d’étonnantes histoires à conter et tous étaient partis de France pour un périple de longue haleine, un couple vers le Japon, deux amis vers Singapour et le dernier couple en Asie du Sud-Est. Tous avec d’énormes 4×4, outillés jusqu’au compresseur intégré, avec tentes de toit, cuisinettes, douches et bien plus; ils avaient tout de même beaucoup de respect pour nous, qui jusqu’à maintenant avions accomplis le même périple qu’eux et même fait le Pamir (ils s’y dirigeaient) avec une Golf et du petit équipement de camping amateur.